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08/04/2021 | FRANCE | N°448498

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 08 avril 2021, 448498


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct enregistré le 10 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. C... E... demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de modifier le décret d'application de la loi relative à l'aide juridique, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Cons

titution du premier alinéa de l'article 22 de la loi n° 91-647 du 10 ...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct enregistré le 10 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. C... E... demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de modifier le décret d'application de la loi relative à l'aide juridique, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du premier alinéa de l'article 22 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule, son article 34 et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, notamment l'alinéa 1er de l'article 22, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi n°98-1163 du 18 décembre 1998, et l'article 23, dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi n°2015-177 du 16 février 2015 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... F..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

Sur la demande de récusation :

1. Aux termes de l'article L. 721-1 du code de justice administrative : " La récusation d'un membre de la juridiction est prononcée, à la demande d'une partie, s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité ". M. B... D... ne siégeant pas dans la présente instance, les conclusions tendant à sa récusation sont ainsi, en tout état de cause, sans objet.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Le premier alinéa de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose que : " Le président du bureau ou de la section compétente ou, en cas d'absence ou d'empêchement du président, le vice-président peut statuer seul sur les demandes ne présentant manifestement pas de difficulté sérieuse ". A l'appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, M. E... soutient que ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative du législateur, faute de garantir le droit d'être représenté par un avocat, le droit d'accéder à un tribunal indépendant et impartial et le principe d'égalité.

4. En premier lieu, eu égard tant à l'objectif du dispositif d'aide juridictionnelle mis en place par le législateur, destiné à garantir l'effectivité du droit au recours juridictionnel pour les personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice, qu'aux garanties substantielles que ce dispositif leur offre, tenant notamment à ce que les décisions de refus de l'aide juridictionnelle peuvent faire l'objet d'un recours devant le président de la juridiction compétente ou le membre de la juridiction qu'il a délégué pour connaître de l'action envisagée, la seule circonstance que le président du bureau d'aide juridictionnelle, ou, en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, le vice-président, statue seul sur les demandes ne présentant manifestement pas de difficulté sérieuse, ne méconnaît ni le droit à un recours juridictionnel effectif ni le droit à un procès équitable.

5. En deuxième lieu, la décision d'admission ou de refus de l'aide juridictionnelle est une décision d'administration judiciaire qui a pour seul objet d'admettre ou non le requérant au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, le grief tiré de ce que, faute d'avoir prévu la représentation par un avocat dans le cadre de la procédure d'admission à l'aide juridictionnelle, le législateur aurait méconnu le droit d'être assisté par un avocat doit, en tout état de cause, être écarté.

6. En troisième lieu, le grief tiré de ce que les dispositions du premier alinéa de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1991 porteraient atteinte au principe d'égalité n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

7. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a pas lieu, par suite, de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. E... tendant à la récusation de M. B... D....

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. E....

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... E... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 448498
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 avr. 2021, n° 448498
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:448498.20210408
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