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16/04/2021 | FRANCE | N°434192

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 16 avril 2021, 434192


Vu la procédure suivante :

L'Union nationale des entreprises du paysage (UNEP) a demandé à la cour administrative d'appel de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la ministre du travail du 21 décembre 2017 fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective des entreprises du paysage en tant qu'il reconnaît représentative la chambre nationale de l'artisanat des travaux publics et des travaux publics (CNATP) et fixe son poids à 3,5 % et, par conséquent, a limité le poids de l'UNEP à 96,5 %. Par

un arrêt n° 18PA00606 du 4 juillet 2019, la cour administrative d'a...

Vu la procédure suivante :

L'Union nationale des entreprises du paysage (UNEP) a demandé à la cour administrative d'appel de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la ministre du travail du 21 décembre 2017 fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective des entreprises du paysage en tant qu'il reconnaît représentative la chambre nationale de l'artisanat des travaux publics et des travaux publics (CNATP) et fixe son poids à 3,5 % et, par conséquent, a limité le poids de l'UNEP à 96,5 %. Par un arrêt n° 18PA00606 du 4 juillet 2019, la cour administrative d'appel a rejeté sa requête.

Par un pourvoi sommaire un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 septembre et 28 novembre 2019 et le 7 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'UNEP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., auditrice,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de l'Union nationale des entreprises du paysage et à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la chambre nationale de l'artisanat des travaux publics et du paysage ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 2152-6 du code du travail : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives par branche professionnelle (...) ". En application de ces dispositions, la ministre du travail a pris, le 21 décembre 2017, un arrêté fixant " la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective des entreprises du paysage ". L'article 1er de cet arrêté reconnaît comme représentatives la Chambre nationale de l'artisanat des travaux publics et des travaux publics (CNATP) et l'Union nationale des entreprises du paysage (UNEP). Son article 2 détermine, pour la négociation des accords collectifs prévue au titre de l'article L. 2261-19 du même code, les audiences respectives de ces organisations professionnelles d'employeurs. A ce titre, il fixe l'audience de l'UNEP à 96,50% et l'audience de la CNATP à 3,50 %. Par l'arrêt attaqué du 4 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Paris, saisie par l'UNEP d'une requête en annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté, a rejeté cette requête en tant qu'elle demandait l'annulation de son article 1er en tant qu'il concerne la CNATP et l'annulation de son article 2 en tant qu'il limite son propre poids à 96,50 %. L'UNEP se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 2151-1 du code du travail : " La représentativité des organisations professionnelles d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : / 1° Le respect des valeurs républicaines ; / 2° L'indépendance ; / 3° La transparence financière ; / 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; / 5° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; / 6° L'audience, qui se mesure en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152-1 ou L. 2152-4. "

3. La satisfaction au critère de l'indépendance, mentionné ci-dessus, par une organisation d'employeurs suppose de vérifier que les conditions de son organisation, de son financement et de son fonctionnement permettent d'assurer effectivement la défense des intérêts professionnels qu'elle entend représenter, notamment dans le cadre de la négociation des conventions et accords collectifs. Il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour estimer que ce critère était satisfait par la CNATP, la cour a vérifié ces conditions. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêt serait insuffisamment motivé sur ce point ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L 2152-1 du code du travail : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations professionnelles d'employeurs : / 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ; / 2° Qui disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; / 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent soit au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs de la branche (...). "

5. Il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a relevé, d'une part, que la circonstance que la CNATP ne dispose pas de représentations locales en propre sur l'ensemble du territoire n'est pas de nature à établir l'absence d'implantation territoriale équilibrée au sens de ces dispositions et, d'autre part, que les deux-cent-vingt-et-une entreprises adhérentes de la CNATP sont réparties dans trente-trois départements eux-mêmes répartis au sein de l'ensemble des régions métropolitaines à l'exception de l'Ile-de-France et de la Normandie. En estimant, par suite, que la CNATP dispose d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche en cause, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

6. En troisième lieu, conformément aux dispositions du 5° du I de l'article L. 2151-1 du code du travail cité au point 2, il est tenu compte pour déterminer la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs de l'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience. La circonstance que les actions d'une organisation professionnelle d'employeurs ne concernent pas exclusivement le secteur de la convention collective concernée n'est pas, par elle-même, de nature à l'empêcher de satisfaire ce critère, qui doit donner lieu à une appréciation globale avec l'ancienneté de l'organisation et son audience. Il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la cour a relevé, notamment, que les actions de la CNATP concernant les métiers du paysage s'inscrivent dans la durée, celle-ci participant ainsi régulièrement depuis la fin des années 1990 à des manifestations publiques relatives aux métiers du paysage, élaborant depuis 1998 des guides et contrats types relatifs aux activités du paysage et menant des actions en direction ou en relation avec les pouvoirs publics qui se rapportent, entre autres, aux entreprises du paysage. En estimant, par suite, que la CNATP doit être regardée comme satisfaisant le critère de l'influence, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'UNEP n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'UNEP une somme de 3 000 euros à verser à la CNATP au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de l'Union nationale des entreprises du paysage est rejeté.

Article 2 : L'Union nationale des entreprises du paysage versera à la Chambre nationale de l'artisanat des travaux publics et du paysage une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des entreprises du paysage, à la Chambre nationale de l'artisanat des travaux publics et du paysage et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - SATISFACTION PAR UNE ORGANISATION D'EMPLOYEURS DES CRITÈRES DE REPRÉSENTATIVITÉ (ART - L - 2152-1 DU CODE DU TRAVAIL).

54-08-02-02-01-02 Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur le point de savoir si une organisation d'employeurs remplit chacun des critères prévus à l'article L. 2152-1 du code du travail pour être regardée comme représentative.

TRAVAIL ET EMPLOI - SYNDICATS - REPRÉSENTATIVITÉ - CRITÈRES DE REPRÉSENTATIVITÉ DES ORGANISATIONS D'EMPLOYEURS (ART - L - 2152-1 DU CODE DU TRAVAIL) - 1) CRITÈRE DE L'INFLUENCE [RJ1] - APPRÉCIATION GLOBALE AVEC L'ANCIENNETÉ ET L'AUDIENCE [RJ2] - 2) CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - QUALIFICATION JURIDIQUE.

66-05-01 1) Conformément au 5° du I de l'article L. 2151-1 du code du travail, il est tenu compte pour déterminer la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs de l'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience. La circonstance que les actions d'une organisation professionnelle d'employeurs ne concernent pas exclusivement le secteur de la convention collective concernée n'est pas, par elle-même, de nature à l'empêcher de satisfaire ce critère, qui doit donner lieu à une appréciation globale avec l'ancienneté de l'organisation et son audience.,,,2) Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur le point de savoir si une organisation d'employeurs remplit chacun des critères prévus à l'article L. 2152-1 du code du travail pour être regardée comme représentative.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant du critère de l'indépendance, CE, 2 mars 2011, Syndicat national des entreprises du secteur privé marchand de la filière équestre des loisirs et du tourisme, n° 313189, p. 77 ;

s'agissant des critères de la transparence financière et de l'implantation territoriale équilibrées, CE, 14 novembre 2018, Organisation des transports routiers européens, n° 406007, T. p. 939.,,

[RJ2]

Cf. CE, 30 décembre 2013, Union des syndicats de l'immobilier (UNIS), n° 352901, aux Tables sur un autre point.

Rappr. Cass. soc., 29 février 2012, n° 11-13.748 Bull. 2012, V, n° 83.


Publications
Proposition de citation: CE, 16 avr. 2021, n° 434192
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Yaël Treille
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD ; SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Date de la décision : 16/04/2021
Date de l'import : 05/05/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 434192
Numéro NOR : CETATEXT000043388028 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-04-16;434192 ?
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