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12/07/2021 | FRANCE | N°442606

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 12 juillet 2021, 442606


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 30 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la commune de Montmagny dirigées contre l'arrêt n° 17VE01616 du 16 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'elle lui a enjoint de proposer une affectation à Mme A... dans un emploi correspondant à son grade, dans un délai de deux mois.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2021, Mme A... conclut au rejet du pourvoi et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la cha

rge de la commune de Montmagny au titre de l'article L. 761-1 du code de j...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 30 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la commune de Montmagny dirigées contre l'arrêt n° 17VE01616 du 16 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'elle lui a enjoint de proposer une affectation à Mme A... dans un emploi correspondant à son grade, dans un délai de deux mois.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2021, Mme A... conclut au rejet du pourvoi et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Montmagny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un courrier du 26 mai 2021, notifiée le même jour, le président de la 3ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a invité Mme A... à présenter un mémoire récapitulatif.

Par un mémoire, enregistré le 23 juin 2021, Mme A... persiste dans ses précédentes conclusions.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Montmagny et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A..., rédactrice territoriale, occupait depuis 2013 un emploi de chargée de mission auprès du directeur des services techniques de la commune de Montmagny. Par une délibération du 3 juillet 2014, le conseil municipal de la commune a décidé de supprimer cet emploi à compter du 14 juillet 2014. A compter de cette même date, Mme A... a été maintenue en surnombre par un arrêté du 8 juillet 2014. Mme A... a demandé au tribunal administratif de de Cergy-Pontoise d'annuler cette délibération et cet arrêté et d'enjoindre à la commune de Montmagny de la réintégrer rétroactivement au 14 juillet 2014 dans un emploi correspondant à son grade. Par un jugement du 28 mars 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt du 16 juin 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a, notamment, sur appel de Mme A..., d'une part, annulé le jugement en tant qu'il s'est prononcé sur l'arrêté du 8 juillet 2014 et annulé cet arrêté et, d'autre part, enjoint à la commune de Montmagny de proposer à l'intéressée une affectation dans un emploi correspondant à son grade, dans un délai de deux mois. Par une décision du 30 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi en cassation formé par la commune de Montmagny contre cet arrêt, en tant seulement que la cour a enjoint à la commune de proposer une affectation à Mme A....

2. D'une part, aux termes de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Dès lors qu'un emploi est susceptible d'être supprimé, l'autorité territoriale recherche les possibilités de reclassement du fonctionnaire concerné. / (...) Si la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an. Pendant cette période, tout emploi créé ou vacant correspondant à son grade dans la collectivité ou l'établissement lui est proposé en priorité (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

4. Lorsque le juge administratif annule pour excès de pouvoir la décision par laquelle l'autorité territoriale a maintenu un fonctionnaire en surnombre, en application de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, en raison de la suppression de l'emploi qu'il occupait au motif qu'elle avait manqué à son obligation de recherche des possibilités de reclassement du fonctionnaire, il lui incombe en principe seulement d'ordonner à l'autorité territoriale, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de rechercher s'il est possible de le reclasser sur un emploi vacant correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois. Ce n'est que s'il résulte de l'instruction qu'il existe, à la date à laquelle le juge statue, un emploi sur lequel le fonctionnaire peut être reclassé, compte tenu de son grade et des nécessités du service, que le juge enjoint à l'autorité territoriale, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de proposer au fonctionnaire cet emploi.

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Versailles a annulé l'arrêté du 8 juillet 2014 maintenant Mme A... en surnombre, au motif que la commune de Montmagny avait manqué à son obligation de reclassement, dès lors qu'elle n'établissait pas avoir effectivement recherché un emploi sur lequel reclasser l'intéressée et ne lui avait pas proposé l'emploi d'instructeur en droit des sols et suivi des taxes d'urbanisme, correspondant à son grade, qui n'était plus pourvu depuis le 12 mai 2014 et demeurait vacant à la date de l'arrêté. En jugeant, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que l'annulation qu'elle prononçait impliquait nécessairement que la commune proposât à Mme A... une affectation dans un emploi correspondant à son grade dans un délai de deux mois, sans rechercher si, à la date à laquelle elle s'est prononcée, il existait un emploi sur lequel Mme A... pouvait, compte tenu de son grade et des nécessités du service, être reclassée, la cour a commis une erreur de droit. La commune de Montmagny est, dans cette mesure, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et dans la mesure de la cassation prononcée ci-dessus, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il ne résulte pas de l'instruction, à la date à laquelle le Conseil d'Etat statue, qu'il existe un emploi sur lequel Mme A... peut, compte tenu de son grade et des nécessités de service, être reclassée. Par suite, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les conclusions de Mme A... à fin de réintégration doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu d'enjoindre à la commune, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de rechercher s'il est possible de la reclasser sur un emploi vacant correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que Mme A... ait été affectée entre-temps sur un emploi au sein d'une autre collectivité.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Montmagny qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, pour l'essentiel. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 16 juin 2020 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Montmagny de rechercher s'il est possible de reclasser Mme A... sur un emploi vacant correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A... et par la commune de Montmagny au titre de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Montmagny et à Mme B... A....

Copie en sera adressée à la section du rapport et des études.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUT GÉNÉRAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ÉTAT ET DES COLLECTIVITÉS LOCALES - DISPOSITIONS STATUTAIRES RELATIVES À LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (LOI DU 26 JANVIER 1984) - ANNULATION DU MAINTIEN D'UN FONCTIONNAIRE EN SURNOMBRE À LA SUITE DE LA SUPPRESSION DE SON EMPLOI (ART - 97 DE LA LOI DU 26 JANVIER 1984) - CONSÉQUENCES - 1) PRINCIPE - INJONCTION DE RECHERCHER UN RECLASSEMENT (ART - L - 911-2 DU CJA) - 2) EXCEPTION - EXISTENCE D'UN EMPLOI DE RECLASSEMENT - COMPTE TENU DU GRADE DU FONCTIONNAIRE ET DES NÉCESSITÉS DU SERVICE - INJONCTION DE PROPOSER CET EMPLOI (ART - L - 911-1 DU CJA).

36-07-01-03 1) Lorsque le juge administratif annule pour excès de pouvoir la décision par laquelle l'autorité territoriale a maintenu un fonctionnaire en surnombre, en application de l'article 97 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, en raison de la suppression de l'emploi qu'il occupait au motif qu'elle avait manqué à son obligation de recherche des possibilités de reclassement du fonctionnaire, il lui incombe en principe seulement d'ordonner à l'autorité territoriale, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative (CJA), de rechercher s'il est possible de le reclasser sur un emploi vacant correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois.,,,2) Ce n'est que s'il résulte de l'instruction qu'il existe, à la date à laquelle le juge statue, un emploi sur lequel le fonctionnaire peut être reclassé, compte tenu de son grade et des nécessités du service, que le juge enjoint à l'autorité territoriale, sur le fondement de l'article L. 911-1 du CJA, de proposer au fonctionnaire cet emploi.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONTENTIEUX DE L'ANNULATION - ANNULATION DU MAINTIEN D'UN FONCTIONNAIRE EN SURNOMBRE À LA SUITE DE LA SUPPRESSION DE SON EMPLOI (ART - 97 DE LA LOI DU 26 JANVIER 1984) - CONSÉQUENCES - 1) PRINCIPE - INJONCTION DE RECHERCHER UN RECLASSEMENT (ART - L - 911-2 DU CJA) - 2) EXCEPTION - EXISTENCE D'UN EMPLOI DE RECLASSEMENT - COMPTE TENU DU GRADE DU FONCTIONNAIRE ET DES NÉCESSITÉS DU SERVICE - INJONCTION DE PROPOSER CET EMPLOI (ART - L - 911-1 DU CJA).

36-13-01 1) Lorsque le juge administratif annule pour excès de pouvoir la décision par laquelle l'autorité territoriale a maintenu un fonctionnaire en surnombre, en application de l'article 97 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, en raison de la suppression de l'emploi qu'il occupait au motif qu'elle avait manqué à son obligation de recherche des possibilités de reclassement du fonctionnaire, il lui incombe en principe seulement d'ordonner à l'autorité territoriale, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative (CJA), de rechercher s'il est possible de le reclasser sur un emploi vacant correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois.,,,2) Ce n'est que s'il résulte de l'instruction qu'il existe, à la date à laquelle le juge statue, un emploi sur lequel le fonctionnaire peut être reclassé, compte tenu de son grade et des nécessités du service, que le juge enjoint à l'autorité territoriale, sur le fondement de l'article L. 911-1 du CJA, de proposer au fonctionnaire cet emploi.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 12 jui. 2021, n° 442606
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Martin Guesdon
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Date de la décision : 12/07/2021
Date de l'import : 30/07/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 442606
Numéro NOR : CETATEXT000043799760 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-07-12;442606 ?
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