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16/06/2021 | FRANCE | N°441238

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 16 juin 2021, 441238


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 17 juin 2020 et 22 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association "groupe d'information et de soutien aux allocataires et aux familles" (A...) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'article 2 du décret n° 2020- 519 du 5 mai 2020 portant attribution d'une aide exceptionnelle de solidarité liée à l'urgence sanitaire aux ménages les plus précaires en tant qu'il limite le bénéfice de cette aide en prévoyant que les en

fants à charge y ouvrant droit s'entendront conformément aux dispositions de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 17 juin 2020 et 22 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association "groupe d'information et de soutien aux allocataires et aux familles" (A...) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'article 2 du décret n° 2020- 519 du 5 mai 2020 portant attribution d'une aide exceptionnelle de solidarité liée à l'urgence sanitaire aux ménages les plus précaires en tant qu'il limite le bénéfice de cette aide en prévoyant que les enfants à charge y ouvrant droit s'entendront conformément aux dispositions de l'article R. 512-2 du code de la sécurité sociale, et, d'autre part, l'article 4 du même décret, en tant qu'il prévoit des modalités de récupération de l'aide exceptionnelle de solidarité en cas de versement indu différentes en fonction de la prestation sociale au titre de laquelle l'aide exceptionnelle de solidarité a été versée ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de prévoir, d'une part, que chaque enfant à charge d'un bénéficiaire du revenu de solidarité active au sens des dispositions de l'article R. 262-3 du code de l'action sociale et des familles ouvre droit à un versement de 100 euros au titre de l'aide exceptionnelle de solidarité, et, d'autre part, que tout recours, administratif ou contentieux, dirigé contre une décision d'indu de l'aide exceptionnelle de solidarité emportera un effet suspensif sur le recouvrement de l'indu, quelle que soit l'aide au titre de laquelle le bénéficiaire a perçu l'aide exceptionnelle de solidarité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la SCP Delamarre et Jéhannin, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d'état d'urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, et a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020.

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 5 mai 2020 portant attribution d'une aide exceptionnelle de solidarité liée à l'urgence sanitaire aux ménages les plus précaires : " I.- Une aide exceptionnelle de solidarité est attribuée, au titre des mois d'avril ou de mai 2020 et dans les conditions fixées à l'article 2 du présent décret, aux bénéficiaires d'au moins l'une des allocations suivantes : /1° Le revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ; / 2° Le revenu de solidarité mentionné à l'article L. 522-14 du même code ; / 3° L'une des aides personnelles au logement mentionnées à l'article L. 821-1 du code de la construction et de l'habitation susvisé ; / 4° L'allocation de solidarité spécifique mentionnée à l'article L. 5423-1 du code du travail susvisé ; / 5° La prime forfaitaire mentionnée à l'article L. 5425-3 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 susvisée ; / 6° L'allocation équivalent retraite mentionnée au II de l'article 132 de la loi du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, à l'article 1er du décret du 29 mai 2009 et à l'article 1er du décret du 6 mai 2010 susvisés. / II.- Une seule aide est due par foyer. " L'article 3 du même décret dispose que : " L'aide exceptionnelle de solidarité prévue par le présent décret est à la charge de l'Etat. Elle est versée directement aux foyers des bénéficiaires par les organismes débiteurs des prestations mentionnées à l'article 1er ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'en instituant une aide exceptionnelle de solidarité, le gouvernement a entendu venir en aide aux ménages les plus précaires dans le contexte de la crise sanitaire, par une aide exclusivement financée par l'Etat, qui ne revêt pas la nature d'une aide sociale légale. Il a rendu éligibles à cette aide les personnes bénéficiant de l'aide sociale au titre du revenu de solidarité active, de l'allocation de solidarité spécifique, de la prime forfaitaire pour reprise d'activité, de l'allocation équivalent retraite ou du revenu de solidarité, ainsi que les personnes percevant les aides personnelles au logement.

Sur les conclusions de la requête dirigées contre l'article 2 du décret :

4. D'une part, aux termes de l'article 2 du décret attaqué : " I. - Les bénéficiaires du revenu de solidarité active mentionné au 1° de l'article 1er du présent décret ont droit, au titre de l'aide exceptionnelle de solidarité, à un versement de 150 euros sous réserve que le montant de leur allocation dû au titre du mois d'avril ou de mai ne soit pas nul. / II. - Les bénéficiaires de l'une des allocations mentionnées aux 2°, 4°, 5° et 6° du même article ont droit à un versement de 150 euros, au titre de l'aide exceptionnelle de solidarité, sauf lorsque ce versement est déjà dû pour le foyer au titre du revenu de solidarité active. / III. - Les bénéficiaires de l'une des aides personnelles au logement mentionnées au 3° du même article ont droit, au titre de l'aide exceptionnelle de solidarité, à un versement de 100 euros par enfant à charge. Pour être considérés comme à charge, les enfants doivent être à la charge effective et permanente du bénéficiaire de l'aide et remplir les conditions mentionnées à l'article R. 512-2 du code de la sécurité sociale ou, s'agissant du Département de Mayotte, à l'article 2 du décret du 29 mars 2002 susvisé./ IV. - Les bénéficiaires de l'une des allocations mentionnées aux 1°, 2°, 4°, 5° et 6° de l'article 1er du présent décret ont également droit, au titre de l'aide exceptionnelle de solidarité, à un versement de 100 euros par enfant à charge, sauf lorsque ce versement est déjà dû pour le foyer au titre d'une des aides personnelles au logement. La notion d'enfant à charge est celle mentionnée à l'alinéa précédent et, pour la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, celle mentionné au 1° de l'article 1er du décret du 7 octobre 2008 susvisé. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 512-3 du code de la sécurité sociale : " Sous réserve des règles particulières à chaque prestation, ouvre droit aux prestations familiales : / 1°) tout enfant jusqu'à la fin de l'obligation scolaire ; / 2°) après la fin de l'obligation scolaire, et jusqu'à un âge limite, tout enfant dont la rémunération éventuelle n'excède pas un plafond. (...) ". L'article R. 512-2 du même code précise que : " Les enfants ouvrent droit aux prestations familiales jusqu'à l'âge de vingt ans sous réserve que leur rémunération n'excède pas le plafond fixé au deuxième alinéa du présent article (...) ".

6. Les dispositions citées au point 4 prévoient que l'ensemble des bénéficiaires de l'aide exceptionnelle de solidarité perçoivent une somme forfaitaire de 150 euros par foyer et qu'ils ont droit en outre à une aide forfaitaire de 100 euros par enfant à charge, en précisant que sont considérés comme tels les enfants à la charge effective et permanente du bénéficiaire de l'aide dès lors qu'ils remplissent les conditions mentionnées à l'article R. 512-2 du code de la sécurité sociale. Il en résulte que l'aide forfaitaire supplémentaire de 100 euros par enfant est allouée aux personnes ayant à leur charge effective et permanente un ou des enfants dont l'âge n'excède pas vingt ans, sous réserve que le ou les enfants en question ne perçoivent pas une rémunération excédant un certain plafond.

7. Agissant dans l'exercice de son pouvoir réglementaire autonome pour la détermination des conditions d'ouverture d'un droit à une aide exceptionnelle attribuée à certains ménages, dont l'éligibilité est déterminée par leur qualité de bénéficiaire d'une autre prestation, il était loisible au Premier ministre, pour la détermination de l'âge jusqu'auquel un enfant est considéré comme à charge, de renvoyer aux dispositions de l'article R. 512-2 du code de la sécurité sociale pour l'ensemble des ménages éligibles, y compris lorsqu'ils le sont en leur qualité de bénéficiaires du revenu de solidarité active, nonobstant la circonstance que, pour le bénéfice du revenu de solidarité active lui-même, l'âge jusqu'auquel les enfants à charge sont pris en compte est fixé à vingt-cinq ans par le 2° de l 'article R. 262-3 du code de l'action sociale et des familles. Il s'ensuit que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en ne fixant pas cet âge à vingt-cinq ans pour les ménages éligibles à l'aide exceptionnelle en leur qualité d'allocataires du revenu de solidarité active, le pouvoir réglementaire aurait méconnu les dispositions de l'article R. 262-3 du code de l'action sociale et des familles.

Sur les conclusions de la requête dirigées contre l'article 4 du décret :

8. Aux termes de l'article 4 du décret attaqué : " I. - Tout paiement indu de l'aide exceptionnelle de solidarité attribuée en application du présent décret est récupéré pour le compte de l'Etat par l'organisme chargé du service de celle-ci. La dette correspondante peut être remise ou réduite par cet organisme dans les conditions applicables au recouvrement des indus de l'allocation au titre de laquelle le versement de l'aide exceptionnelle a été perçu. / II. - Les articles L. 161-1-5 et L. 553-2 du code de la sécurité sociale, l'article 9 et le d du 12° de l'article 11 de l'ordonnance du 26 septembre 1977 susvisée et l'article 13 de l'ordonnance du 7 février 2002 susvisée sont applicables au recouvrement des montants indûment versés de l'aide exceptionnelle de solidarité attribuée en application du présent décret par les caisses d'allocations familiales, les caisses de la mutualité sociale agricole et la caisse de sécurité sociale de Mayotte, ainsi que par la caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon ".

9. Il résulte de ces dispositions que l'organisme chargé du service de l'aide exceptionnelle de solidarité procède pour le compte de l'Etat au recouvrement de tout paiement indu. Dans ce cas, il dispose de la faculté de remettre ou réduire la dette selon les conditions applicables aux indus de l'allocation au titre de laquelle l'aide a été versée. Ces conditions ne portent que sur les éléments qu'il revient à l'administration et, le cas échéant, au juge, de prendre en considération pour accorder à l'allocataire une remise ou une réduction de l'indu et n'ont ni pour objet ni pour effet, contrairement à ce que soutient l'association requérante, de définir le régime applicable au recours administratif ou contentieux dirigé contre une décision de récupération d'indu d'aide exceptionnelle de solidarité.

10. Par suite, le moyen tiré de ce que les garanties procédurales que définiraient ces dispositions en cas de contestation d'une décision de récupération d'un indu seraient contraires au principe d'égalité ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'association Groupe d'information et de soutien aux allocataires doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association Groupe d'information et de soutien aux allocataires et aux familles est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Groupe d'information et de soutien aux allocataires et aux familles et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 441238
Date de la décision : 16/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2021, n° 441238
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Damien Pons
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:441238.20210616
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