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01/07/2021 | FRANCE | N°441150

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 01 juillet 2021, 441150


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et quatre autres mémoires enregistrés les 10 juin, 13 et 14 août et 8 décembre 2020 ainsi que les 1er mars et 17 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société MEI Partners, Me D... A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, et M. C... B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) avant dire droit, de proposer une médiation conformément aux dispositions de l'article R. 213-5 du code de justice administrative et d'enjoindre le Premier ministre et le garde

des sceaux, ministre de la justice, d'y répondre dans un délai de 30 jours ;...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et quatre autres mémoires enregistrés les 10 juin, 13 et 14 août et 8 décembre 2020 ainsi que les 1er mars et 17 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société MEI Partners, Me D... A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, et M. C... B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) avant dire droit, de proposer une médiation conformément aux dispositions de l'article R. 213-5 du code de justice administrative et d'enjoindre le Premier ministre et le garde des sceaux, ministre de la justice, d'y répondre dans un délai de 30 jours ;

2°) à défaut d'accord au sujet de cette médiation, de prononcer une astreinte de 1 800 000 euros par jour à compter du 15 août 2020 à l'encontre de l'Etat, jusqu'à l'adoption par le garde des sceaux, ministre de la justice, d'un acte réglementaire ne donnant aux juridictions nationales, statuant en référé, aucune possibilité de se soustraire aux obligations leur incombant dans le cadre du contrôle des aides étatiques instauré par les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

3°) de déclarer irrecevable le mémoire du ministre de l'économie, des finances et de la relance du 12 août 2020 ;

4°) d'annuler la règle non écrite permettant aux juridictions nationales, statuant en référé, de se soustraire aux obligations leur incombant dans le cadre du contrôle des aides étatiques instauré par les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

5°) d'annuler la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, refusant, premièrement, d'adopter les actes interdisant aux juridictions nationales, statuant en référé, de se soustraire à ces obligations, deuxièmement, de récupérer les aides illégales résultant de cette règle non écrite, ainsi que celles qui n'ont pu faire l'objet de mesures provisoires en raison de cette règle, et, troisièmement, de verser les pénalités, dommages et intérêts demandés ;

6°) d'enjoindre à l'Etat, en conséquence, d'une part, de récupérer ces aides illégales, d'autre part, de verser les pénalités demandées les 24 mars 2017, 26 mars 2018 et 8 juin 2020 ;

7°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne afin de savoir si :

- le droit de l'Union européenne impose à un Etat membre d'établir la voie de recours, pas nécessairement nouvelle, tendant à ne donner aux juridictions nationales, statuant en référé, aucune possibilité de se soustraire aux obligations leur incombant au titre du contrôle des aides d'Etat instauré par les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dans le cas où les dispositions du droit national n'interdisent pas explicitement cette possibilité ;

- le droit de l'Union européenne impose aux Etats membres d'établir un régime spécifique d'acceptation pour les décisions implicites, nées du silence gardé à l'égard des demandes des justiciables, tendant à la récupération des aides, qui ont été octroyées en méconnaissance du paragraphe 3 de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, afin de ne pas laisser aux juridictions, statuant en référé, la possibilité de se soustraire aux obligations leur incombant dans le cadre du contrôle des aides étatiques instauré par les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'épuisement des voies de recours devant les juridictions nationales, statuant en référé, est une condition compatible avec le droit de l'Union européenne, pour empêcher les justiciables de contester cette absence de régime spécifique d'acceptation et cette absence de voie de recours, qui donnent aux juridictions nationales, statuant en référé, la possibilité de se soustraire aux obligations leur incombant dans le cadre du contrôle des aides étatiques instauré par les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

8°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment ses articles 107 et 108 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Eu égard aux termes de leur requête et dans le dernier état de leurs écritures, la société MEI Partners, Me A..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, et M. B..., doivent être regardés comme demandant au Conseil d'Etat d'annuler d'une part, la règle non écrite permettant aux juges des référés des juridictions administratives de se soustraire aux obligations leur incombant dans le cadre du contrôle des aides d'Etat, et d'autre part, les trois décisions implicites nées du silence opposé par le garde des sceaux, ministre de la justice, à un courrier du 8 juin 2020 par lequel la société lui demandait de prendre toute mesure législative ou réglementaire ayant pour finalité de contraindre les juridictions nationales statuant en référé à faire respecter les stipulations des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatifs aux aides d'Etat, d'ordonner la récupération d'aides illégales à hauteur d'un montant de 20,8 milliards d'euros, et enfin de lui verser, à titre de pénalités, la somme de 14,667 milliards d'euros.

Sur l'intervention du ministre de l'économie, des finances et de la relance :

2. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a un intérêt de nature à justifier son intervention tendant au rejet de la requête. Par suite, son intervention est recevable.

3. La circonstance que la signataire de l'intervention présentée au nom de l'Etat devant le Conseil d'État et tendant au rejet de la requête n'aurait pas disposé d'une délégation de signature régulière est, à la supposer établie, sans incidence sur la solution du présent litige. Le moyen tiré de cette circonstance est donc inopérant.

Sur la requête :

4. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) ".

5. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la seule circonstance que les juges des référés du Conseil d'Etat, de la cour administrative d'appel de Paris et du tribunal administratif de Paris aient rejeté neuf requêtes présentées par la société MEI Partners sans viser les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne n'est pas de nature à révéler l'existence d'une supposée règle non écrite selon laquelle les juges des référés des juridictions administratives se soustrairaient à leurs obligations dans le cadre du contrôle des aides d'Etat prévu par ces articles, notamment en ne faisant pas usage de leurs pouvoirs d'instruction, en cas de méconnaissance, par les autorités étatiques, de l'interdiction instituée par le paragraphe 3 de l'article 108.

6. Par suite, l'absence de réponse du garde des sceaux, ministre de la justice, au courrier du 8 juin 2020 de la société demandant, d'une part, d'adopter les actes nécessaires pour mettre fin à cette supposée règle non écrite et, d'autre part, d'en annuler certains effets allégués, n'a pas le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours.

7. Il résulte de ce qui précède que faute d'être dirigée contre une décision, la requête, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.

8. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". La présente requête présente un caractère abusif. Il y a lieu d'infliger solidairement aux requérants, en application de ces dispositions, une amende de 5 000 euros.

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention du ministre de l'économie, des finances et de la relance est admise.

Article 2 : La requête de la société MEI Partners, de Me A..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, et de M. B... est rejetée.

Article 3 : Les requérants sont condamnés solidairement à verser une amende pour recours abusif de 5 000 euros.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société MEI Partners, à Me D... A... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MEI Partners, à M. C... B..., au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'économie, des finances et de la relance ainsi qu'au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 441150
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2021, n° 441150
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Ferreira
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:441150.20210701
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