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31/03/2021 | FRANCE | N°446450

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 31 mars 2021, 446450


Vu la procédure suivante :

Mme H... K... et MM. Chérif A..., Robert E... et Christian F... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de réformer les résultats du second tour des élections municipales dans la commune de Frayssinet (Lot) en tenant compte de deux bulletins écartés comme nuls.

Par un jugement n° 2002998 du 14 octobre 2020, le tribunal administratif, faisant droit à cette protestation, a, d'une part, porté à 121 le nombre de voix obtenues par Mme B..., à 124 le nombre de voix obtenues par M. F..., à 124 le nombre de voix obtenues par M. E... et

à 117 le nombre de voix obtenues par M. A..., et, d'autre part, annulé l'...

Vu la procédure suivante :

Mme H... K... et MM. Chérif A..., Robert E... et Christian F... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de réformer les résultats du second tour des élections municipales dans la commune de Frayssinet (Lot) en tenant compte de deux bulletins écartés comme nuls.

Par un jugement n° 2002998 du 14 octobre 2020, le tribunal administratif, faisant droit à cette protestation, a, d'une part, porté à 121 le nombre de voix obtenues par Mme B..., à 124 le nombre de voix obtenues par M. F..., à 124 le nombre de voix obtenues par M. E... et à 117 le nombre de voix obtenues par M. A..., et, d'autre part, annulé l'élection de Mme J... en qualité de conseillère municipale et proclamé M. A... élu en qualité de conseiller municipal.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 novembre 2020 et 8 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme L... J... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la protestation de Mme K... et de MM. A..., E... et F... ;

3°) de mettre à la charge de Mme K... et de MM. A..., E... et F... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 mars 2021 présentée par Mme J....

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme H... Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Frayssinet (Lot) pour le second tour des élections municipales et qui ont réuni 246 votants, cinq bulletins ont été considérés comme nuls et, par suite, écartés du décompte des voix. Par un courrier daté du 30 juin 2020, Mme K... ainsi que MM. A..., E... et F... ont saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une protestation portant sur deux de ces bulletins, lesquels auraient dû, selon eux, être comptabilisés dans les suffrages exprimés. Mme J... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif, après avoir réintégré ces deux bulletins dans le décompte des voix et rectifié en conséquence le résultat de l'élection, a annulé son élection en qualité de conseillère municipale et proclamé, à sa place, M. A... en qualité de conseiller municipal de la commune.

Sur la recevabilité de la protestation :

2. Aux termes de l'article R. 119 du code électoral : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, sauf lorsqu'elle est consignée au procès-verbal des opérations électorales, la réclamation formée contre l'élection du conseil municipal doit être déposée à la sous-préfecture, à la préfecture ou directement au greffe du tribunal administratif au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection. En l'espèce, le délai de recours contentieux contre les opérations électorales du second tour des élections municipales du 28 juin 2020 expirait le 3 juillet à dix-huit heures.

3. Il résulte de l'instruction que Mme K... et ses colistiers ont saisi le tribunal administratif de Toulouse par un courrier, enregistré le 1er juillet 2020 au greffe de ce tribunal, contestant la mise à l'écart de deux bulletins de vote considérés comme nuls lors des opérations électorales du 28 juin 2020. Ce faisant, ils ont saisi la juridiction administrative selon l'une des voies prévues par les dispositions de l'article R. 119 du code électoral précité et dans le délai imparti par celles-ci. Il suit de là que Mme J... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il était régulièrement saisi d'une protestation, sans incidence étant, à cet égard, la circonstance que la mention par ailleurs portée par Mme K... au procès-verbal des opérations électorales indiquant son intention de contester la mise à l'écart de ces deux bulletins puisse être entachée d'irrégularité.

4. En second lieu, s'il découle des dispositions de l'article R. 119 du code électoral précité qu'un grief formulé après l'expiration du délai de recours qu'elles fixent n'est pas recevable, hormis le cas où il est d'ordre public, elles ne font pas obstacle à ce que l'auteur d'une protestation développe les griefs qu'il a soulevés dans ce délai après l'expiration de celui-ci.

5. Il résulte de l'instruction que, dans leur demande adressée directement au tribunal administratif, Mme K... et ses colistiers ont contesté " deux bulletins de vote qui ont été considérés comme nuls lors des élections municipales du 28 juin 2020 " alors qu'ils " auraient dû être comptabilisés dans les suffrages exprimés, ne comportant pas de signes distinctifs, selon nous ". Si les requérants n'ont précisément identifié les deux bulletins en cause qu'au soutien de leur mémoire en réplique, produit le 11 septembre 2020, c'est néanmoins à bon droit que le tribunal administratif a estimé que, par le courrier qui lui avait été adressé le 1er juillet 2020, il était saisi d'un grief précis mettant expressément en cause la validité des opérations électorales et invitant le juge à en tirer les conséquences.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme J... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait, à tort, jugé recevable la protestation formulée par Mme K... et ses colistiers.

Sur la régularité des opérations électorales :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 66 du code électoral : " Les bulletins ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour des tiers n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. / Mais ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau. / Chacun de ces bulletins annexés doit porter mention des causes de l'annexion. / Si l'annexion n'a pas été faite, cette circonstance n'entraîne l'annulation des opérations qu'autant qu'il est établi qu'elle a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin. "

8. D'autre part, une protestation tendant à l'annulation d'une élection, lorsqu'elle est fondée sur des griefs tirés de la validité des bulletins de vote, saisit le juge de la validité des bulletins qui sont contestés devant lui et de tous ceux des mêmes bureaux qui figurent au dossier ou dont il ordonne le versement au dossier. Il n'appartient pas au juge de procéder, notamment pour d'autres bureaux, à d'autres investigations que celles qu'impliquent les griefs soulevés devant lui dans les délais impartis par la loi aux recours en matière électorale. Au terme de ses vérifications, le juge doit réviser les décomptes des voix et modifier, le cas échéant, les résultats de l'élection.

9. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue des opérations électorales relatives au second tour des élections municipales dans la commune de Frayssinet, deux bulletins de vote, notamment, ont été écartés du décompte des voix au motif qu'ils comportaient des signes distinctifs. Contrairement à ce que le bureau de vote a estimé, ces deux bulletins, qui comportaient une simple éraflure pour le premier et une tache à peine perceptible pour le second, ne pouvaient être déclarés nuls, dès lors que ces traces ne sont pas suffisantes pour être considérées comme des signes de reconnaissance, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges. Par suite, Mme J... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que ces deux bulletins ne pouvaient être exclus du décompte et que, après avoir réintégré ces deux bulletins dans les suffrages exprimés, il a procédé à la rectification des opérations électorales du second tour de scrutin de la commune du Frayssinet.

10 Il résulte de tout ce qui précède que Mme J... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rectifié les opérations électorales du second tour des élections municipales de la commune et annulé son élection en qualité de conseillère municipale et proclamé élu M. A... en qualité de conseiller municipal de la commune de Frayssinet, au bénéfice de l'âge compte tenu de l'égalité de voix obtenues entre ces deux candidats. Par suite, sa requête doit être rejetée.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme K... et de MM. A..., E... et F... qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme J... une somme au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme J... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... et par Mme K... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme L... J..., à M. C... A... à Mme H... K... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à Mme G... B..., à M. I... F..., à M. D... E....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 31 mar. 2021, n° 446450
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Calothy
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SARL DIDIER-PINET

Origine de la décision
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 31/03/2021
Date de l'import : 06/04/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 446450
Numéro NOR : CETATEXT000043316324 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-03-31;446450 ?
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