Vu la procédure suivante :
Par une décision du 30 septembre 2020, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté l'absence de dépôt de compte de campagne par M. B... A... et a saisi le tribunal administratif de Toulon en application de l'article L. 52-15 du code électoral. Par un jugement n° 2002756 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a déclaré M. A... inéligible pendant une période de dix-huit mois à compter de la date à laquelle le jugement revêtira un caractère définitif.
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 janvier et 22 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) statuant sur la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, de juger qu'il n'y a pas lieu de prononcer son inéligibilité ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Ranquet, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 30 septembre 2020, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté l'absence de dépôt de son compte de campagne par M. B... A..., candidat aux élections municipales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Fréjus (Var), où la liste qu'il conduisait a recueilli 2,60 % des suffrages exprimés, et a saisi le juge de l'élection en application de l'article L. 52-15 du code électoral. M. A... fait appel du jugement du 18 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon l'a déclaré inéligible pour une période de 18 mois.
Sur la régularité du jugement
2. D'une part, il résulte des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative que le tribunal administratif est tenu d'ordonner la communication aux parties des requêtes introductives d'instance sous la forme de copies qui leur sont notifiées. Il résulte de l'article R. 611-3 du même code que la requête doit être notifiée au moyen de lettres remises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception.
3. D'autre part, le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation de faire droit à une demande de délai supplémentaire formulée par une partie pour produire un mémoire et peut, malgré cette demande, mettre au rôle l'affaire, hormis le cas où des motifs tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient.
4. Il résulte de l'instruction qu'une copie de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été expédiée, par pli recommandé, à l'adresse indiquée par M. A... dans sa déclaration de candidature, et que ce pli a été retourné au greffe du tribunal administratif de Toulon avec un " avis de réception " revêtu de la mention " avisé, non réclamé ". L'avis, expédié à la même adresse, en vue de l'audience fixée au 15 décembre 2020, a été distribué le 4 décembre. Le 11 décembre, l'avocat constitué par M. A... a demandé au tribunal un report de l'audience pour produire un mémoire en défense, qui ne lui a pas été accordé.
5. Dans ces conditions, il n'est établi ni que la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'aurait pas été communiquée conformément aux dispositions de l'article R. 611-3 du code de justice administrative, ni que le requérant ait pu se prévaloir, à l'appui de sa demande de délai supplémentaire, d'un impératif résultant des exigences du débat contradictoire. M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière.
Sur l'inéligibilité
6. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral, dans sa rédaction alors en vigueur : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. (...) / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes, notamment d'une copie des contrats de prêts conclus en application de l'article L. 52-7-1 du présent code, ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte (...) ". En vertu du 4° du XII de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " Pour les listes de candidats présentes au seul premier tour, la date limite mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral est fixée au 10 juillet 2020 à 18 heures ". Aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : " (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection (...) ". Enfin, l'article L. 118-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, dispose que : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / (...) L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision (...) ".
7. Il appartient au juge de l'élection, pour apprécier s'il y a lieu de faire usage de la faculté, offerte par les dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral citées au point précédent, de déclarer inéligible un candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions prescrites à l'article L. 52-12 du même code, de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte ainsi que de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
8. Il n'est pas contesté qu'alors que la liste qu'il conduisait a recueilli plus d'1 % des suffrages exprimés, M. A... n'a pas déposé son compte de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avant l'échéance résultant des dispositions citées au point 6. Cette omission constitue, eu égard à l'absence d'ambiguïté de la règle applicable, un manquement délibéré à une obligation substantielle. Si M. A... se prévaut de son inexpérience et de l'absence d'irrégularité du financement de sa campagne, ces circonstances ne sont pas, en l'espèce, de nature à faire regarder comme excessive la sanction de l'inéligibilité pour une durée de dix-huit mois prononcée par le tribunal administratif de Toulon.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.