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01/07/2021 | FRANCE | N°432358

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 01 juillet 2021, 432358


Vu la procédure suivante :

Le directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a porté plainte contre M. B... C... devant la chambre régionale de discipline de Bourgogne de l'ordre des vétérinaires. Par une décision du 28 avril 2017, la chambre régionale de discipline a infligé à M. C... la sanction de la suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire d'une durée d'un mois, assortie du sursis, sur l'ensemble du territoire national.

Par une décision du 18 avril 2019, l

a chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires, saisie par M....

Vu la procédure suivante :

Le directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a porté plainte contre M. B... C... devant la chambre régionale de discipline de Bourgogne de l'ordre des vétérinaires. Par une décision du 28 avril 2017, la chambre régionale de discipline a infligé à M. C... la sanction de la suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire d'une durée d'un mois, assortie du sursis, sur l'ensemble du territoire national.

Par une décision du 18 avril 2019, la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires, saisie par M. C..., d'une part, par le directeur général de l'ANSES, d'autre part, a réformé la décision de la chambre disciplinaire de première instance en infligeant à M. C... la sanction de la suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire d'une durée de quatre mois, assortie du sursis pour une durée d'un mois, sur l'ensemble du territoire national, accompagnée de l'interdiction de faire partie d'un conseil de l'ordre pendant une période de dix ans.

Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet et 7 octobre 2019 et le 3 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des vétérinaires et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'ordonnance n° 2015-953 du 31 juillet 2015 ;

- le décret n° 2017-514 du 10 avril 2017 ;

- l'arrêté du 16 mars 2017 fixant les régions ordinales et les circonscriptions disciplinaires ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme D... A..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. C... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 28 avril 2017, la chambre régionale de discipline de Bourgogne de l'ordre des vétérinaires a infligé à M. C... la sanction de l'interdiction temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire d'une durée d'un mois, assortie du sursis, sur l'ensemble du territoire national. Saisie d'un appel de M. C... ainsi que d'un appel du directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires a, par une décision du 18 avril 2019, réformé la décision de la chambre régionale de discipline en infligeant à M. C... la sanction de la suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire d'une durée de quatre mois, assortie du sursis pour une durée d'un mois, sur l'ensemble du territoire national, accompagnée de l'interdiction de faire partie d'un conseil de l'ordre pendant une période de dix ans. M. C... se pourvoit en cassation contre cette décision.

2. M. C... soutient que la composition de la formation de jugement de la chambre régionale de discipline était irrégulière dès lors que tant les dispositions des articles L. 245-5 et R. 242-98 du code rural et de la pêche maritime que le principe d'impartialité des juridictions faisaient obstacle à la participation du président du conseil régional de l'ordre de Bourgogne.

3. Il appartient au juge d'appel de s'assurer, alors même que cette question n'est pas discutée devant lui, que la juridiction dont la décision est contestée a siégé dans une composition conforme aux dispositions législatives ou réglementaires qui déterminent cette composition ainsi qu'aux principes qui gouvernent la mise en oeuvre de ces dispositions. Par conséquent, l'auteur d'un pourvoi en cassation peut faire valoir que le juge d'appel aurait commis une erreur de droit en ne soulevant pas d'office, au vu des pièces du dossier, le moyen tiré de ce que la juridiction de première instance aurait siégé en méconnaissance des dispositions fixant sa composition.

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 242-5 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 31 juillet 2015 relative à la réforme de l'ordre des vétérinaires : " Le conseil régional de l'ordre, complété par un conseiller honoraire à la cour d'appel ou à défaut par un conseiller en activité et sous sa présidence, constitue une chambre de discipline pour tout ce qui concerne l'honneur, la moralité et la discipline de la profession. Ce magistrat est désigné par le premier président de la cour d'appel dont le ressort comprend le chef-lieu de la région ". Aux termes du même article dans sa rédaction issue de cette ordonnance : " Une chambre régionale de discipline est constituée dans chacune des régions ordinales. Son président et le suppléant de celui-ci sont des conseillers à la cour d'appel honoraires ou en activité, désignés par le premier président de la cour d'appel dont le ressort comprend le chef-lieu de la région ordinale. Elle comprend quatre assesseurs. Des circonscriptions disciplinaires sont déterminées par arrêté. / Dans le cas où la personne poursuivie est un vétérinaire, les assesseurs sont tirés au sort parmi les conseillers ordinaux des régions ordinales composant la circonscription disciplinaire, à l'exception de la région où elle exerce ". Aux termes de l'article R. 242-98 du même code, issu du décret du 10 avril 2017 : " A l'issue de chaque audience de la chambre régionale de discipline, le président de la chambre ou son suppléant procède, en vue de la tenue de l'audience suivante, au tirage au sort de quatre membres titulaires et quatre membres suppléants parmi les élus ordinaux de la circonscription disciplinaire. / Ne peuvent pas être tirés au sort : - les conseillers de la région ordinale du domicile professionnel administratif du vétérinaire poursuivi ; les présidents des conseils régionaux de l'ordre de la circonscription disciplinaire ; (...) Les membres suppléants sont appelés à siéger en cas de récusation, désistement ou empêchement d'un ou plusieurs assesseurs dans l'ordre du tirage au sort.". Enfin, les circonscriptions disciplinaires mentionnées à l'article L. 242-5 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 31 juillet 2015 ont été fixées par l'article 4 d'un arrêté du ministre chargé de l'agriculture du 16 mars 2017, entré en vigueur le 1er juin 2017. Il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions que les dispositions du nouvel article L. 242-5 du code rural et de la pêche maritime, qui disposent notamment que les conseillers de la région ordinale du domicile du vétérinaire poursuivi ne peuvent siéger dans la chambre régionale de discipline, n'étaient pas encore entrées en vigueur lorsque la chambre régionale de discipline a pris la décision attaquée.

5. En second lieu, toutefois, aux termes des dispositions de l'article L. 242-6 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 31 juillet 2015 et entré en vigueur immédiatement : " La chambre régionale de discipline réprime les manquements commis par les vétérinaires (...). / (...) / Le président du conseil régional de l'ordre dans le ressort duquel est inscrite la personne physique ou morale poursuivie assure devant la chambre disciplinaire la défense des principes d'indépendance, de moralité et de probité et de l'ensemble des règles déontologiques. En cas d'empêchement, le président désigne un membre du conseil pour le représenter ". En outre, en vertu de l'article L. 242-8 du même code, le président du conseil régional de l'ordre dans le ressort duquel est inscrite la personne poursuivie a qualité pour faire appel des décisions rendues par les chambres régionales de discipline, alors même qu'il n'aurait pas engagé les poursuites disciplinaires en cause. Eu égard au rôle ainsi dévolu par ces dispositions au président du conseil régional dans la procédure disciplinaire, le principe d'impartialité faisait obstacle à ce que le président du conseil régional de Bourgogne de l'ordre des vétérinaires statuât sur la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de M. C.... Par suite, M. C... est fondé à soutenir que la décision de première instance a été rendue par une formation de jugement dont la composition était irrégulière en ce qu'elle comportait le président du conseil régional de Bourgogne de l'ordre des vétérinaires et que, par suite, la juridiction d'appel a commis une erreur de droit en ne soulevant pas d'office le moyen tiré de ce que la juridiction de première instance avait ainsi irrégulièrement statué sur l'affaire.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision du 18 avril 2019 de la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Agence nationale de sécurité sanitaire et de l'alimentation, de l'environnement et du travail une somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu de rejeter les conclusions de M C... fondées sur les mêmes dispositions en ce qu'elles visent le Conseil national de l'ordre des vétérinaires qui n'a pas la qualité de partie à la présente instance. Enfin, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. C... qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La décision du 18 avril 2019 de la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires.

Article 3 : L'Agence nationale de sécurité sanitaire et de l'alimentation, de l'environnement et du travail versera une somme de 1 500 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées en ce qu'elles concernent le Conseil national de l'ordre des vétérinaires.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire et de l'alimentation, de l'environnement et du travail au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et à l'Agence nationale de sécurité sanitaire et de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des vétérinaires.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 432358
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2021, n° 432358
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; CABINET ROUSSEAU ET TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:432358.20210701
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