Vu la procédure suivante :
La société anonyme (SA) Acofi Gestion a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales dont devait, selon elle, être assorti le remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche de la société Link et Data Mobile au titre de l'exercice clos en 2015 pour un montant de 7 428 euros. Par un jugement n° 1718786 du 19 février 2019, ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 489 euros versée en cours d'instance, a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 19PA01208 du 19 mai 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 3 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Acofi Gestion ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le fonds commun de titrisation Predirec Innovation 2020 a, par acte du 27 juin 2016, procédé à l'acquisition de la créance fiscale que la société Link et Data Mobile détenait sur l'État à raison d'un crédit d'impôt en faveur de la recherche d'un montant de 202 654 euros, correspondant à des dépenses de recherche que celle-ci avait exposées au cours de l'année 2015. Le 5 juillet 2016, la société Link et Data Mobile a sollicité le remboursement de sa créance de crédit d'impôt recherche. Par une décision du 13 avril 2017, l'administration a fait droit à cette demande et versé les sommes correspondantes à Predirec Innovation 2020 le 28 avril suivant. Par un courrier du 26 juin 2017, la société Acofi Gestion, en sa qualité de société de gestion de ce fonds, a vainement demandé à l'administration que ce remboursement soit assorti du versement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Par un jugement du 19 février 2019, le tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 489 euros versée par l'administration en cours d'instance, a condamné l'État à payer à la société Acofi Gestion des intérêts moratoires pour un montant de 7 428 euros en application de ces dispositions. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit contre l'arrêt du 19 mai 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement, en tant qu'il lui était défavorable.
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année ". Aux termes de l'article 220 B du même code : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B ". Aux termes du I de l'article 199 ter B de ce code : " Le crédit d'impôt (...) défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. (...) ". Le II du même article prévoit que ces créances sont immédiatement remboursables lorsqu'elles sont constatées par des entreprises appartenant à certaines catégories, définies notamment au regard de leur taille ou de la qualification de jeune entreprise innovante.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts ou l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation (...) ". Aux termes de l'article R. 199-1 du même code : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévue à l'article R. 198-10. / Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu de décision de l'administration dans le délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts ".
5. La demande de remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article 199 ter B du code général des impôts constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Un remboursement accordé par l'administration à la suite de l'admission d'une telle réclamation, qui tend à obtenir le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou règlementaire, n'ouvre pas droit au versement par l'Etat au contribuable d'intérêts moratoires. En revanche, un remboursement de créance de crédit d'impôt recherche qui intervient postérieurement au rejet, explicite ou né du silence gardé par l'administration au-delà du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, de la demande formée à cette fin a le caractère d'un dégrèvement contentieux de même nature que celui prononcé par un tribunal au sens des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, et ouvre en conséquence droit au versement d'intérêts moratoires à compter de la date de la demande de remboursement. Dès lors, en jugeant, après avoir relevé qu'il n'était intervenu qu'après un rejet implicite de la réclamation formée par son titulaire, que le remboursement de la créance de crédit d'impôt recherche en litige prononcé par l'administration avait le caractère d'un dégrèvement contentieux ouvrant droit aux intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce.
6. Les dispositions de l'article 1231-6 du code civil ne trouvant à s'appliquer, en cas de retard pris par une personne publique dans le paiement d'une somme d'argent, qu'à défaut de dispositions législatives spéciales, la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant qu'elles ne trouvaient pas à s'appliquer au remboursement d'une créance revêtant le caractère d'un dégrèvement contentieux au sens de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, lequel est suffisamment motivé.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Acofi Gestion au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Acofi Gestion au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société anonyme Acofi Gestion.