Vu les procédures suivantes :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 28 juillet 2017 par laquelle le président de la fédération française de karaté et disciplines associées (FFKDA) a rejeté sa demande de communication de documents et de lui enjoindre de lui adresser, à ses frais sans occultation, les documents sollicités dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1708943 du 27 août 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision attaquée et enjoint au président de la fédération française de karaté et disciplines associées de communiquer à Mme A... les livres comptables relatifs aux comptes arrêtés au 31 août 2016 et adoptés lors de l'assemblée générale du 17 décembre 2016, la balance comptable de l'exercice clos au 31 août 2016, l'ensemble des relevés bancaires associés de tous les comptes correspondant aux comptes 626s et 627s du plan comptable général de 1'exercice clos au 31 août 2016, 1'ensemble des relevés bancaires où apparaissent les opérations effectuées pour le compte du président de la fédération depuis le 1er septembre 2015 jusqu'au 4 avril 2017, le compte de tiers associé aux opérations effectuées par le président de la fédération depuis le 1er septembre 2015 jusqu'au 4 avril 2017, l'ensemble des factures, notes d'honoraires ou documents similaires correspondant aux comptes 622s du plan comptable général au cours de l'exercice clos au 31 août 2016, l'ensemble des baux, contrats ou documents similaires correspondant aux comptes 613s du plan comptable général en cours de validité jusqu'au 4 avril 2017 et les livres d'inventaire depuis le 1er septembre 2012 jusqu'au 4 avril 2017, après occultation des mentions des prénoms et noms des personnes physiques autres que celles ayant fait partie des instances dirigeantes de la fédération, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
1° Sous le n° 435598, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 octobre 2019 et le 28 janvier 2020 au secrétariat du Conseil d'Etat, la fédération française de karaté et disciplines associées demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 440318, par une requête enregistrée le 28 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération française de karaté et disciplines associées demande au Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 27 août 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2°) de mettre la somme de 1 000 euros à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du sport ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la Fédération française de karaté et disciplines associées ;
Considérant ce qui suit :
1. Le pourvoi en cassation et la requête aux fins de sursis à exécution de la fédération française de karaté et disciplines associées sont dirigés contre le même jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a demandé, par un courrier du 31 mars 2017, au président de la fédération française de karaté la communication de divers documents. Après l'avis favorable de la commission d'accès aux documents administratifs du 6 juillet 2017, le président de la fédération n'a communiqué à Mme A... qu'une partie des documents demandés. Le président de la fédération se pourvoit en cassation contre le jugement du 27 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision et lui a enjoint de communiquer à Mme A... les livres comptables relatifs aux comptes arrêtés au 31 août 2016 et adoptés lors de l'assemblée générale du 17 décembre 2016, la balance comptable de l'exercice clos au 31 août 2016, l'ensemble des relevés bancaires associés de tous les comptes correspondant aux comptes 626s et 627s du plan comptable général de 1'exercice clos au 31 août 2016, 1'ensemble des relevés bancaires où apparaissent les opérations effectuées pour le compte du président de la fédération entre le 1er septembre 2015 et le 4 avril 2017, le compte de tiers associé aux opérations effectuées par le président de la fédération du 1er septembre 2015 au 4 avril 2017, l'ensemble des factures, notes d'honoraires ou documents similaires correspondant aux comptes 622s du plan comptable général au cours de l'exercice clos au 31 août 2016, l'ensemble des baux, contrats ou documents similaires correspondant aux comptes 613s du plan comptable général en cours de validité jusqu'au 4 avril 2017 et enfin les livres d'inventaire depuis le 1er septembre 2012 jusqu'au 4 avril 2017, après occultation des mentions des prénoms et noms des personnes physiques autres que celles ayant fait partie des instances dirigeantes de la fédération.
3. L'article L. 300-2 du code du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. (...) ". Selon l'article L. 311-1 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 3002 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". S'agissant des documents détenus par un organisme privé chargé d'une mission de service public, seuls ceux qui présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public constituent des documents administratifs communicables en vertu de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve des dispositions de l'article L. 311-6 de ce code et notamment du respect des secrets protégés par la loi. Si les comptes d'un tel organisme, qui retracent les conditions dans lesquelles celui-ci exerce la mission de service public qui est la sienne, présentent dans leur ensemble, par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs, les pièces comptables qui se rapportent aux dépenses de l'organisme ne constituent des documents administratifs que si et dans la mesure où les opérations qu'elles retracent présentent elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public.
4. Les fédérations sportives ont pour objet, en application des dispositions de l'article L. 131-1 du code du sport, l'organisation de la pratique de disciplines sportives. Selon l'article L. 131-9 du même code : " Les fédérations sportives agréées participent à la mise en oeuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives. (...) ". Aux termes de son article L. 131-14, " Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports ". La fédération française de karaté et disciplines associées qui bénéficie de la délégation prévue par l'article L. 131-14 du code du sport, constitue un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public au sens des dispositions de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration.
5. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ". Revêt un caractère abusif la demande qui a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l'administration ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. Dans les circonstances de l'espèce, en se bornant à relever que la demande de Mme A... n'était pas abusive alors que la fédération requérante se prévalait du nombre et du volume des documents demandés pour soutenir que la demande de communication de documents qui lui avait été adressée était de nature à perturber son fonctionnement, le tribunal administratif n'a pas suffisamment motivé son jugement.
6. En second lieu, s'agissant de la demande de communication des relevés bancaires relatifs aux frais postaux, aux frais de télécommunication et aux frais bancaires, des factures et notes d'honoraires des intermédiaires et des documents relatifs aux baux de la fédération, il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal a déduit le rattachement de ces documents aux missions de service public de la fédération de ce qu'ils étaient relatifs au budget et aux comptes de cette dernière. Toutefois, en ne recherchant pas s'il existait un lien suffisamment direct entre les opérations retracées par les documents demandés et la mission de service public dévolue à la fédération, alors que cette dernière soutenait exercer aussi des activités privées, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le dernier moyen du pourvoi, que la fédération requérante est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. Les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont, par suite, devenues sans objet.
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A..., la somme que la fédération requérante demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 27 août 2019 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 440318 de la fédération française de karaté et disciplines associées tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 27 août 2019.
Article 4 : Les conclusions de la fédération française de karaté et disciplines associées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la fédération française de karaté et disciplines associées et à Mme B... A....