Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 25 mars et 25 juin 2019 et le 13 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Télévision Française 1 (TF 1) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 5 décembre 2018 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a approuvé l'avenant n° 3 à la convention conclue le 3 juillet 2012 avec la société RMC Découverte pour le service de télévision du même nom, ainsi que cet avenant ;
2°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'audiovisuel la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Télévision Française 1, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat du conseil supérieur de l'audiovisuel et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société RMC Découverte ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 relative à liberté de communication, applicable aux services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre : " (...) des décrets en Conseil d'Etat fixent les principes généraux définissant les obligations concernant : / (...) 2° La diffusion, en particulier aux heures de grande écoute, de proportions au moins égales à 60% d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et de proportions au moins égales à 40% d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles d'expression originale française ; (...) ". A ce titre, l'article 14 du décret du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision dispose que, pour les éditeurs de services de télévision autres que les services de cinéma : " (...) sont considérées comme heures de grande écoute les heures comprises entre 18 heures et 23 heures ainsi que, le mercredi, les heures comprises entre 14 heures et 18 heures. Toutefois, pour les éditeurs de services diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, distribués par un réseau n'utilisant pas de fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ainsi que pour les programmes rediffusés des services de cinéma à programmation multiple, les conventions et cahiers des charges déterminent les heures de grande écoute en fonction de la nature de la programmation du service. (...) "
2. En application de ces dispositions, la convention conclue le 3 juillet 2012 entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la société RMC Découverte, éditrice du service de télévision par voie hertzienne du même nom, précise, en son article 3-2-1, que : " L'éditeur réserve, dans le total du temps annuellement consacré à la diffusion d'oeuvres audiovisuelles, au moins 60% à la diffusion d'oeuvres européennes et 40% à la diffusion d'oeuvres d'expression originale française, au sens des articles 4, 5 et 6 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié relatif à la diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles à la télévision. Toutefois, pour la diffusion d'oeuvres européennes, ces proportions sont fixées à au moins : - pour 2013, 50% ; - pour 2014, 55% ; - à partir de 2015, 60%. Pour la diffusion d'oeuvres d'expression originale française, ces proportions sont fixées à au moins : - pour 2013, 33% ; - pour 2014, 35% ; - à partir de 2015, 40 %. Ces proportions doivent également être respectées aux heures de grande écoute. (...)
3. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération approuvant l'avenant n° 3 du 5 décembre 2018 à la convention conclue le 3 juillet 2012 avec la société RMC Découverte, éditrice du service de télévision par voie hertzienne terrestre du même nom, le CSA a modifié, à compter de l'année 2019, les plages horaires regardées comme heures de grande écoute du service RMC Découverte, jusqu'alors comprises entre 15 heures et 23 heures tous les jours, pour les fixer de 8 heures 30 à 10 heures 30 et de 18 heures à minuit tous les jours. La société TF 1 demande l'annulation de la délibération du 5 décembre 2018 ainsi que de l'avenant qu'elle approuve.
4. Il résulte des textes cités ci-dessus que la définition, par la convention conclue entre le CSA et l'éditeur de service, des horaires regardés comme heures de grande écoute a pour objet de déterminer des plages horaires à l'intérieur desquelles doit être assuré le respect des obligations de programmation d'oeuvres audiovisuelles européennes et d'oeuvres d'expression originale française. Or il ressort des pièces du dossier que les nouvelles plages horaires définies comme heures de grande écoute du service RMC Découverte par l'avenant attaqué portent, d'une part, sur la plage horaire entre 8 heures 30 et 10 heures 30 où son audience moyenne s'est établie en 2018 à 133 000 téléspectateurs et, d'autre part, sur la plage horaire entre 18 heures et minuit, où elle s'est établie à 325 000 téléspectateurs, alors que l'audience moyenne sur la journée entière est de 190 000 téléspectateurs et qu'elle atteint une audience moyenne de 236 000 téléspectateurs entre 15 heures et 18 heures. Une telle définition des heures de grande écoute, comprenant pour un quart d'entre elles une plage horaire sur laquelle l'audience moyenne est significativement plus faible que l'audience moyenne quotidienne, procède d'une application manifestement erronée des dispositions de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 et de l'article 14 du décret du 17 janvier 1990, les éléments avancés en défense et tirés, d'une part, de la part de marché du service lors de cette plage horaire de faible audience et, d'autre part, du potentiel de croissance qu'elle présenterait, n'étant pas de nature à caractériser des heures de grande écoute du service, lesquelles sont destinées à garantir l'exposition de certaines oeuvres au public aux horaires où son écoute est la plus élevée.
5. Il résulte de ce qui précède que la société TF1 est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision et de l'avenant attaqués. Toutefois, eu égard au motif d'annulation retenu et compte tenu des effets excessifs d'un retour immédiat aux règles définies dans la convention initiale, des risques qu'il comporterait pour la pérennité du service et de la nécessité pour la société éditrice de modifier sa grille de programmes et, le cas échéant, de s'assurer des droits de diffusion nécessaires, il y a lieu de différer l'effet de ces annulations jusqu'au 31 décembre 2021 et de réputer définitifs les effets produits jusqu'à cette date.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CSA et de la société RMC Découverte le versement à la société TF 1 d'une somme de 1 500 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société TF 1 qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La délibération du 5 décembre 2018 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a modifié la convention conclue avec la société RMC Découverte ainsi que l'avenant n° 3 à la convention du service de télévision RMC Découverte du 3 juillet 2012 sont annulés. Ces annulations prendront effet le 1er janvier 2022. Les effets produits avant cette date par cette délibération et cet avenant sont définitifs.
Article 2 : Le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la société RMC Découverte verseront chacun la somme de 1 500 euros à la société TF 1.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société TF 1, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la société RMC Découverte.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture.