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27/05/2021 | FRANCE | N°444023

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 27 mai 2021, 444023


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 5 juin 2020 par laquelle la rectrice de l'académie de Montpellier a refusé de lui accorder un congé de présence parentale, ainsi que de la décision du 2 juillet 2020 ayant rejeté son recours gracieux, et de lui enjoindre de lui accorder le bénéfice de ce congé. Par une ordonnance n° 2003475 du 27 août 2020, le juge des référés du tribunal a

dministratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire,...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 5 juin 2020 par laquelle la rectrice de l'académie de Montpellier a refusé de lui accorder un congé de présence parentale, ainsi que de la décision du 2 juillet 2020 ayant rejeté son recours gracieux, et de lui enjoindre de lui accorder le bénéfice de ce congé. Par une ordonnance n° 2003475 du 27 août 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 et 23 septembre 2020 et le 26 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-536 du 11 mai 2006 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Ranquet, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme A..., qui exerce des fonctions d'enseignante dans un collège privé sous contrat d'association avec l'Etat et a précédemment bénéficié à deux reprises d'un congé de présence parentale à raison de l'état de santé de son fils, a demandé le bénéfice d'un nouveau congé de présence parentale en invoquant la survenance d'une nouvelle pathologie. La rectrice de l'académie de Montpellier a rejeté cette demande par une décision du 5 juin 2020, puis a rejeté, le 2 juillet 2020, le recours gracieux formé par l'intéressée. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 27 août 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de ces deux décisions.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. L'article R. 914-105 du code de l'éducation dispose que : " Les maîtres contractuels ou agréés bénéficient du régime des congés de toute nature, des disponibilités et des autorisations d'absence dans les mêmes conditions que les maîtres titulaires de l'enseignement public ". En vertu de l'article 40 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le congé de présence parentale est accordé au fonctionnaire lorsque la maladie, l'accident ou le handicap d'un enfant à charge présente une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue de sa mère ou de son père et des soins contraignants. Les modalités d'appréciation de la gravité de la maladie, de l'accident ou du handicap sont définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Enfin, aux termes du I de l'article 1er du décret du 11 mai 2006 relatif aux modalités d'attribution aux fonctionnaires et aux agents non titulaires de l'Etat du congé de présence parentale, dans sa rédaction applicable à la demande litigieuse : " (...) / La demande de bénéfice du droit à congé de présence parentale est formulée par écrit au moins quinze jours avant le début du congé. Elle est accompagnée d'un certificat médical qui atteste de la gravité de la maladie, de l'accident ou du handicap et de la nécessité de la présence soutenue d'un parent et de soins contraignants, en précisant la durée pendant laquelle s'impose cette nécessité. En cas d'urgence liée à l'état de santé de l'enfant, le congé débute à la date de la demande ; le fonctionnaire transmet sous quinze jours le certificat médical requis. / La durée de congé de présence parentale dont peut bénéficier le fonctionnaire pour un même enfant et en raison d'une même pathologie est au maximum de trois cent dix jours ouvrés au cours d'une période de trente-six mois. / La durée initiale de la période de bénéfice du droit à congé de présence parentale est celle de la nécessité de présence soutenue et de soins contraignants définie dans le certificat médical. / (...) En cas de nouvelle pathologie affectant l'enfant, de même qu'en cas de rechute ou de récidive de la pathologie initialement traitée, un nouveau droit à congé est ouvert à l'issue de la période de trente-six mois. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions du décret du 11 mai 2006, telles qu'applicables au litige et avant même leur modification par le décret du 30 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives au congé de présence parentale et au congé de solidarité familiale dans la fonction publique, que, contrairement à ce que soutient Mme A..., le bénéfice d'un nouveau droit à congé ne peut être accordé que sur présentation d'un certificat médical attestant que les conditions auxquelles ce nouveau droit à congé est subordonné sont remplies.

5. Toutefois, lorsqu'elle est saisie d'un recours gracieux dirigé contre une décision de refus qui n'a pas créé de droits au profit d'un tiers, l'administration ne saurait par principe refuser d'examiner les éléments nouveaux produits par l'auteur du recours, même survenus postérieurement au refus, sous réserve que les dispositions applicables à la procédure administrative en cause ne fassent pas obstacle à la prise en compte de tels éléments. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que si le certificat produit par Mme A... à l'appui de sa demande initiale ne mentionnait pas que son fils était atteint d'une nouvelle pathologie, elle a joint à son recours gracieux un autre certificat, daté du même jour que le premier, initialement destiné à la caisse d'allocations familiales en vue du versement de l'allocation journalière de présence parentale définie à l'article L. 544-1 du code de la sécurité sociale, qui mentionnait explicitement l'existence d'une nouvelle pathologie. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a dénaturé les pièces du dossier en jugeant que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par l'administration sur le caractère justifié de la demande de nouveau congé n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées et à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux produits par Mme A... à l'appui de sa demande initiale et de son recours gracieux, que l'état de santé de son fils nécessite sa présence permanente auprès de lui. Dans ces conditions, faute d'avoir obtenu le bénéfice du congé de présence parentale, elle a dû être placée en disponibilité. Dès lors, le refus qui lui a été opposé entraînant pour elle la perte de toute rémunération et faisant obstacle à ce qu'elle puisse prétendre à l'allocation journalière de présence parentale définie à l'article L. 544-1 du code de la sécurité sociale, Mme A... justifie d'une situation d'urgence.

8. D'autre part, pour rejeter la demande de bénéfice d'un nouveau congé de présence parentale à raison d'une nouvelle pathologie, la rectrice de l'académie de Montpellier s'est fondée sur la circonstance que Mme A... avait déjà bénéficié à deux reprises de ce congé pour le même enfant et sur le fait qu'elle n'aurait pas justifié de la survenance d'une nouvelle pathologie. Les moyens tirés de ce que ces motifs sont entachés, respectivement, d'une méconnaissance des dispositions du I de l'article 1er du décret du 11 mai 2006, qui ne limitent pas le nombre de nouveaux congés pouvant être accordés pourvu que chacun soit justifié, et d'une erreur d'appréciation compte tenu de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus apparaissent, en l'état de l'instruction, propres à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.

9. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande que soit substitué, aux motifs initiaux de ces décisions, celui tiré de ce que la demande de congé formée par Mme A... méconnaîtrait les prescriptions du décret du 11 mai 2006, faute de comporter la mention de la date de début du congé, des dates prévisionnelles et des modalités d'utilisation des jours de congé, et dès lors que la durée de 24 mois indiquée dans le certificat médical excède les 310 jours de congés qui peuvent au maximum être attribués. Toutefois, d'une part, aucune des mentions en cause n'est requise par les dispositions du I de l'article 1er du décret du 11 mai 2006, dans sa rédaction applicable à la demande de Mme A.... D'autre part, il résulte des mêmes dispositions que la durée d'ouverture du droit au congé peut atteindre un maximum de 36 mois, le bénéficiaire devant seulement limiter à 310 le nombre de jours de congé effectivement utilisés au cours de cette période. Par suite, le motif invoqué n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, susceptible de fonder légalement le refus litigieux.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen soulevé par Mme A..., que cette dernière est fondée à demander la suspension de la décision du 5 juin 2020 lui refusant le bénéfice du congé de présence parentale et de celle du 2 juillet 2020 rejetant son recours gracieux. Eu regard aux motifs de cette suspension, il y a lieu d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Montpellier d'accorder provisoirement à Mme A..., jusqu'à l'intervention du jugement du tribunal administratif de Montpellier sur son recours en excès de pouvoir contre les mêmes décisions, le bénéfice du droit au congé de présence parentale pour la période de présence soutenue auprès de son fils définie dans le certificat médical produit à l'appui de sa demande.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à Mme A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour l'ensemble de la procédure. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée à ce titre par l'Etat devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 27 août 2020 est annulée.

Article 2 : L'exécution des décisions de la rectrice de l'académie de Montpellier du 5 juin 2020 refusant à Mme A... le bénéfice du congé de présence parentale et du 2 juillet 2020 rejetant son recours gracieux est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint à la rectrice de l'académie de Montpellier d'accorder provisoirement à Mme A..., jusqu'à l'intervention du jugement du tribunal administratif de Montpellier sur son recours en excès de pouvoir contre les mêmes décisions, le bénéfice du droit au congé de présence parentale pour la période de présence soutenue auprès de son fils définie dans le certificat médical produit à l'appui de sa demande.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 4 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'Etat devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 444023
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mai. 2021, n° 444023
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Ranquet
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:444023.20210527
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