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02/04/2021 | FRANCE | N°445626

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 02 avril 2021, 445626


Vu la procédure suivante :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Béchy (Moselle) et de prononcer l'inéligibilité de M. A..., M. E... et Mme B....

Par un jugement n° 2002502 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces opérations électorales.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 octobre 2020 et 19 février 2021 au secrétariat du c

ontentieux du Conseil d'Etat, M. D... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Béchy (Moselle) et de prononcer l'inéligibilité de M. A..., M. E... et Mme B....

Par un jugement n° 2002502 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces opérations électorales.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 octobre 2020 et 19 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de valider l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Béchy ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du premier tour des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Béchy, 14 candidats ont été élus avec un nombre de voix allant de 149 à 163, tandis que M. C... a obtenu 139 voix. Par un jugement du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à la protestation électorale présentée par M. C... et annulé les opérations électorales du premier et du second tour de scrutin.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des dispositions combinées de l'article R. 773-1 du code de justice administrative et des articles R. 119 et R. 120 du code électoral que, par dérogation aux prescriptions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs ne sont pas tenus d'ordonner la communication des mémoires en défense des conseillers municipaux dont l'élection est contestée aux auteurs des protestations, ni des autres mémoires ultérieurement enregistrés et qu'il appartient seulement aux parties, si elles le jugent utile, de prendre connaissance de ces mémoires en défense au greffe du tribunal administratif. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le défaut de communication de plusieurs attestations jointes au troisième mémoire de M. C... produit le 16 juillet 2020 entacherait la procédure d'irrégularité, ces pièces étant au demeurant accessibles sur l'application Télérecours.

Sur la régularité des opérations électorales :

3. Aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ". Aux termes de l'article L. 49 du même code : " A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : 1° Distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents (...) ". Aux termes de l'article R. 48 du même code : " Toutes discussions et toutes délibérations des électeurs sont interdites à l'intérieur des bureaux de vote. "

4. D'une part, il est constant qu'un tract diffamatoire à l'endroit du maire sortant, M. A..., et de plusieurs de ses colistiers a été diffusé dans la commune la veille du scrutin, soit après la fin de la campagne officielle, en méconnaissance des dispositions précitées du code électoral.

5. D'autre part, il résulte de l'instruction que le jour du scrutin a été constatée, durant une partie de la journée, un attroupement devant l'unique bureau de vote de la commune autour de M. A... et de l'un de ses colistiers, qui commentaient le contenu de ce tract devant les électeurs et accusaient M. C... d'en être l'auteur. Il résulte également de l'instruction qu'au sein du bureau de vote, Mme B..., colistière de M. A..., a accusé M. C..., qui assurait alors la présidence du bureau de vote, d'être l'auteur de ce tract et en a fait la lecture devant des électeurs, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 48 du code électoral. De tels faits sont constitutifs de pressions sur les électeurs et ont été de nature, compte tenu du faible écart de voix séparant M. C... de la dernière candidate élue, à fausser les résultats du scrutin.

6. Enfin, si M. A... soutient que les opérations de dépouillement se sont déroulées sans aucune irrégularité, un tel moyen est inopérant dès lors que le tribunal administratif ne s'est pas fondé sur ce motif pour annuler les opérations électorales.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les opérations électorales qui ont eu lieu les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Béchy.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 118-4 du code électoral :

8. Aux termes de l'article L. 118-4 du code électoral : " Saisi d'une contestation formée contre l'élection, le juge de l'élection peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin (...) ". Il résulte de ces dispositions que, régulièrement saisi d'un grief tiré de l'existence de manoeuvres, le juge de l'élection peut, le cas échéant d'office, et après avoir, dans cette hypothèse, recueilli les observations des candidats concernés, prononcer une telle sanction si les manoeuvres constatées présentent un caractère frauduleux, et s'il est établi qu'elles ont été accomplies par les candidats concernés et ont eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin.

9. Si les pressions exercées sur les électeurs à l'entrée et dans le bureau de vote le jour du scrutin ont été constitutives de manoeuvres de nature à altérer la sincérité du scrutin, ces dernières ne présentent, ni par leur nature ni par leur ampleur, un caractère frauduleux au sens et pour l'application de l'article L. 118-4 du code électoral. Par suite, les conclusions tendant à ce que M. A..., M. E... et Mme B... soient déclarés inéligibles sur le fondement des dispositions de cet article ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme sur ce fondement à la charge de M. A....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions tendant à ce que M. A..., M. E... et Mme B... soient déclarés inéligibles, ainsi que celles présentées par M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... A..., à M. D... C..., représentant unique, pour l'ensemble des défendeurs, ainsi qu'au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 445626
Date de la décision : 02/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2021, n° 445626
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mélanie Villiers
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445626.20210402
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