La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2021 | FRANCE | N°448618

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 18 mai 2021, 448618


Vu la procédure suivante :

La société SNBTP a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'une part, d'annuler, au stade de l'examen des offres, la procédure de passation du lot n° 4 intitulé " déneigement voiries et parkings de Doucy " de l'accord-cadre à bons de commande pour le déneigement et le sablage des voiries et parkings de la commune de La Léchère et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres.
r>Par une ordonnance n° 2007381 du 24 décembre 2020, le juge des référés du ...

Vu la procédure suivante :

La société SNBTP a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'une part, d'annuler, au stade de l'examen des offres, la procédure de passation du lot n° 4 intitulé " déneigement voiries et parkings de Doucy " de l'accord-cadre à bons de commande pour le déneigement et le sablage des voiries et parkings de la commune de La Léchère et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres.

Par une ordonnance n° 2007381 du 24 décembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette procédure et enjoint à la commune de La Léchère, si elle entendait poursuivre l'attribution du marché, de reprendre la procédure au stade de l'examen des offres.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 et 27 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de La Léchère demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société SNBTP ;

3°) de mettre à la charge de la société SNBTP la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de la commune de La Léchère et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société SNBTP ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble que la commune de La Léchère a lancé, en octobre 2020, un avis d'appel à concurrence en vue de la passation, dans le cadre d'une procédure adaptée, d'un accord-cadre à bons de commande relatif à des prestations de déneigement et sablage des voiries et parking, transport de neige, mise à disposition et location de machines, mise à disposition de chauffeur, composé de 9 lots correspondant aux différents lieux d'exécution de ces prestations. Deux offres lui ont été remises pour le lot n° 4 " déneigement voiries et parkings de Doucy " : l'une par la société Etral et l'autre par la société SNBTP. Au terme de l'examen des offres, l'offre de cette dernière a été rejetée par un courrier du 1er décembre 2020. Par une ordonnance du 24 décembre 2020, contre laquelle la commune de La Léchère se pourvoit en cassation, le juge des référés a annulé, à la demande de la candidate évincée, la procédure de passation au stade de l'examen des offres et enjoint à la commune, si elle entendait poursuivre l'attribution du marché, de reprendre la procédure à ce stade.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix (...). / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".

3. En premier lieu, d'une part, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection.

4. D'autre part, la méthode de notation des offres ne peut être utilement contestée devant le juge du référé précontractuel qu'en cas d'erreur de droit ou de discrimination illégale.

5. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a estimé que faute d'avoir porté à la connaissance des candidats la façon dont elle entendait décomposer, au stade de l'analyse des offres, les trois sous-critères du critère technique prévus dans le règlement de consultation en plusieurs items, et la pondération qui en résultait pour chacun de sous-critères, la commune de La Léchère a commis un manquement au principe de transparence des procédures, mentionné au point 2. En statuant de la sorte, alors qu'il résulte de l'instruction que la grille d'analyse utilisée par la commune conduisait à ce que les sous-critères " méthodologie ", " continuité du service " et " moyens humains " comptent respectivement pour 6/11, 3/11 et 2/11 dans la note technique, et établissait ce faisant une pondération entre ces derniers, de nature, si elle avait été connue des candidats, à influencer la présentation de leurs offres, le juge des référés n'a ni entaché son ordonnance d'erreur de droit et d'erreur de qualification juridique des faits, ni méconnu son office.

6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que, eu égard à l'importance de la pondération établie entre les sous-critères, ceux-ci devaient être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Par suite, le moyen tiré de ce que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble aurait commis une erreur de droit en omettant de rechercher si les sous-critères en litige avaient exercé une influence sur la présentation de l'offre des différents candidats doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a estimé que le manquement au principe de transparence des procédures était susceptible d'avoir lésé la société SNBTP. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'instruction que la société SNBTP avait obtenu la meilleure note au regard du critère du prix et que l'écart de points entre les deux candidats était relativement faible au niveau de leur note globale, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble n'a pas inexactement qualifié les faits.

8. En quatrième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 551-2 du code de justice administrative mentionnées au point 2 que si le juge des référés peut ne pas suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat lorsqu'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives résultant de telles mesures de suspension pourraient l'emporter sur leurs avantages, ces dispositions ne sont pas applicables s'il estime que les manquements relevés doivent avoir pour conséquence l'annulation de la procédure. Par suite, le moyen tiré de ce que le juge des référés du tribunal de Grenoble aurait commis une erreur de droit et insuffisamment motivé son ordonnance en ne recherchant pas d'office si des considérations d'intérêt public faisaient obstacle à la reprise de la procédure au stade des offres doit être écarté.

9. En dernier lieu, le motif par lequel le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a jugé que faute d'avoir porté à la connaissance des candidats la pondération des sous-critères relatifs à l'appréciation de la valeur technique des offres, la commune de La Léchère avait commis un manquement au principe de transparence des procédures susceptible d'avoir lésé la société SNBT, suffisait, à lui seul, à justifier l'annulation de la procédure au stade de l'examen des offres. Si le juge des référés a également estimé que la commune de La Léchère avait manqué à ses obligations de transparence et de mise en concurrence dans la notation des offres, il résulte de ce qui vient d'être dit que de tels motifs sont surabondants. Les moyens tirés de ce que ces motifs seraient entachés d'erreur de droit et de dénaturation ne sauraient dès lors, quel qu'en soit le bien-fondé, entraîner l'annulation de l'ordonnance attaquée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Léchère n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du juge du référé du tribunal administratif de Grenoble qu'elle attaque.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société SNBTP qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Léchère la somme de 3 000 euros à verser à la société SNBTP.

D E C I D E :

--------------

Article 1e : Le pourvoi de la commune de La Léchère est rejeté.

Article 2 : La commune de La Léchère versera une somme de 3 000 euros à la société SNBTP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de La Léchère et à la société SNBTP.

Copie en sera adressée à la société Etral.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 18 mai. 2021, n° 448618
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexis Goin
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : CABINET MUNIER-APAIRE ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 18/05/2021
Date de l'import : 20/05/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 448618
Numéro NOR : CETATEXT000043511749 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-05-18;448618 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award