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20/04/2021 | FRANCE | N°445666

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 20 avril 2021, 445666


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le second tour des élections des conseillers municipaux de la ville de Paris du 28 juin 2020. Par une ordonnance n° 2017058/3-1 du 19 octobre 2020, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif a rejeté sa protestation.

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler le second tour des élections des conseillers municip

aux de la ville de Paris tenu le 28 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

V...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le second tour des élections des conseillers municipaux de la ville de Paris du 28 juin 2020. Par une ordonnance n° 2017058/3-1 du 19 octobre 2020, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif a rejeté sa protestation.

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler le second tour des élections des conseillers municipaux de la ville de Paris tenu le 28 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- - la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- - le code électoral ;

- - l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de justice administrative, notamment ses articles R. 611-8 et R. 771-5 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des reequêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... fait appel de l'ordonnance du 19 octobre 2020 par laquelle la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté comme tardive et, par suite, irrecevable sa protestation tendant à l'annulation du second tour des élections des conseillers municipaux de la Ville de Paris du 28 juin 2020.

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... soutenait devant le tribunal administratif que, bien qu'introduite au-delà du délai de recours fixé par l'article R. 119 du code électoral, sa protestation n'était pas tardive en raison de ce que ce délai méconnaîtrait le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 28 août 1789. En omettant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif a entaché son ordonnance d'une insuffisance de motivation. Il en résulte, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, que M. B... est fondé à en demander l'annulation.

3. Le délai imparti au tribunal administratif par l'article R.120 du code électoral pour statuer sur la protestation de M. B... est expiré. Il y a dès lors lieu pour le Conseil d'Etat de statuer immédiatement sur cette protestation.

4. Aux termes de l'article L.248 du code électoral : " Tout électeur et tout éligible a le droit d'arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le tribunal administratif (...) " et aux termes de l'article R. 119 du même code : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai (...) ".

5. M. B..., qui ne conteste pas que sa protestation a été introduite après l'expiration du délai de recours fixé par l'article R.119 du code électoral cité ci-dessus, soutient toutefois que le délai de cinq jours ne lui est pas opposable en soulevant, d'une part, par un mémoire distinct présenté devant le Conseil d'Etat, une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre certaines dispositions législatives du code électoral, notamment son article L. 248 et en soulevant, d'autre part, l'illégalité de l'article R.119 du même code.

Sur la constitutionnalité des dispositions contestées du code électoral :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

7. Contrairement à ce que soutient M. B..., il résulte des articles 34 et 37 de la Constitution que les règles de la procédure administrative contentieuse, notamment la détermination des délais de recours, relèvent de la compétence du pouvoir réglementaire, y compris en matière électorale et sans qu'y fassent obstacle les principes de l'égal accès à la justice ou du droit à un recours juridictionnel effectif protégés par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 28 août 1789. Par suite, le requérant, qui ne peut utilement invoquer le principe de sécurité juridique, n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de la section 7 du titre IV du livre 1er de la partie législative du code électoral et, en particulier, son article L. 248, seraient contraires à la Constitution faute d'avoir fixé un délai de recours minimal en matière électorale.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Sur la légalité de l'article R.119 du code électoral :

9. En premier lieu, M. B... ne saurait utilement soutenir que les dispositions, citées ci-dessus, de l'article R.119 du code électoral sont contraires aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles ne sont pas applicables au contentieux électoral. Il ne saurait davantage se prévaloir des stipulations de l'article 13 de cette convention, qui ne peuvent s'appliquer qu'à un droit qu'elle protège.

10. En second lieu, eu égard à la nature des contestations qui sont portées devant le juge de l'élection, auquel s'impose d'ailleurs, en vertu de l'article R. 120 du code électoral, un délai de deux mois pour statuer à peine de dessaisissement, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le délai de recours fixé par l'article R. 119 du même code méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 28 août 1789.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la protestation présentée par M.B... devant le tribunal administratif de Paris est tardive et ne peut, par suite, qu'être rejetée comme irrecevable.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garanties par la Constitution des dispositions de la section 7 du titre IV du livre 1er de la partie législative du code électoral, en particulier son article L. 248.

Article 2 : L'ordonnance du 19 octobre 2020 de la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 3 : La protestation introduite par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B....

Copie en sera adressée à la Ville de Paris et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 445666
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 avr. 2021, n° 445666
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Flavie Le Tallec
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445666.20210420
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