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17/05/2021 | FRANCE | N°448319

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 17 mai 2021, 448319


Vu la procédure suivante :

La société Axeria Iard a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de condamner, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la société Hydrétudes, la société Generali Iard et la société Forézienne d'entreprises à lui verser la somme de 213 321,64 euros à titre de provision. Par une ordonnance n° 1907560 du 14 mai 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a condamné les sociétés Hydrétudes et Generali Iard à verser à la société Axeria Iard une provision de

213 321,64 euros.

Par une ordonnance n° 20LY01526 du 17 décembre 2020, le juge de...

Vu la procédure suivante :

La société Axeria Iard a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de condamner, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la société Hydrétudes, la société Generali Iard et la société Forézienne d'entreprises à lui verser la somme de 213 321,64 euros à titre de provision. Par une ordonnance n° 1907560 du 14 mai 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a condamné les sociétés Hydrétudes et Generali Iard à verser à la société Axeria Iard une provision de 213 321,64 euros.

Par une ordonnance n° 20LY01526 du 17 décembre 2020, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de la société Hydrétudes et de la société Generali Iard, d'une part, annulé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif en tant qu'elle condamnait la société Generali Iard et rejeté les conclusions dirigées contre cette société comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et, d'autre part, rejeté le surplus de la requête d'appel.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 et 15 janvier et le 9 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Hydrétudes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté sa requête d'appel ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Axeria Iard la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Hydrétudes et à Me Le Prado, avocat de la société Axeria Iard ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 avril 2021, présentée par la société Hydrétudes ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le 16 décembre 2011, l'établissement de fabrication de granulés de bois exploité par la société Alpin Pellet, à Tournon, a été submergé par une inondation consécutive à une crue du ruisseau de Verrens. Par une ordonnance du 30 mars 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a diligenté, à la demande de la société Alpin Pellet, une expertise. L'expert a conclu, en 2018, à l'insuffisance des ouvrages hydrauliques réalisés en 2010 sous la maîtrise d'ouvrage de la communauté de communes de Haute Combe Savoie, la maîtrise d'oeuvre ayant été confiée à la société Hydrétudes. Par une ordonnance du 14 mai 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a condamné solidairement, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la société Hydrétudes et son assureur, la société Generali Iard, à verser à la société Axeria Iard, assureur de la société Alpin Pellet, la somme de 213 321,64 euros à titre de provision. Par une ordonnance du 17 décembre 2020, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé l'ordonnance du tribunal administratif en tant qu'elle avait condamné la compagnie Generali France et, d'autre part, rejeté l'appel de la société Hydrétudes. La société Hydrétudes se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'elle lui fait grief.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ".

Sur la prescription :

3. D'une part, aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ". Il en résulte qu'une citation en justice, au fond ou en référé, n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a la qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés et n'est pas contesté que la société Alpin Pellet a mis en cause la communauté de communes de Haute Combe Savoie aux opérations d'expertise mais n'a présenté aucune demande à l'encontre de la société Hydrétudes. Par suite, en jugeant que la société Axeria Iard, subrogée dans les droits de la société Alpin Pellet, bénéficiait de l'effet interruptif de cette citation en justice à l'encontre de l'ensemble des parties à l'expertise, y compris la société Hydrétudes, alors même que cette expertise n'avait été étendue à cette dernière société qu'à la demande de la communauté de communes de Haute Combe Savoie, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit.

6. Toutefois, si pour opposer à la société Hydrétudes l'absence de prescription, le juge des référés de la cour a retenu ce motif erroné, il s'est aussi fondé sur la circonstance qu'en tout état de cause, dès lors que la mission de l'expert comprenait la détermination des travaux de nature à faire cesser les désordres subis par la société Alpin Pellet, celle-ci devait être regardée comme ayant eu une connaissance suffisamment certaine de l'étendue du dommage à la date à laquelle l'expert avait déposé son rapport en 2018. En statuant ainsi, le juge des référés s'est livré à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation. Ce motif justifie à lui seul le rejet de l'exception de prescription invoquée par la société Hydrétudes.

Sur la force majeure :

7. Le maître d'oeuvre est responsable, même en l'absence de faute, des dommages causés aux tiers par l'exécution de travaux publics, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.

8. Pour écarter le moyen tiré de ce que la crue de 2011 serait imputable à un cas de force majeure, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondé sur la circonstance que les travaux auxquels la société Hydrétudes avait participé avaient pour finalité d'éviter une inondation consécutive à une crue présentant les caractéristiques exceptionnelles décrites dans la note produite par cette société. La société Hydrétudes n'est dès lors pas fondée à soutenir que son ordonnance serait entachée d'insuffisance de motivation.

9. Si le juge des référés a aussi mentionné qu'une crue semblable était survenue en 2018, il n'a relevé cette circonstance qu'à titre surabondant. Par suite, la société Hydrétudes ne saurait utilement soutenir que le juge des référés aurait commis une erreur de droit en se fondant sur un événement postérieur à la crue de 2011 pour en déduire que cette crue était prévisible.

10 Il résulte de tout ce qui précède qu'en regardant comme non sérieusement contestable la créance de la société Axeria Iard, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce. Il suit de là que la société Hydrétudes n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Axeria Iard qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Hydrétudes la somme de 3 000 euros à verser à la société Axeria Iard au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Hydrétudes est rejeté.

Article 2 : La société Hydrétudes versera une somme de 3 000 euros à la société Axeria Iard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Hydrétudes et à la société Axeria Iard.

Copie en sera adressée à la société Generali Iard, à la société Eiffage génie civil terrassement et à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 448319
Date de la décision : 17/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mai. 2021, n° 448319
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:448319.20210517
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