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31/03/2021 | FRANCE | N°447979

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 31 mars 2021, 447979


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 18 décembre 2020 et le 11 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Rassemblement des Opticiens de France demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la lettre du 21 octobre 2020 de la directrice générale des douanes et droits indirects en tant que, d'une part, elle donne de la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer une interprétation selon laquelle l'activité des opticiens est incluse dans le champ de cette imposition et, d'autre part, elle refuse de mo

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 18 décembre 2020 et le 11 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Rassemblement des Opticiens de France demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la lettre du 21 octobre 2020 de la directrice générale des douanes et droits indirects en tant que, d'une part, elle donne de la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer une interprétation selon laquelle l'activité des opticiens est incluse dans le champ de cette imposition et, d'autre part, elle refuse de modifier les termes de la circulaire du 27 décembre 2018 retenant la même interprétation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 ;

- la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 ;

- la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat du Rassemblement des Opticiens de France et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat du ministre de l'économie, des finances et de la relance ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 mars 2021, présentée par le Rassemblement des Opticiens de France.

Considérant ce qui suit :

1. Le Rassemblement des Opticiens de France forme un recours pour excès de pouvoir contre le courrier du 21 octobre 2020 que lui a adressé la directrice générale des douanes et droits indirects par lequel celle-ci, d'une part, donne une interprétation de la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer selon laquelle les activités des opticiens relèvent, au sens de cette loi, d'opérations de fabrication et transformation de biens meubles corporels entrant dans le champ de cette imposition et, d'autre part, refuse d'abroger la circulaire du ministère de l'action et des comptes publics du 27 décembre 2018 relative au régime fiscal de l'octroi de mer en ce qu'elle retient la même interprétation.

2. Aux termes de l'article 2 de la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer : " Sont assujetties à l'octroi de mer les personnes qui exercent de manière indépendante, à titre exclusif ou non exclusif, une activité de production dans une collectivité mentionnée à l'article 1er, lorsque, au titre de l'année civile précédente, leur chiffre d'affaires afférent à cette activité a atteint ou dépassé 300 000 €, quels que soient leur statut juridique et leur situation au regard des autres impôts. / Sont considérées comme des activités de production les opérations de fabrication, de transformation ou de rénovation de biens meubles corporels, ainsi que les opérations agricoles et extractives. (...) ". Le quatrième alinéa de cet article, ajouté par l'article 108 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, précise que : " Une opération de transformation, telle que mentionnée au deuxième alinéa, est caractérisée lorsque le bien transformé se classe, dans la nomenclature figurant à l'annexe I au règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, à une position tarifaire différente de celle des biens mis en oeuvre pour l'obtenir. Ce changement s'apprécie au niveau de nomenclature du système harmonisé dit " SH 4 ", soit les quatre premiers chiffres de la nomenclature combinée ".

3. Il résulte de la lettre même de ces dispositions que toute activité consistant en la création d'un bien à partir d'autres biens qui ne sont pas tous classés, au regard de la nomenclature, prise au niveau dit " SH4 ", qu'elles mentionnent, dans la même catégorie que celui-ci constitue, au sens de la loi sur l'octroi de mer, une activité de production par opération de transformation dont l'exercice donne lieu à assujettissement à cette imposition, indépendamment d'une éventuelle qualification d'opération de fabrication du procédé mis en oeuvre. Le Rassemblement des Opticiens de France ne peut utilement invoquer, à l'appui de sa contestation, l'interprétation donnée par les juridictions de l'article 2 de la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer dans sa version antérieure à sa modification par la loi de finances rectificative pour 2016, selon laquelle de simples manipulations des produits finis ou semi-finis ne pourraient être regardées comme des opérations de fabrication. Est également dépourvue d'incidence la circonstance que les collectivités territoriales affectataires du produit de l'octroi de mer retiendraient de la loi une interprétation différente.

4. Il ressort de la nomenclature figurant à l'annexe I au règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, prise au niveau de ses quatre premiers chiffres, que les montures, les verres et les lunettes correctrices relèvent de positions tarifaires différentes. L'activité consistant à obtenir des lunettes correctrices à partir, d'une part, de montures et, d'autre part, de verres assemblés après avoir été ajustés, a ainsi, alors même qu'elle s'accompagne de la fourniture de conseils à la clientèle qui les acquiert, la nature d'une activité de production au sens de l'article 2 de la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer.

5. Le Rassemblement des Opticiens de France n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la directrice générale des douanes et des droits indirects aurait donné, par le courrier attaqué, une interprétation de la loi relative à l'octroi de mer, en tant qu'elle concerne l'activité des opticiens, qui méconnaît sa portée. Ne peut également qu'être écarté le moyen tiré de ce que la directrice générale des douanes et des droits indirects aurait, sans en avoir la compétence, modifié les règles d'assujettissement à l'octroi de mer, portant ainsi atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

6. Le syndicat requérant n'est, pour les mêmes motifs, pas davantage fondé à soutenir que serait illégale la décision de refus de la directrice générale des douanes et des droits indirects d'abroger la circulaire du ministère de l'action et des comptes publics du 27 décembre 2018 relative au régime fiscal de l'octroi de mer, en tant qu'elle comporterait, pour ce qui concerne l'assujettissement de l'activité des opticiens, une interprétation erronée de la loi fiscale.

7. Il résulte de ce qui précède que le recours du Rassemblement des Opticiens de France doit être rejeté.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Etat au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du Rassemblement des Opticiens de France est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Rassemblement des Opticiens de France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 447979
Date de la décision : 31/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2021, n° 447979
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jonathan Bosredon
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:447979.20210331
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