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11/05/2021 | FRANCE | N°445863

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 11 mai 2021, 445863


Vu la procédure suivante :

M. F... H... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune d'Argeliers en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires et de prononcer l'inéligibilité de M. E... A..., de M. D... J... et de M. C... B.... Par un jugement n° 2001456 du 30 septembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette protestation.

Par une requête, deux mémoires en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 30 octobre 2020 et les 2

4 février et 3 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M...

Vu la procédure suivante :

M. F... H... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune d'Argeliers en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires et de prononcer l'inéligibilité de M. E... A..., de M. D... J... et de M. C... B.... Par un jugement n° 2001456 du 30 septembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette protestation.

Par une requête, deux mémoires en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 30 octobre 2020 et les 24 février et 3 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. H... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces opérations électorales ;

3°) de prononcer l'inéligibilité de M. A..., de M. J... et de M. B... pour une durée de trois ans

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 à Argeliers, commune de plus de 1 000 habitants, les dix-neuf sièges de conseillers municipaux et le siège de conseiller communautaire ont été pourvus. Quinze sièges de conseillers municipaux et le siège de conseiller communautaire ont été attribués à des candidats de la liste " Argeliers bien vivre ensemble ", conduite par M. A..., qui a obtenu 583 voix, soit 55,26 % des 1 055 suffrages exprimés, tandis que deux sièges ont été attribués à des candidats de la liste " Argeliers autrement " conduite par M. I..., qui a obtenu 276 voix, soit 26,16 % des suffrages exprimés, et deux autres sièges à des candidats de la liste " Argeliers humaine et responsable " conduite par M. H..., qui a obtenu 196 voix, soit 18,57 % des suffrages exprimés. Ce dernier relève appel du jugement du 30 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la protestation qu'il a formée contre ces opérations électorales, tendant à leur annulation et à ce que M. A..., M. J... et M. B... soient déclarés inéligibles en application de l'article L. 118-4 du code électoral.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales :

2. Aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ". L'article L. 49 du même code prévoit que : " A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : / 1° distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents ; / 2° diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale (...) ". Le deuxième alinéa de l'article L. 52-1 de ce code dispose qu'" A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. (...) ". Enfin, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 de ce code : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués (...) ".

3. En premier lieu, d'une part, il résulte de l'instruction que le bulletin municipal de l'automne 2019, s'il est paru plus tardivement et avec une pagination plus importante que celui de l'année précédente, se limitait à faire état, en des termes dépourvus de toute polémique électorale, de divers événements, dont un incendie de forêt survenu sur le territoire de la commune en septembre, qui, s'ils pouvaient également se rattacher à certains thèmes du programme de la liste " Argeliers Bien Vivre Ensemble ", relevaient de l'actualité communale. D'autre part, si, lors de l'allocution qu'il a prononcée à l'occasion de la cérémonie des voeux de début d'année, diffusée ensuite dans une brochure distribuée à la population, M. A..., maire sortant, a évoqué le bilan de son mandat, annoncé sa candidature ainsi que le nom de la liste qu'il conduirait, il résulte également de l'instruction qu'il l'a fait sans dresser un bilan exagérément avantageux des réalisations de la municipalité sortante ni développer de polémique électorale et que tant la cérémonie des voeux que la diffusion aux habitants du discours prononcé à cette occasion par le maire présentent un caractère habituel dans la commune. Par suite, ni le bulletin municipal de l'automne 2019, ni la cérémonie des voeux, l'allocution prononcée par le maire lors de cette cérémonie ou sa diffusion, ne peuvent être regardés comme ayant été constitutifs d'une campagne de promotion publicitaire réalisée en méconnaissance des dispositions des articles L. 52-1 du code électoral. Par suite, le grief tiré de ce que l'article L 52-8 de ce code aurait été en conséquence méconnu, à raison d'un financement par la commune d'une telle campagne au profit de la liste conduite par le maire sortant, ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, s'il résulte de l'instruction qu'une brochure a été diffusée dans la soirée du vendredi 13 au samedi 14 mars, sous l'étiquette de la liste conduite par M. A... et relayée à 23 heures 59 sur le compte " facebook " de cette liste, cette brochure n'a pas excédé, malgré la vivacité de certains de ses termes à l'égard de M. H..., les limites de la polémique électorale et ne peut être regardée comme y ayant ajouté des éléments nouveaux auxquels l'intéressé aurait dû pouvoir répondre utilement en application de l'article L. 48-2 de ce code. Il n'est pas établi que la liste conduite par M. A... aurait diffusé un nouveau message de propagande électorale le samedi 14 mars en méconnaissance de l'article L. 49 de ce code.

5. En troisième lieu, en revanche, il résulte de l'instruction que la brochure de présentation du programme de la liste conduite par M. A... comprend des clichés photographiques issus du bulletin municipal de l'automne 2019, sur lequel aucun nom d'auteur n'apparaît et qui doivent donc être regardés comme provenant de la photothèque municipale. A raison de cette utilisation de clichés provenant de la photothèque municipale, la liste conduite par M A... doit être regardée comme ayant bénéficié d'un avantage accordée par la commune en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral aux termes duquel : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ".

6. M. H... fait valoir à bon droit que l'influence que cette irrégularité a pu exercer sur l'issue du scrutin doit s'apprécier au regard, non de l'écart de voix entre les différentes listes en présence comme l'a jugé à tort le tribunal administratif, mais de l'écart de voix entre la liste ayant obtenu la majorité des voix et le nombre de voix requis pour obtenir la majorité absolue dès lors que plus de deux listes s'affrontaient au premier tour, lors duquel l'élection a été acquise. En effet, en l'absence de majorité absolue pour une liste, un second tour, pour lequel des fusions de listes étaient possibles, aurait dû être organisé en application des articles L. 262 et suivants du code électoral. Toutefois, il résulte de l'instruction que la liste conduite par M. A... a obtenu 583 voix, soit 55 voix de plus que la majorité absolue des 1 055 suffrages exprimés et que, dans les circonstances de l'espèce, l'irrégularité relevée n'a pu être de nature à altérer la sincérité du scrutin.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 118-4 du code électoral :

8. Aux termes de l'article L. 118-4 du code électoral : " Saisi d'une contestation formée contre l'élection, le juge de l'élection peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin (...) ". Il résulte de ces dispositions que, régulièrement saisi d'un grief tiré de l'existence de manoeuvres, le juge de l'élection peut, le cas échéant d'office, et après avoir, dans cette hypothèse, recueilli les observations des candidats concernés, prononcer une telle sanction si les manoeuvres constatées présentent un caractère frauduleux et s'il est établi qu'elles ont été accomplies par les candidats concernés et ont eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin.

9. En l'absence de manoeuvres frauduleuses, imputables aux intéressés, ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les conclusions de M. H... tendant à ce que M. A..., M. J... et M. B... soient déclarés inéligibles en application de ces dispositions, non comme tardives ainsi que le soutient le requérant, mais comme infondées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. A... et ses co-défendeurs.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... et par ses co-défendeurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. F... H..., à M. E... A..., premier désigné, pour l'ensemble de ses co-défendeurs, à M. G... I... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 445863
Date de la décision : 11/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mai. 2021, n° 445863
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Damien Pons
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli

Origine de la décision
Date de l'import : 13/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445863.20210511
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