Vu les procédures suivantes :
M. S... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Saint-Laurent-le-Minier (Gard).
Par un jugement n° 2000977 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a donné acte du désistement des conclusions tendant à l'annulation de l'élection de M. K... et a annulé les opérations électorales ayant conduit à l'élection de Mme J... I..., Mme R... G..., M. H... L..., M. A... F... et M. N... Q....
1° Sous le n° 445413, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 16 octobre 2020 et 26 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme I..., Mme G..., M. L..., M. F... et M. Q... demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'article 2 de ce jugement.
2° Sous le n° 445448, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 19 octobre 2020 et 10 mars 2021, M. E... demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas annulé les opérations électorales du second tour par voie de conséquence de l'annulation prononcée ;
2°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 ainsi que l'élection du maire.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de moins de 1 000 habitants de Saint-Laurent-le-Minier (Gard), six sièges sur onze ont été pourvus dès ce premier tour de scrutin, avec l'élection de cinq candidats de la liste " Pacte pour l'avenir " et d'un candidat de la liste " En avant notre village ". Saisi par M. S... E..., tête de la liste " En avant notre village ", d'une protestation tendant à l'annulation de l'élection des cinq candidats de la liste " Pacte pour l'avenir ", le tribunal administratif de Nîmes a annulé les opérations électorales ayant abouti à l'élection de ces cinq candidats comme conseillers municipaux, par un jugement du 18 septembre 2020. Sous le n° 445413, Mme I..., M. Q..., Mme G..., M. L... et M. F... demandent l'annulation de l'article 2 de ce jugement. Sous le n°445448, M. E... demande la réformation du même jugement en tant qu'il n'a pas tiré toutes les conséquences de l'annulation de ces opérations en annulant par voie de conséquence les opérations électorales du second tour ainsi que l'élection du maire de Saint-Laurent-le-Minier.
2. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, qui sont dirigées contre le même jugement, pour statuer par une même décision.
Sur la recevabilité du grief retenu par le tribunal administratif :
3. Aux termes de l'article R. 119 du code électoral : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai (...) ". Le II de l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif prévoit que : " (...) 3° Les réclamations et les recours mentionnés à l'article R. 119 du code électoral peuvent être formés contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020 au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour, fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020 dans les conditions définies au premier alinéa du III de l'article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 susvisée ou, par dérogation, aux dates prévues au deuxième ou troisième alinéa du même III du même article ". Le deuxième alinéa de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 dispose que : " Par dérogation, dans les communes de moins de 1 000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n'a pas été élu au complet, les conseillers municipaux élus au premier tour entrent en fonction le lendemain du second tour de l'élection ou, s'il n'a pas lieu, dans les conditions prévues par la loi mentionnée au troisième alinéa du I du présent article ". Il résulte de ces dispositions que, le second tour de l'élection étant intervenu le 28 juin 2020, le délai de recours contre les opérations électorales du premier tour de scrutin expirait en l'espèce le lundi 6 juillet 2020 à 18 heures, dès lors que l'article 642 du code de procédure civile dispose que : " Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ".
4. En se fondant, pour faire droit à la protestation présentée par M. E..., sur le grief tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 247-1 du code électoral, alors que ce grief avait été soulevé pour la première fois dans un mémoire enregistré le 9 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif de Nîmes, postérieurement à l'expiration du délai de recours mentionné au point 3, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Par suite, Mme I..., M. Q..., Mme G..., M. L... et M. F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce grief pour annuler les opérations électorales.
5. Il y a lieu pour le Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs présentés devant le tribunal administratif de Nîmes.
6. Comme il a été dit au point 4, seuls les griefs soulevés avant l'expiration du délai de recours sont recevables. Ne peuvent donc être accueillis les griefs soulevés pour la première fois dans le mémoire récapitulatif enregistré le 9 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif de Nîmes.
Sur les listes électorales :
7. Si M. E... soutient que plusieurs personnes ont été maintenues sur la liste électorale alors qu'elles ne devraient plus y figurer, en faisant en outre valoir que certaines, résidant à l'étranger, auraient participé au scrutin par procuration, il n'appartient pas au juge de l'élection, en l'absence de manoeuvre, d'apprécier si un électeur inscrit sur les listes électorales remplit effectivement les conditions requises par le code électoral.
Sur la réunion publique du 29 février 2020 :
8. La tenue d'une réunion publique avant l'ouverture de la campagne électorale n'est pas interdite. Par suite, le grief tiré de l'illégalité de la réunion publique organisée par un candidat le 29 février 2020, deux jours avant l'ouverture de la campagne officielle, ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, il résulte de l'article R. 27 du code électoral que les affiches ayant un but ou un caractère électoral doivent avoir une largeur maximale de 594 mm et une hauteur maximale de 841 mm. M. E... n'est donc pas fondé à soutenir que l'affiche éditée au format A4, de 21 cm sur 29,7 cm, conviant les électeurs à cette réunion publique, méconnaîtrait les dispositions réglementaires.
Sur la promotion publicitaire :
9. Aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : " A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ".
10. Il résulte de ces dispositions que, dès lors que plusieurs des candidats groupés sous l'intitulé " Pacte pour l'avenir " appartenaient à la municipalité sortante, il leur était loisible, dans leur profession de foi, de dresser le bilan du mandat qu'ils détenaient précédemment. Il s'ensuit que le grief tiré de ce que cette profession de foi, dont l'impression en noir et blanc n'était pas prohibée, aurait constitué une promotion publicitaire prohibée des réalisations ou de la gestion de la collectivité ne peut qu'être écarté.
11. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le document intitulé " Une belle tranche de vie : 19 ans à la mairie ! " diffusé par le maire sortant, M. B... M..., le 9 mars 2021, sous son timbre personnel, sur papier sans en-tête et sans signe distinctif, relève également du champ de la dérogation mentionnée à l'article L. 52-1 du code électoral. Ce document, qui n'excède pas les limites de la polémique électorale, a été distribué six jours avant le scrutin litigieux et la veille de la réunion publique tenue par M. E..., qui a donc eu la possibilité d'y répondre, conformément aux exigences de l'article L. 48-2 du code électoral. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que ce document, dont l'impression en noir et blanc n'était pas prohibée par le code électoral, aurait été produit et diffusé par des moyens communaux. Le grief tiré de ce que ce document constituerait une promotion publicitaire prohibée n'est pas donc fondé.
Sur les bulletins de vote :
12. Aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit que les bulletins de vote comportent la photographie de l'ensemble des candidats qui présentent des candidatures groupées, ni n'impose qu'un bulletin de vote comporte la mention " bulletin de vote " et la mention du département du lieu de l'élection. Ces griefs ne peuvent donc qu'être écartés.
Sur la participation au scrutin :
13. Si M. E... fait valoir que le taux de participation dans la commune, qui s'est élevé à 77,21 %, résulterait des craintes suscitées par l'épidémie de covid-19 parmi les personnes âgées ou malades, il n'invoque aucune autre circonstance qui montrerait, en particulier, qu'il aurait été porté atteinte au libre exercice du droit de vote ou à l'égalité entre les candidats. Dès lors, le grief tiré de ce que le niveau de l'abstention constatée aurait altéré la sincérité du scrutin n'est pas fondé.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la protestation de M. E... doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence et en tout état de cause, sa requête enregistrée sous le n° 445448, qui tendait seulement à l'annulation des opérations électorales du second tour par voie de conséquence de l'annulation de celles qui se sont déroulées le 15 mars 2020.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 du jugement du 18 septembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La protestation de M. E... est rejetée.
Article 3 : La requête de M. E... enregistrée sous le n° 445448 est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. S... E... et à Mme J... I..., première dénommée.
Copie en sera adressée à M. D... K..., à M. C... O..., à Mme T... P... et au ministre de l'intérieur.