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09/06/2021 | FRANCE | N°436935

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 09 juin 2021, 436935


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Portet-sur-Garonne à lui verser la somme de 21 685 euros en réparation des préjudices causés par son placement en disponibilité d'office pour raisons médicales à compter du 12 novembre 2013. Par un jugement n° 1401176 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A....

Par un arrêt n° 17BX01859 du 21 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et condamné la commune à verser à M. A

... la somme de 10 500 euros assortie des intérêts au taux légal à compter d...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Portet-sur-Garonne à lui verser la somme de 21 685 euros en réparation des préjudices causés par son placement en disponibilité d'office pour raisons médicales à compter du 12 novembre 2013. Par un jugement n° 1401176 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A....

Par un arrêt n° 17BX01859 du 21 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et condamné la commune à verser à M. A... la somme de 10 500 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la commune de la demande du 12 novembre 2013.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2019 et 20 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Portet-sur-Garonne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Portet-sur-Garonne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A..., agent technique territorial au sein de la commune de Portet-sur-Garonne, a épuisé ses droits à congés de maladie ordinaire à compter du 23 août 2012. Par un avis du 16 janvier 2013, le comité médical départemental a émis un avis défavorable sur l'aptitude de M. A... aux fonctions préalablement exercées et a indiqué que l'intéressé devait être reclassé. Par un arrêté du maire du 28 janvier 2013, M. A... a été placé en disponibilité d'office à compter du 23 août 2012, avant d'être invité par la commune, par un courrier du 9 avril 2013, à présenter une demande de reclassement, cette demande ayant été formulée le 28 mai suivant. Le 12 novembre 2013, M. A... a adressé à la commune de Portet-sur-Garonne une réclamation préalable tendant notamment au versement d'une somme de 10 500 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 28 janvier 2013. Par un jugement du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire. La commune de Portet-sur-Garonne se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 octobre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse et l'a condamnée à verser à M. A... la somme de 10 500 euros en réparation du préjudice causé par la perte de rémunération à compter du mois d'août 2013.

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence ". L'article 72 de cette même loi dispose : " La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57 ". Aux termes de l'article 81 de la même loi : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. " Aux termes de l'article 82 de cette loi : " En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des cadres d'emplois, emplois ou corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces cadres d'emplois, emplois ou corps, en exécution des articles 36, 38 et 39 et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts (...) ". En vertu de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 (...) portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux (...) et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, le comité médical départemental donne un avis " sur l'octroi et le renouvellement des congés de maladie et la réintégration à l'issue des congés de maladie " et est obligatoirement consulté pour " la mise en disponibilité d'office pour raison de santé et son renouvellement (...) ". L'article 17 du même décret dispose que : " Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite (...) ". L'article 38 du même décret précise que : " La mise en disponibilité visée aux articles 17 (...) du présent décret est prononcée après avis du comité médical (...) sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions (...) Le renouvellement de la mise en disponibilité est prononcé après avis du comité médical (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 30 septembre 1985 : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade après avis de la commission administrative paritaire. (...) ". Selon l'article 2 de ce même décret : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. "

3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire a été, à l'issue de ses droits statutaires à congé de maladie, reconnu inapte à la reprise des fonctions qu'il occupait antérieurement, l'autorité hiérarchique ne peut placer cet agent en disponibilité d'office, sans l'avoir préalablement invité à présenter, s'il le souhaite, une demande de reclassement. La mise en disponibilité d'office peut ensuite être prononcée soit en l'absence d'une telle demande, soit si cette dernière ne peut être immédiatement satisfaite.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite de l'avis du 16 janvier 2013 par lequel le comité médical départemental a émis un avis défavorable sur l'aptitude de M. A... aux seules fonctions préalablement exercées, la commune de Portet-sur-Garonne a, par un arrêté du 28 janvier 2013, placé l'intéressé en disponibilité d'office à compter du 23 août 2012 sans l'inviter à présenter une demande de reclassement, cette invitation étant intervenue le 9 avril 2013. Par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a ni entaché son arrêt d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits en jugeant que la commune avait commis une faute en s'abstenant d'inviter M. A... à présenter une demande de reclassement préalablement à l'édiction de l'arrêté le plaçant en disponibilité d'office, indépendamment de la circonstance que cet arrêté visait, pour partie, à régulariser la situation de M. A... antérieure à l'avis du comité médical départemental.

5. En deuxième lieu, c'est par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, que la cour a estimé, à la date à laquelle elle a statué, que la commune ne démontrait pas les raisons pour lesquelles aucun poste parmi ceux disponibles n'avait été proposé à M. A..., puis en a déduit qu'elle avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne satisfaisant pas à son obligation de reclassement, bien qu'elle ait saisi la commission de maintien dans l'emploi du pôle santé au travail du centre de gestion de la Haute-Garonne et qu'elle n'ait été en mesure d'étudier l'existence de postes vacants qu'après avoir pris connaissance, le 30 janvier 2014, des restrictions de travail justifiées par l'état de santé de M. A.... Le moyen tiré de ce que la cour aurait dénaturé les faits en estimant que la commune avait manqué à son obligation de reclassement doit, dès lors, être écarté.

6. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A..., qui percevait de la commune des indemnités journalières correspondant à la moitié de son traitement et à la totalité du supplément familial de traitement, demandait le versement d'une indemnité de 10 500 euros en réparation de la perte de rémunération subie à compter du mois d'août 2013 en raison des fautes commises par la commune. En retenant qu'il n'était ni établi ni allégué que M. A... aurait perçu depuis son placement en disponibilité un revenu équivalent à son plein traitement, la cour a pu, sans dénaturer les faits qui lui étaient soumis, et en l'absence de contestation sur l'évaluation du préjudice qu'estimait avoir subi M. A... ou sur le lien de causalité entre ce préjudice et les fautes commises par la commune, fixer l'indemnité à verser à l'intéressé à 10 500 euros.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Portet-sur-Garonne n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Portet-sur-Garonne est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Portet-sur-Garonne et à M. B... A....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 jui. 2021, n° 436935
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Martin Guesdon
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 09/06/2021
Date de l'import : 15/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 436935
Numéro NOR : CETATEXT000043648157 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-06-09;436935 ?
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