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16/06/2021 | FRANCE | N°436143

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 16 juin 2021, 436143


Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Almo a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 septembre 2015 par lequel le maire de Trégastel a délivré à M. C... A... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé 37, rue du Haren. Par un jugement n° 1504651 du 16 mars 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Par un arrêt n°18NT01910 du 20 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Almo contre ce jugem

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Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 n...

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Almo a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 septembre 2015 par lequel le maire de Trégastel a délivré à M. C... A... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé 37, rue du Haren. Par un jugement n° 1504651 du 16 mars 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Par un arrêt n°18NT01910 du 20 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Almo contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 novembre 2019 et 17 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Almo demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de M. A... et de la commune de Trégastel la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... D..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de la SCI Almo et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la commune de Trégastel ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a sollicité du maire de Trégastel un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain grevé d'une servitude au titre du champ de vue du sémaphore de Ploumanac'h. Ce permis de construire lui a été accordé par un arrêté du 16 septembre 2015, après qu'a été recueilli l'accord du directeur de l'établissement du service d'infrastructure de la défense de Brest. Par un jugement du 16 mars 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la société civile immobilière Almo, propriétaire de parcelles voisines, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 16 septembre 2015. Par un arrêt du 20 septembre 2019, contre lequel la société Almo se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 5112-1 du code de la défense : " Les postes électrosémaphoriques de la marine nationale (...) bénéficiant des servitudes définies au présent chapitre, ainsi que les limites de leur champ de vue, sont désignés par décret (...) " et aux termes du premier alinéa de l'article L. 5112-2 : " Dans l'étendue du champ de vue mentionné à l'article L. 5112-1, aucune construction ne peut être réalisée sans l'autorisation du ministre de la défense ". L'article R. 425-7 du code de l'urbanisme prévoit que : " Lorsque le projet porte sur une construction située à proximité d'un ouvrage militaire, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 5112-2 du code de la défense dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre de la défense ".

3. D'autre part, aux termes de l'article D. 5131-12 du code de la défense, dans sa rédaction applicable à la date du permis de construire en litige : " Sous réserve des compétences dévolues en la matière aux états-majors, directions et services, le commandant de zone terre représente le ministre auprès des services déconcentrés de l'Etat et auprès des collectivités territoriales, dans les limites de la zone terre, pour les questions d'urbanisme intéressant le ministère de la défense. Il transmet au préfet les informations relatives aux installations de la défense ayant une incidence sur le territoire concerné, que l'Etat porte à la connaissance des communes ou de leurs groupements en application de l'article R. 121-1 du code de l'urbanisme. / Au titre de cette compétence, il a recours à l'établissement du service d'infrastructure de la défense territorialement compétent pour assurer l'instruction de ces dossiers et peut le solliciter pour assurer sa représentation auprès des services déconcentrés de l'Etat et des collectivités territoriales ". L'article D. 5131-13 prévoit en outre que : " Les établissements du service d'infrastructure de la défense participent à l'établissement des servitudes d'utilité publique suivantes, dont bénéficient les installations de défense: / (...) 2o Servitudes et champs de vue des postes électrosémaphoriques de la marine nationale (...) institués par les articles L. 5112-1 à L. 5112-3 (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées aux points précédents que le commandant de zone terre, qui représente, sous réserve des compétences dévolues à d'autres autorités, le ministre de la défense auprès des services déconcentrés de l'Etat et des collectivités territoriales pour les questions d'urbanisme, dans les limites de la zone terre, a compétence en cette qualité pour donner son accord, au nom de ce ministre, à une construction, telle que celle en litige, soumise à l'autorisation de ce dernier en application de l'article L. 5112-2 du code de la défense. Il n'en résulte pas, en revanche, que l'établissement du service d'infrastructure de la défense, auquel le commandant de zone terre a seulement recours pour assurer l'instruction des dossiers sur les questions d'urbanisme intéressant le ministère de la défense et, le cas échéant, pour assurer, à sa demande, sa représentation auprès des services déconcentrés de l'Etat et des collectivités territoriales, disposerait à ce titre d'une telle compétence. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que le commandant de zone terre pouvait, sans qu'une délégation spécifique ait à être prise, confier la compétence qu'il tient de l'article D. 5131-12 du code de la défense à l'établissement du service d'infrastructure de la défense de Brest.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Almo, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... et de la commune de Trégastel la somme que la société Almo demande au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 20 septembre 2019 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Almo et à la commune de Trégastel.

Copie en sera adressée à M. C... A..., à la ministre des armées et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 436143
Date de la décision : 16/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2021, n° 436143
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SARL DIDIER-PINET ; SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:436143.20210616
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