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23/04/2021 | FRANCE | N°443814

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 23 avril 2021, 443814


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 septembre et 14 décembre 2020 et le 29 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret en date du 5 juin 2020 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités turques ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Lévis, son avocat, en application des dispositions des articles L.

761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 septembre et 14 décembre 2020 et le 29 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret en date du 5 juin 2020 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités turques ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Lévis, son avocat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

- la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

Le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

Les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Levis, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par le décret attaqué, le Premier ministre a accordé aux autorités turques l'extradition de M. B... A... pour l'exécution d'un arrêt de la première chambre de la cour d'assises d'Erzerum du 26 janvier 2012, confirmé par une décision de la première chambre de la Cour de cassation turque du 8 avril 2013, l'ayant condamné à une peine d'emprisonnement de quatorze ans et six mois pour des faits qualifiés de tentative d'homicide volontaire et blessures volontaires.

2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par le secrétaire général du gouvernement, que ce décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice. La circonstance que l'ampliation notifiée à M. A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la légalité du décret attaqué.

3. En deuxième lieu, le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que contrairement à ce qui est soutenu, le ministre de la justice a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant d'accorder son extradition aux autorités turques.

5. En quatrième lieu, l'article 3 de la convention européenne d'extradition n'autorise pas l'extradition " si la partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition motivée par une infraction de droit commun a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir un individu pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cet individu risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons ". Il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que l'extradition de M. A... aurait été recherchée par les autorités turques non dans le but de réprimer une infraction de droit commun mais dans celui de poursuivre l'intéressé en raison de son appartenance à la communauté kurde et de ses critiques du régime politique turc sur les réseaux sociaux. Au demeurant, sa demande visant à obtenir le statut de réfugié et ses demandes de réexamen ont été rejetées. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées et du principe fondamental reconnu par les lois de la République qui prohibe l'extradition à des fins politiques ne peut, ainsi, qu'être écarté.

6. En cinquième lieu, si M. A... déclare redouter son incarcération en Turquie eu égard aux conditions de détention dans ce pays, en particulier à l'égard des personnes qui se réclament de la cause kurde, et craindre d'être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les pièces du dossier ne permettent pas de tenir pour établis les risques personnels qu'il allègue. Dans ces conditions, le gouvernement français n'avait pas à rechercher des assurances à cet égard auprès des autorités turques.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 5 juin 2020 accordant son extradition aux autorités turques. Les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 443814
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 avr. 2021, n° 443814
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Clément Tonon
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:443814.20210423
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