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27/04/2021 | FRANCE | N°431178

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 27 avril 2021, 431178


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 27 mars 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre le jugement n° 1606497 du tribunal administratif de Lille du 2 février 2017 en tant qu'il a accordé à M. B... C..., au droit duquel est venue Mme A... C..., son héritière, la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 160 euros procédant d'une mise en demeure de payer tenant lieu de commandement prévu par le code des procédures civiles d'exécution, ém

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Vu la procédure suivante :

Par une décision du 27 mars 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre le jugement n° 1606497 du tribunal administratif de Lille du 2 février 2017 en tant qu'il a accordé à M. B... C..., au droit duquel est venue Mme A... C..., son héritière, la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 160 euros procédant d'une mise en demeure de payer tenant lieu de commandement prévu par le code des procédures civiles d'exécution, émise le 17 août 2012, pour le recouvrement de cotisations de taxe d'habitation dues au titre des années 2002 et 2003 et des pénalités correspondantes.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la décision du Conseil d'Etat était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'invocation de la prescription de l'action en recouvrement, dès lors que, en vertu des dispositions des articles R. 281-2 et R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales et du principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, M. C... disposait d'un délai raisonnable d'un an, sauf circonstances particulières, pour contester devant l'administration l'exigibilité de sa dette à compter de la signification le 6 juillet 2011 du premier acte de poursuite permettant d'invoquer ce motif.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 17 août 2012, M. B... C... a fait l'objet d'une mise en demeure de payer, notamment, la somme de 1 160 euros correspondant à des cotisations de taxe d'habitation établies au titre des années 2002 et 2003 ainsi que des pénalités correspondantes. Par une décision du 17 mars 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a admis les conclusions du pourvoi formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre le jugement n° 1606497 du 2 février 2017 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a accordé à M. C..., aux droits duquel venait Mme C..., la décharge de l'obligation de payer ces sommes procédant de cette mise en demeure.

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable ". Aux termes de l'article L. 281 du même livre, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : / (...) 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt (...) ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 281-1 de ce livre, dans leur rédaction applicable en l'espèce : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. / Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite (...) ". Jusqu'au 30 septembre 2011, ce même article précise que ce chef de service est " Le trésorier-payeur général si le recouvrement incombe à un comptable du Trésor ". A compte de cette date, il dispose que ce chef de service est : " Le directeur départemental des finances publiques ou le responsable du service à compétence nationale si le recouvrement incombe à un comptable de la direction générale des finances publiques ". Aux termes de l'article R. 281-2, applicable jusqu'au 30 septembre 2011 : " La demande prévue par l'article R. 281-1 doit, sous peine de nullité, être présentée au trésorier-payeur général dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte si le motif invoqué est un vice de forme ou, s'il s'agit de tout autre motif, dans un délai de deux mois après le premier acte qui permet d'invoquer ce motif ". Aux termes enfin de l'article R. 281-3-1, en vigueur à compter du 1er octobre 2011 : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée, selon le cas, au directeur départemental des finances publiques, au responsable du service à compétence nationale (...) dans un délai de deux mois à partir de la notification : / a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; / b) De tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ; / c) Du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif ".

3. D'autre part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d'un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l'être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable. S'agissant de la réclamation préalable prévue à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, relative au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics, si la notification de la décision ne comporte pas les mentions prévues par l'article R. 421-5 du code de justice administrative ou si la preuve de la notification de cette décision n'est pas établie, le contribuable doit adresser sa réclamation dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle l'acte de poursuite lui a été notifié ou de celle à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, ce délai ne peut excéder un an.

4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué, en premier lieu que, pour obtenir paiement des impositions en litige, qui avaient été mises en recouvrement en 2002 et 2003, l'administration a signifié un commandement de payer à M. C... le 6 juillet 2011, en deuxième lieu, qu'il s'agissait du premier acte de poursuite permettant à l'intéressé d'invoquer la prescription de l'action en recouvrement prévue par les dispositions, rappelées au point 2 ci-dessus, de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, et en troisième lieu, que M. C... n'a pas présenté à l'administration, dans le délai d'un an suivant la signification de cet acte, de contestation invoquant cette prescription. Par suite, en accueillant le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement, alors que l'irrecevabilité de ce moyen se déduisait de ses propres constatations, le tribunal administratif de Lille a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il accorde à M. C... la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 160 euros procédant d'une mise en demeure de payer, émise le 17 août 2012, pour le recouvrement de cotisations de taxe d'habitation relatives aux années 2002 et 2003 et des pénalités correspondantes.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. En premier lieu, les avis à tiers détenteurs émis les 16 juillet 2004, 22 février 2005 et 8 mars 2008 en vue du recouvrement de sommes dont Mme C... était personnellement redevable envers le Trésor public ne sauraient avoir permis à l'administration de recouvrer les créances de taxe d'habitation relatives aux années 2002 et 2003 qu'elle détenait sur M. C.... Par suite, ne peut qu'être écarté le moyen tiré de ce que la dette en litige aurait été partiellement éteinte du fait des paiements intervenus en exécution de ces actes de poursuite.

8. En second lieu, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté qu'un commandement de payer valant saisie immobilière signifié à M. C... le 6 juillet 2011 constituait le premier acte de poursuite permettant d'invoquer, sur le fondement de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, la prescription de l'action en recouvrement des cotisations de taxe d'habitation établies au titre de 2002 et 2003 et que cet acte de poursuite n'a pas été contesté pour ce motif dans le délai d'un an à compter de sa signification. Il en résulte que le contribuable n'était plus recevable, eu égard à ce qui a été dit aux points 2 et 3 ci-dessus, à invoquer la prescription de l'action en recouvrement dans la réclamation qu'il a formée le 16 octobre 2012 contre la mise en demeure de payer dont il a fait l'objet le 17 août 2012 en vue du recouvrement de cotisations de taxe d'habitation relatives aux années 2002 et 2003 et des pénalités correspondantes

9. Il résulte de ce qui précède que Mme C..., héritière de la succession de M. C..., n'est pas fondée à demander la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 160 euros procédant de cette mise en demeure.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement n° 1606497 du 2 février 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a accordé à M. C... la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 160 euros procédant d'une mise en demeure de payer, tenant lieu de commandement prévu par le code des procédures civiles d'exécution, émise le 17 août 2012, pour le recouvrement de cotisations de taxe d'habitation établies au titre des années 2002 et 2003 et des majorations correspondantes.

Article 2 : Les conclusions de Mme C..., héritière de la succession de M. C..., tendant au prononcé de la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 160 euros procédant de cette mise en demeure de payer sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par Mme C... sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à Mme A... C....


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 431178
Date de la décision : 27/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 avr. 2021, n° 431178
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jonathan Bosredon
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:431178.20210427
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