Vu la procédure suivante :
1° Sous le n° 449683, par un mémoire distinct, enregistré le 14 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. B... A... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 18DA02507, 18DA02636 du 17 décembre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, d'une part, rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 8 novembre 2018 en tant qu'il rejette le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 et, d'autre part, faisant droit à l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce même jugement, l'a annulé en tant qu'il a partiellement fait droit à sa demande et remis à la charge de M. A... l'intégralité des impositions en litige, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 151 ter du code général des impôts.
2° Sous le n° 449691, par un mémoire enregistré le 14 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58- 1067 du 7 novembre 1958, M. B... A... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 20DA00972 du 17 décembre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, d'une part, faisant droit à l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre le jugement n° 1800496 du 11 juin 2020 du tribunal administratif d'Amiens, annulé ce jugement en tant qu'il a prononcé la décharge d'impositions supplémentaires auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et remis à sa charge ces impositions et, d'autre part, rejeté son appel contre ce même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 151 ter du code général des impôts.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 ;
- la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 ;
- l'ordonnance n° 2010-177 du 23 février 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Agniau-Canel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées portent sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des mêmes dispositions du code général des impôts. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. Aux termes de l'article 151 ter du code général des impôts issu de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, dans sa rédaction applicable au litige résultant de l'ordonnance du 23 février 2010 de coordination avec la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires : " La rémunération perçue au titre de la permanence des soins exercée en application de l'article L. 6314-1 du code de la santé publique par les médecins ou leurs remplaçants installés dans une zone définie en application de l'article L. 1434-7 du même code est exonérée de l'impôt sur le revenu à hauteur de soixante jours de permanence par an ". Aux termes de l'article L. 6314-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige résultant de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires : " La mission de service public de permanence des soins est assurée, en collaboration avec les établissements de santé, par les médecins mentionnés à l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, dans le cadre de leur activité libérale, et aux articles L. 162-5-10 et L. 162-32-1 du même code, dans les conditions définies à l'article L. 1435-5 du présent code. Tout autre médecin ayant conservé une pratique clinique a vocation à y concourir selon des modalités fixées contractuellement avec l'agence régionale de santé. / Le directeur général de l'agence régionale de santé communique au représentant de l'Etat dans le département les informations permettant à celui-ci de procéder aux réquisitions éventuellement nécessaires à la mise en oeuvre du premier alinéa (...) ". L'article L. 1434-7 du même code, dans sa rédaction applicable au litige résultant de la même loi, dispose que le schéma régional d'organisation des soins " détermine, selon des dispositions prévues par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, les zones de mise en oeuvre des mesures destinées à favoriser une meilleure répartition géographique des professionnels de santé, des maisons de santé, des pôles de santé et des centres de santé et prévues notamment (...) par l'article 151 ter du code général des impôts ". Enfin, aux termes de l'article L. 6112-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige résultant de la même loi : " Les établissements de santé peuvent être appelés à assurer, en tout ou partie, une ou plusieurs des missions de service public suivantes : / 1° La permanence des soins ; (...) ".
4. Il résulte des termes mêmes de la loi que les rémunérations exonérées en application de l'article 151 ter s'entendent de celles versées aux médecins libéraux et à leurs remplaçants, lorsqu'ils sont installés dans une zone identifiée par le schéma régional d'organisation des soins comme présentant une offre de soins de ville déficitaire, au titre de la mission de service public de permanence des soins ambulatoires définie à l'article L. 6314-1 du code de la santé publique, correspondant aux soins de ville assurés en dehors des horaires d'ouverture des cabinets médicaux. Ces dispositions dérogatoires étant d'interprétation stricte, elles ne peuvent s'étendre aux rémunérations que les médecins libéraux tirent de leur participation à la mission de service public de permanence des soins des établissements de santé, qui incombe à ces derniers, le cas échéant, en application du 1° de l'article L. 6112-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable au litige.
5. Le requérant soutient que les dispositions précitées de l'article 151 ter du code général des impôts, selon l'interprétation énoncée au point 4 et retenue par la cour administrative d'appel de Douai dans les arrêts attaqués, en ce qu'elles réservent le bénéfice de l'exonération qu'elles instituent aux seules rémunérations perçues par les médecins libéraux au titre de la permanence des soins ambulatoires, en excluant les rémunérations perçues par ces derniers au titre de leur participation à la permanence des soins des établissements de santé, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi fiscale et d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789.
6. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Aux termes de l'article 13 de cette Déclaration : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
7. Par les dispositions contestées, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux dont elles sont issues, le législateur a entendu, en exonérant d'impôt sur le revenu la part de la rémunération versée aux médecins libéraux au titre de la mission de service public de permanence des soins ambulatoires, favoriser leur installation durable dans les zones géographiques insuffisamment dotées et, ce faisant, contribuer à une meilleure couverture des besoins en soins de ville qui constitue un objectif d'intérêt général. En limitant le champ de l'exonération aux seules indemnités perçues à raison de la mission de permanence des soins qui leur incombe en qualité de médecin libéral et au titre desquelles ils sont susceptibles d'être réquisitionnés par l'Etat, sans l'étendre aux indemnités versées au titre de leur participation à la mission de permanence des soins assurée, le cas échéant, par un établissement de santé, le législateur s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif poursuivi. Par suite, la différence de traitement qui en résulte n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
8. Il résulte de ce qui précède que les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par le requérant, qui ne sont pas nouvelles, ne peuvent être regardées comme présentant un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. A....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A....
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.