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14/04/2021 | FRANCE | N°442859

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 14 avril 2021, 442859


Vu la procédure suivante :

Mme V... AA... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 pour la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Soubès (Hérault). Par une ordonnance n° 2002709 du 17 juillet 2020, le président de la cinquième chambre du tribunal administratif a rejeté sa protestation.

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveau mémoires, enregistrés les 17 août, 2 décembre, 28 décembre et 31 décembre 2020 au secrétariat du co

ntentieux du Conseil d'État, Mme AA... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Mme V... AA... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 pour la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Soubès (Hérault). Par une ordonnance n° 2002709 du 17 juillet 2020, le président de la cinquième chambre du tribunal administratif a rejeté sa protestation.

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveau mémoires, enregistrés les 17 août, 2 décembre, 28 décembre et 31 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme AA... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa protestation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Soubès la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de Mme AA... et à la SCP Colin - Stoclet, avocat de M. C..., de Mme AB..., de M. J..., de Mme G..., de M. X..., de M. Z..., de Mme U..., de Mme E..., de M. O..., de M. K..., de M. AE..., de Mme AD... et de M. L... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 à Soubès, commune de moins de 1 000 habitants située dans le département de l'Hérault, les quinze sièges de conseillers municipaux ont été pourvus. Mme AA..., candidate non élue, relève appel de l'ordonnance du 17 juillet 2020 par laquelle le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa protestation par application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, au motif qu'elle ne comportait qu'un moyen inopérant.

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ".

3. Il résulte de l'instruction qu'au soutien de sa protestation, Mme AA... faisait valoir qu'" aucune procuration n'apparaît sur la liste d'émargements (ni en rouge, ni en noir), contrairement à l'obligation de la circulaire du 9 mars 2020 (page 14 et 15) ", faisant ainsi référence aux dispositions de l'article R. 76 du code électoral aux termes duquel : " A la réception d'une procuration dont la validité n'est pas limitée à un seul scrutin, le maire inscrit sur la liste électorale, à l'encre rouge, à côté du nom du mandant, celui du mandataire. Mention de la procuration est également portée à l'encre rouge à côté du nom du mandataire. / Les indications portées à l'encre rouge sur la liste électorale sont reproduites sur la liste d'émargement. / A la réception d'une procuration valable pour un seul scrutin, le maire porte ces indications sur la liste d'émargement seulement. / Lorsque la liste électorale et la liste d'émargement sont éditées par des moyens informatiques, les mentions prévues aux alinéas précédents peuvent être portées en noir, sous réserve que les caractères utilisés se distinguent avec netteté de ceux qui sont utilisés pour l'édition des autres indications figurant sur la liste ". Un tel grief était opérant, sans qu'il soit besoin que Mme AA... invoque à son appui, en outre, l'existence d'une fraude ou d'une manoeuvre, Mme AA... est ainsi fondée à soutenir que sa protestation a été irrégulièrement rejetée par ordonnance au motif qu'elle ne présentait qu'un moyen inopérant. Par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée.

4. Le délai imparti au tribunal administratif par l'article R. 120 du code électoral pour statuer sur la protestation de Mme AA... étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer immédiatement sur cette protestation.

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 119 du code électoral : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être contresignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture (...) ". Il résulte de l'instruction que Mme AA... a déposé sa protestation à la sous-préfecture de Lodève le 3 juillet 2020 à 17 heures, soit avant l'expiration du délai prévu par les dispositions précitées du code électoral. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir tirée de sa tardiveté doit être écartée.

6. En second lieu, à l'appui de sa protestation, Mme AA... fait valoir qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 76 du code électoral, aucune mention relative à des procurations n'apparaît sur les listes électorales. Contrairement à ce qui est soutenu, ce grief est recevable sans qu'il soit besoin, pour la requérante, de préciser les bureaux de vote concernés dès lors que les opérations électorales se sont déroulées dans un seul bureau de vote, ni les procurations en cause.

7. D'une part, il résulte de l'instruction que la liste d'émargement du deuxième tour du scrutin pour les élections municipales dans la commune de Soubès ne comporte aucune mention relative à des procurations, alors même qu'au moins vingt-huit procurations ont été régulièrement établies en vue de ce même second tour, par des mandants inscrits sur la liste électorale de la commune et pour des mandataires qui le sont aussi.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'aux termes des résultats du deuxième tour du scrutin, le dernier candidat élu, M. R... S..., compte 240 voix, et que les quinze candidats non élus comptent entre 239 et 214 voix, soit entre une et vingt-six voix de moins que celui-ci.

9. Eu égard au nombre d'électeurs ayant utilisé la procédure de vote par procuration et à la circonstance que les irrégularités relevées affectent un nombre de votes supérieur à l'écart de voix séparant le dernier candidat élu des quinze candidats non élus, l'omission de toute mention des procurations sur la liste d'émargement, qui a privé les électeurs de la faculté d'exercer leur contrôle, a été à elle seule de nature à fausser les résultats du scrutin, alors même qu'aurait été présent sur la table de vote un registre de procurations comportant notamment le nom des mandants, des mandataires, la durée de validité des procurations et l'autorité ayant dressé l'acte de procuration.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme AA... est fondée à demander l'annulation du deuxième tour du scrutin des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Soubès.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. La commune de Soubès n'étant pas partie au litige, les conclusions de Mme AA... présentées à son encontre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance n° 2002709 du 17 juillet 2020 du président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Soubès sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme AA... est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme V... AA..., à M. D... Z..., à M. B... C..., à Mme A... AB..., à M. D... J..., à Mme Y... G..., à M. M... X..., à Mme AC... U..., à Mme W... E..., à M. T... O..., à M. I... K..., à M. H... AE..., à Mme Q... P..., à Mme N... AD..., à M. F... L... et à M. R... S....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 442859
Date de la décision : 14/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 avr. 2021, n° 442859
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; CABINET COLIN - STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:442859.20210414
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