Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés le 9 décembre 2020 et les 8 janvier, 29 mars et 27 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Montauban demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n°s 2006064-2006071 du 8 décembre 2020 par laquelle le tribunal administratif de Toulouse, statuant en formation administrative, a autorisé M. H... G... et Mme F... D..., d'une part, ainsi que M. A... B..., d'autre part, à se constituer partie civile au nom et pour le compte de la commune, devant le tribunal correctionnel de Toulouse dans l'instance pénale visant Mme C..., appelée à l'audience du 10 décembre 2020 ;
2°) de rejeter la demande d'autorisation de plaider présentée par M. G..., Mme D... et M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. G..., Mme D... et M. B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013;
- le décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la commune de Montauban et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. G..., de Mme D... et de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales : " Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer ". Il appartient au tribunal administratif, statuant comme autorité administrative, et au Conseil d'Etat, saisi d'un recours de pleine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif, lorsqu'ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l'action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l'action envisagée présente un intérêt matériel suffisant pour la commune et qu'elle a une chance de succès.
2. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a autorisé M. G..., Mme D... et M. B... à se constituer partie civile au nom de la commune de Montauban devant le tribunal correctionnel de Toulouse contre Mme C..., maire de la commune, poursuivie du chef de détournement de fonds publics.
Sur la fin de non-recevoir :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune ". L'article L. 2122-22 prévoit que : " Le maire peut, (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ". L'article L. 2122-23 du même code précise que : " Les décisions prises par le maire en vertu de l'article L. 2122-22 sont soumises aux mêmes règles que celles qui sont applicables aux délibérations des conseils municipaux portant sur les mêmes objets. / Sauf disposition contraire dans la délibération portant délégation, les décisions prises en application de celle-ci peuvent être signées par un adjoint ou un conseiller municipal agissant par délégation du maire dans les conditions fixées à l'article L. 2122-18. Sauf disposition contraire dans la délibération, les décisions relatives aux matières ayant fait l'objet de la délégation sont prises, en cas d'empêchement du maire, par le conseil municipal. / (...) Le conseil municipal peut toujours mettre fin à la délégation. " Le premier alinéa de l'article L. 2122-18 dispose que : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et à des membres du conseil municipal.
4. D'autre part, le I de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique dispose que : " Au sens de la présente loi, constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction. / Lorsqu'ils estiment se trouver dans une telle situation : / (...) 2° Sous réserve des exceptions prévues au deuxième alinéa de l'article 432-12 du code pénal, les personnes titulaires de fonctions exécutives locales sont suppléées par leur délégataire, auquel elles s'abstiennent d'adresser des instructions ; (...) ". L'article 5 du décret du 31 janvier 2014 portant application de l'article 2 de cette loi, applicable aux titulaires d'une fonction de maire en vertu de son premier alinéa, précise que : " (...) Lorsqu'elles estiment se trouver en situation de conflit d'intérêts, qu'elles agissent en vertu de leurs pouvoirs propres ou par délégation de l'organe délibérant, les personnes mentionnées au précédent alinéa prennent un arrêté mentionnant la teneur des questions pour lesquelles elles estiment ne pas devoir exercer leurs compétences et désignant, dans les conditions prévues par la loi, la personne chargée de les suppléer. / Par dérogation aux règles de délégation prévues aux articles L. 2122-18 (...) du code général des collectivités territoriales, elles ne peuvent adresser aucune instruction à leur délégataire. ". Aux termes de l'article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales : " Dans le cas où les intérêts du maire se trouvent en opposition avec ceux de la commune, le conseil municipal désigne un autre de ses membres pour représenter la commune, soit en justice, soit dans les contrats. "
5. Il résulte, d'une part, des dispositions, citées au point 4, de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 et de l'article 5 du décret du 31 janvier 2014 pris pour son application, qu'un maire qui estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts doit prendre un arrêté mentionnant la teneur des questions pour lesquelles il estime ne pas devoir exercer ses compétences et désigner, dans les conditions prévues par la loi, la personne chargée de le suppléer. Il résulte, d'autre part, des dispositions de l'article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales, également citées au point 4, que lorsque les intérêts du maire se trouvent en opposition avec ceux de la commune dans un litige donné ou pour la signature ou l'exécution d'un contrat, seul le conseil municipal est compétent pour désigner un autre de ses membres soit pour représenter la commune en justice soit pour signer le contrat ou intervenir dans son exécution. Il s'ensuit que lorsque le maire estime ne pas devoir exercer ses compétences en raison d'un conflit d'intérêts, il ne saurait désigner la personne habilitée soit à représenter la commune en justice dans un litige donné soit à signer ou exécuter un contrat que si ses intérêts ne se trouvent pas en opposition avec ceux de la commune. Lorsqu'une telle situation, de conflit d'intérêts ou d'opposition, ressort des pièces du dossier qui lui est soumis, il appartient au juge de relever, le cas échéant d'office, l'irrecevabilité de la demande de la commune représentée par son maire ou par une personne qui n'a pas été légalement désignée.
6. M. G..., Mme D... et M. B... soutiennent que la requête de la commune de Montauban est irrecevable au motif qu'elle a été présentée par Mme C..., à laquelle le conseil municipal avait donné délégation en application de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales pour agir ou défendre au nom de la commune devant les juridictions administratives ou judiciaires, alors que la décision attaquée a pour objet de les autoriser à se constituer partie civile pour la poursuivre au nom de la commune devant le tribunal correctionnel de Toulouse.
7. En premier lieu, toutefois, les intérêts Mme C... ne peuvent être regardés comme se trouvant en opposition avec ceux de la commune, au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales, dès lors que la commune a, par une délibération de son conseil municipal du 23 novembre 2020, refusé de se constituer partie civile dans l'instance pénale en cause devant le tribunal correctionnel.
8. En deuxième lieu, il est vrai en revanche que Mme C... se trouvait en situation de conflit d'intérêts au sens et pour l'application des dispositions de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 citées au point 4, de sorte qu'elle ne pouvait, sans irrecevabilité, présenter elle-même la requête au nom de la commune. Il résulte toutefois de l'instruction que le conseil municipal a, postérieurement à l'introduction de la requête, par une délibération du 25 février 2021, donné délégation au nouveau maire de la commune, M. I..., en application de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, pour agir ou défendre au nom de la commune. En confirmant, par un mémoire enregistré le 27 avril 2021, avant la clôture de l'instruction, ses précédentes écritures, ce dernier a régularisé la requête de la commune.
9. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. G..., Mme D... et M. B... ne peut qu'être écartée.
Sur la qualité de Mme D... pour solliciter l'autorisation :
10. Il résulte de l'instruction que Mme D... a été inscrite au rôle de la commune en qualité de contribuable en 2020. Par suite, la commune de Montauban n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'avait pas qualité pour solliciter du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement des dispositions législatives citées au point 1, l'autorisation d'intenter l'action envisagée au nom de la commune, autorisation qui était au demeurant également sollicitée par deux autres contribuables dont la commune ne conteste pas la qualité.
Sur la délibération préalable de la commune :
11. Il résulte des dispositions citées au point 1 qu'un contribuable n'est recevable à saisir le tribunal administratif d'une demande d'autorisation en vue d'exercer une action en justice au nom de la commune que si celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé de l'exercer. Cette condition est satisfaite si, d'une part, celle-ci a préalablement été saisie d'une demande tendant à ce qu'elle exerce elle-même l'action considérée et si, d'autre part, à la date à laquelle la demande d'autorisation de plaider est soumise au tribunal administratif, la commune a, par une décision expresse ou par une décision implicite née de son silence pendant une durée de deux mois, rejeté la demande dont elle a été saisie ou si elle n'a pas, dans ce délai de deux mois, exercé effectivement l'action demandée par le contribuable. A cette fin, le contribuable doit indiquer dans la demande qu'il adresse au maire la nature de l'action envisagée afin que le conseil municipal soit en mesure de se prononcer sur l'intérêt, pour la collectivité, de l'action en cause, ainsi que sur ses chances de succès.
12. Il résulte de l'instruction qu'avant de saisir le tribunal le 27 novembre 2020, M. G..., Mme D... et M. B... ont adressé au maire une demande indiquant la nature de l'action envisagée et que le conseil municipal a, postérieurement aux demandes ainsi adressées, par une délibération du 23 novembre 2020, refusé la constitution de partie civile de la commune dans l'instance pénale mettant en cause Mme C.... Par suite, la commune de Montauban n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été préalablement appelée à délibérer sur l'action envisagée.
Sur la procédure suivie par le tribunal administratif :
13. Aux termes de L. 2132-6 du code général des collectivités territoriales : " Le contribuable adresse au tribunal administratif un mémoire détaillé (...) ". L'article R. 2132-1 du même code prévoit, d'une part, en son deuxième alinéa, que le préfet, saisi par le président du tribunal administratif, doit transmettre immédiatement au maire, en l'invitant à le soumettre au conseil municipal, le mémoire détaillé adressé au tribunal administratif par le contribuable et, d'autre part, en son troisième alinéa, que la décision du tribunal administratif est rendue dans le délai de deux mois à dater du dépôt de la demande d'autorisation. Aucune disposition ni aucun principe n'impose au tribunal administratif, statuant comme autorité administrative et tenu de se prononcer dans un délai de deux mois sur la demande d'autorisation, d'attendre pour le faire que le maire soumette au conseil municipal le mémoire détaillé transmis par le préfet. Toutefois, lorsque le tribunal administratif invite le maire à soumettre ce mémoire au conseil municipal ou à produire des observations dans un délai déterminé, il ne peut en principe, à moins que les circonstances particulières de l'affaire ou le respect du délai de deux mois dont il dispose pour rendre sa décision ne l'imposent, la prendre avant l'expiration du délai qu'il a lui-même imparti à la commune.
14. Il résulte de l'instruction que les mémoires détaillés des contribuables ont été transmis par le greffe du tribunal administratif de Toulouse, outre par la voie administrative prévue par les dispositions mentionnées au point précédent, directement à la maire de Montauban le 30 novembre 2020 en lui rappelant le délai imparti au tribunal pour prendre sa décision et en lui indiquant qu'il apparaissait " particulièrement souhaitable que le conseil municipal de la commune de Montauban délibère dans les 8 jours suivant réception de la présente notification et produise au tribunal administratif les observations qu'appellerait la présente demande d'autorisation de plaider. " En statuant le 8 décembre 2020, pour autoriser les contribuables qui l'avaient saisi à se constituer partie civile au nom de la commune dans l'instance pénale qui était appelée à l'audience du 10 décembre 2020 par le tribunal correctionnel de Toulouse, et alors qu'il ne résulte nullement de l'instruction qu'à cette date le conseil municipal avait été convoqué en vue de répondre à l'invitation faite par le tribunal administratif, ce dernier ne peut être regardé comme ayant commis une irrégularité.
15. La commune n'est pas davantage fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait dû s'assurer, avant de rendre sa décision, qu'elle n'était pas revenue sur son refus d'exercer l'action en cause, dès lors qu'il lui avait notifié la demande dont il était saisi et alors au demeurant qu'elle indique elle-même persister à considérer qu'elle n'avait pas à se constituer partie civile en première instance devant le tribunal correctionnel.
Sur le bien-fondé de l'autorisation :
16. Il résulte de l'instruction que le mémoire adressé au tribunal par M. G..., Mme D... et M. B... se référait aux faits visés par l'avis à victime notifié à la commune le 23 septembre 2020, précisait l'état de la procédure devant le tribunal correctionnel et exposait les différents préjudices financiers subis par la commune en raison des agissements ayant justifié les poursuites pénales. Il résulte également de l'instruction que Mme C... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour avoir, du 3 septembre 2012 au 8 février 2014, fait rémunérer par la commune de Montauban un emploi fictif ainsi que l'achat d'articles, de publireportages, de journaux et la création et le fonctionnement d'un blog dédié à sa communication électorale, le préjudice matériel subi par la commune en raison de ces faits ayant été évalué à une somme globale de 80 000 euros. Par suite, l'action envisagée présentait un intérêt matériel suffisant pour cette commune et n'était pas dépourvue de chance de succès.
17. Il résulte de tout ce qui précède, que la commune de Montauban n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 8 décembre 2020 par laquelle le tribunal administratif de Toulouse a autorisé M. G..., Mme D... et M. B... à se constituer partie civile au nom de cette commune devant le tribunal correctionnel de Toulouse.
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme D... et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montauban la somme de 1 000 euros à verser à chacun des défendeurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la commune de Montauban est rejetée.
Article 2 : La commune de Montauban versera à M. G..., à Mme D... et à M. B... une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Montauban et à Mme F... D..., première dénommée, pour l'ensemble des défendeurs.
Copie en sera adressée à Mme E... C....