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19/05/2021 | FRANCE | N°430265

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 19 mai 2021, 430265


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011. Par un jugement nos 1600757, 1602742 du 16 mai 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Par un arrêt nos 17NT02109, 17NT02111 du 28 février 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et

un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 avril et 22 juillet 2019 au secrét...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011. Par un jugement nos 1600757, 1602742 du 16 mai 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Par un arrêt nos 17NT02109, 17NT02111 du 28 février 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 avril et 22 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;

- le décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B... ont cédé à leurs associés, le 31 décembre 2010, l'intégralité de leurs parts sociales de la société civile professionnelle (SCP) d'avocats B...-Pontruché et associés dont ils étaient titulaires et ont réalisé, à cette occasion, une plus-value qu'ils ont placée sous le régime d'exonération prévu par l'article 238 quindecies du code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cette exonération et a mis à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2011. M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 28 février 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur appel contre le jugement du 16 mai 2017 du tribunal administratif d'Orléans rejetant leur demande en décharge de ces impositions.

2. D'une part, aux termes l'article 1er de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles²: " Il peut être constitué, entre personnes physiques exerçant une même profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, et notamment entre officiers publics et ministériels, des sociétés civiles professionnelles qui jouissent de la personnalité morale et sont soumises aux dispositions de la présente loi. (...) ". Aux termes de son article 9 : " Le capital social est divisé en parts égales qui ne peuvent être représentées par des titres négociables. (...) ". Aux termes de son article 19 : " Les parts sociales peuvent être transmises ou cédées à des tiers avec le consentement des associés (...) ". Aux termes de son article 20 : " Sauf disposition contraire des statuts, les parts sociales sont librement cessibles entre associés. (...) ". Enfin, aux termes de son article 21 : " Lorsqu'un associé le demande, la société est tenue, soit de faire acquérir ses parts par d'autres associés ou des tiers, soit de les acquérir elle-même, dans les conditions déterminées par le décret particulier à chaque profession. Dans le second cas, la société est tenue de réduire son capital du montant de la valeur nominale de ces parts ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 238 quindecies du code général des impôts : " I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité autres que celles mentionnées au V sont exonérées pour : / 1° La totalité de leur montant lorsque la valeur des éléments transmis servant d'assiette aux droits d'enregistrement mentionnés aux articles 719, 720 ou 724 (...) est inférieure ou égale à 300 000 € ; / (...) / II. - L'exonération prévue au I est subordonnée aux conditions suivantes : / 1 L'activité doit avoir été exercée pendant au moins cinq ans ; / 2 La personne à l'origine de la transmission est : / a) (...) un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu ; / (...) / 3 En cas de transmission à titre onéreux, le cédant (...) n'exerce pas, en droit ou en fait, la direction effective de l'entreprise cessionnaire ou ne détient pas, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette entreprise. / III. - Est assimilée à une branche complète d'activité l'intégralité des droits ou parts détenus par un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu et qui sont considérés comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession au sens du I de l'article 151 nonies. / Lorsqu'il est satisfait aux conditions prévues aux 1 à 3 du II, les plus-values réalisées à l'occasion de la transmission de droits ou parts mentionnés au premier alinéa du présent III sont exonérées pour : / 1° La totalité de leur montant lorsque la valeur vénale des droits ou parts transmis est inférieure ou égale à 300 000 € ; / (...) En cas de transmission à titre onéreux de droits ou de parts ouvrant droit à l'exonération prévue au deuxième alinéa, le cédant ne doit pas détenir directement ou indirectement de droits de vote ou de droits dans les bénéfices sociaux de l'entreprise cessionnaire. / IV. - L'exonération prévue aux I et III est remise en cause si le cédant relève de l'une des situations mentionnées au 3 du II et au dernier alinéa du III à un moment quelconque au cours des trois années qui suivent la réalisation de l'opération ayant bénéficié du régime prévu au présent article (...) ".

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé, d'une part, que M. et Mme B... avaient cédé à leurs associés, le 31 décembre 2010, leurs parts sociales de la SCP d'avocats B...-Pontruché et associés, et d'autre part, que cette société leur avait attribué des parts en industrie le 27 janvier 2011, la cour a jugé que dès lors que les associés d'une société civile professionnelle d'avocats ne peuvent exercer leur activité que dans le cadre de cette société, le cessionnaire des parts de M. et Mme B... devait être regardé comme étant la société civile professionnelle elle-même au sein de laquelle ils ont poursuivi leur activité et que, par suite, du fait de l'attribution ultérieure de parts en industrie dans cette société, ils détenaient directement ou indirectement des droits dans les bénéfices sociaux de l'entreprise cessionnaire, de nature à remettre en cause le bénéfice de l'exonération de la plus-value de cession sur le fondement des dispositions du IV de l'article 238 quindecies du code général des impôts. En statuant ainsi, alors que la cession de parts représentatives du capital social d'une société civile professionnelle peut être réalisée auprès d'associés d'une telle société et que la détention de ces nouvelles parts par les associés ne saurait être assimilée à une détention de celles-ci par la société civile elle-même, qui a une personnalité juridique distincte de ceux-ci, la cour a commis une erreur de droit. En conséquence, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. et Mme B... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond sur le fondement de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été indiqué, que M. et Mme B... ont cédé à leurs associés, le 31 décembre 2010, leurs parts de la SCP B...-Pontruché et associés. S'ils ont reçu le 27 janvier 2011 des parts en industrie de cette société civile professionnelle leur ouvrant droit au partage de ses bénéfices, celle-ci n'était pas le cessionnaire de leurs parts. Ils ne peuvent, dès lors, être regardés, à raison de ces parts en industrie, comme ayant cédé leurs parts à un cessionnaire dans lequel ils auraient détenu pendant la période de trois années suivant la cession directement ou indirectement des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté, pour ce motif, leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis en 2011 en raison de la remise en cause de l'exonération de plus-value sur la cession de leurs parts prévue par l'article 238 quindecies du code général des impôts.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros pour l'ensemble de la procédure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 28 février 2019 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 16 mai 2017 du tribunal administratif d'Orléans sont annulés.

Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 5 000 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 430265
Date de la décision : 19/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - EXONÉRATION LORSQUE RÉALISÉES À L'OCCASION DE LA CESSION D'UNE BRANCHE COMPLÈTE D'ACTIVITÉ (ART - 238 QUINDECIES DU CGI) - CESSION ASSIMILÉE DE L'INTÉGRALITÉ DES DROITS OU PARTS DÉTENUS DANS UNE SOCIÉTÉ TRANSLUCIDE PAR UN CONTRIBUABLE QUI Y EXERCE SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE - CONDITION TENANT À L'ABSENCE DE CONTRÔLE DU CESSIONNAIRE PAR LE CÉDANT PENDANT TROIS ANS - 1) CESSION DES PARTS AUX AUTRES ASSOCIÉS - SOCIÉTÉ AYANT LA QUALITÉ DE CESSIONNAIRE - ABSENCE - 2) CONSÉQUENCE - MÉCONNAISSANCE DE LA CONDITION DU SEUL FAIT DE L'ACQUISITION PAR LE CÉDANT - DANS LES TROIS ANS - DE PARTS D'INDUSTRIE DANS LA SOCIÉTÉ - ABSENCE.

19-04-02-005-02 Article 238 quindecies du code général des impôts (CGI) prévoyant l'exonération des plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies du même code et réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle, d'une branche complète d'activité ou, par assimilation, de l'intégralité des droits ou parts détenus dans une société translucide par un contribuable qui y exerce son activité professionnelle.,,,1) La cession de parts représentatives du capital social d'une société civile professionnelle (SCP) peut être réalisée auprès d'associés d'une telle société. La détention de ces nouvelles parts par les associés ne saurait être assimilée à une détention de celles-ci par la SCP elle-même, qui a une personnalité juridique distincte de celle de ses associés.,,,2) L'associé d'une SCP qui a cédé aux autres associés ses parts sociales et qui a reçu peu après des parts en industrie de cette même SCP lui ouvrant droit au partage de ses bénéfices ne peut, dès lors, être regardé, à raison de ces parts en industrie, comme ayant cédé ses propres parts à un cessionnaire dans lequel il aurait détenu pendant la période de trois années suivant la cession directement ou indirectement des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ÉVALUATION DE L'ACTIF - PLUS ET MOINS-VALUES DE CESSION - EXONÉRATION LORSQUE RÉALISÉES À L'OCCASION DE LA CESSION D'UNE BRANCHE COMPLÈTE D'ACTIVITÉ (ART - 238 QUINDECIES DU CGI) - CESSION ASSIMILÉE DE L'INTÉGRALITÉ DES DROITS OU PARTS DÉTENUS DANS UNE SOCIÉTÉ TRANSLUCIDE PAR UN CONTRIBUABLE QUI Y EXERCE SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE - CONDITION TENANT À L'ABSENCE DE CONTRÔLE DU CESSIONNAIRE PAR LE CÉDANT PENDANT TROIS ANS - 1) CESSION DES PARTS AUX AUTRES ASSOCIÉS - SOCIÉTÉ AYANT LA QUALITÉ DE CESSIONNAIRE - ABSENCE - 2) CONSÉQUENCE - MÉCONNAISSANCE DE LA CONDITION DU SEUL FAIT DE L'ACQUISITION PAR LE CÉDANT - DANS LES TROIS ANS - DE PARTS D'INDUSTRIE DANS LA SOCIÉTÉ - ABSENCE.

19-04-02-01-03-03 Article 238 quindecies du code général des impôts (CGI) prévoyant l'exonération des plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies du même code et réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle, d'une branche complète d'activité ou, par assimilation, de l'intégralité des droits ou parts détenus dans une société translucide par un contribuable qui y exerce son activité professionnelle.,,,1) La cession de parts représentatives du capital social d'une société civile professionnelle (SCP) peut être réalisée auprès d'associés d'une telle société. La détention de ces nouvelles parts par les associés ne saurait être assimilée à une détention de celles-ci par la SCP elle-même, qui a une personnalité juridique distincte de celle de ses associés.,,,2) L'associé d'une SCP qui a cédé aux autres associés ses parts sociales et qui a reçu peu après des parts en industrie de cette même SCP lui ouvrant droit au partage de ses bénéfices ne peut, dès lors, être regardé, à raison de ces parts en industrie, comme ayant cédé ses propres parts à un cessionnaire dans lequel il aurait détenu pendant la période de trois années suivant la cession directement ou indirectement des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2021, n° 430265
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:430265.20210519
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