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31/03/2021 | FRANCE | N°437536

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 31 mars 2021, 437536


Vu les procédures suivantes :

La société à responsabilité limitée (SARL) Briqueterie A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie à raison d'un établissement sis à Albine (Tarn) au titre des années 2015 et 2017.

Par un jugement nos 1605818, 1803980 du 8 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de dégrèvement

s intervenus en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de ...

Vu les procédures suivantes :

La société à responsabilité limitée (SARL) Briqueterie A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie à raison d'un établissement sis à Albine (Tarn) au titre des années 2015 et 2017.

Par un jugement nos 1605818, 1803980 du 8 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de dégrèvements intervenus en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Briqueterie A....

1°, sous le n° 437536 :

Par une ordonnance n° 19BX05036 du 8 janvier 2020, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 20 décembre 2019 au greffe de cette cour, formé par la société Briqueterie A....

Par ce pourvoi, un mémoire complémentaire enregistré le 7 janvier 2020 au greffe de cette cour et un mémoire en réplique enregistré le 13 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Briqueterie A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a statué sur les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie du titre de l'année 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2°, sous le n° 437537 :

Par une ordonnance n° 19BX04957 du 8 janvier 2020, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par la société Briqueterie A..., enregistré le 20 décembre 2019 au greffe de cette cour. Par ce pourvoi et par un mémoire en réplique, enregistré le 13 mars 2020, la société Briqueterie A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a statué sur les cotisations supplémentaires de taxe foncières sur les propriétés bâties mises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la société Briqueterie A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a assujetti la société Briqueterie A..., qui exerce une activité de fabrication de tuiles, briques, terres cuites et émaillages à Albine (Tarn), à des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 2015 et à une imposition primitive au titre de l'année 2017 à raison de bâtiments dont elle est propriétaire et qu'elle utilise dans le cadre de son activité. Cette société se pourvoit en cassation contre le jugement du 8 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à raison de dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le surplus des demandes en décharge qui lui ont été soumises pour chacune de ces années.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, la société soutient que le tribunal administratif aurait omis de répondre aux moyens contenus dans un mémoire produit, dans chacune des instances, le 19 septembre 2019.

4. Toutefois, s'agissant, d'une part, de l'instance relative aux impositions établies au titre de l'année 2015, la clôture de l'instruction est intervenue le 28 mai 2019. Le mémoire enregistré le 19 septembre 2019, postérieurement à cette clôture, ne contenant pas l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la société n'aurait pas été en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction, le tribunal administratif n'était pas tenu de rouvrir l'instruction et a pu régulièrement se borner à le viser, sans l'analyser ni répondre à l'argumentation qu'il contenait.

5. S'agissant, d'autre part, de l'instance relative aux impositions établies au titre de l'année 2017, il ressort des pièces du dossier que la contestation était relative à une imposition primitive, qui n'avait pas été établie à l'issue d'une procédure de rectification. Etaient par suite inopérants les moyens, soulevés par la société dans son mémoire enregistré le 19 septembre 2019, tirés de ce que l'administration aurait omis, en méconnaissance de l'article L. 54 B du livre des procédures fiscales, de lui adresser une proposition de rectification mentionnant qu'elle avait la possibilité de se faire assister du conseil de son choix pour la discuter ou pour y répondre et de ce que les impositions litigieuses auraient été établies en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure de rectification. Par ailleurs, en jugeant, après avoir relevé par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation que la société avait méconnu les obligations de déclaration des constructions nouvelles qui lui incombaient en vertu de l'article 1406 du code général des impôts, que l'administration était fondée à faire application des dispositions de l'article L. 175 du livre des procédures fiscales selon lesquelles, en matière de taxe foncière notamment, les omissions ou les insuffisances d'imposition peuvent être réparées à toute époque lorsqu'elles résultent du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties mentionnées aux articles 1406 et 1502 du code général des impôts, le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que les impositions en litige avaient été établies après l'expiration du délai de reprise de l'administration.

6. En deuxième lieu, il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif a suffisamment répondu aux moyens, tirés, d'une part, de ce que la valeur locative des constructions que la société requérante avait édifiées sur le sol d'autrui ne devait pas être évaluée selon les modalités prévues à l'article 1499 du CGI mais selon celles de l'article 1498, et, d'autre part, de ce que certaines immobilisations avaient été détruites et ne devaient donc plus entrer dans ses bases d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties.

7. En troisième lieu, au regard de l'argumentation dont il était saisi, qui n'était au demeurant opérante que pour ce qui concerne les impositions établies au titre de 2015, le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que les impositions supplémentaires en litige auraient été établies au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des droits de la défense et des garanties légales prévues par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, en jugeant que la circonstance que l'administration utilise, pour procéder à des rehaussements de taxe foncière sur les propriétés bâties, des informations recueillies à l'occasion d'une vérification de comptabilité, n'a pas pour effet de la contraindre à établir les impositions supplémentaires correspondantes selon la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, dont l'article L. 56 du même code exclut l'application pour ce qui concerne les impositions directes perçues au profit des collectivités locales.

8. Enfin, la note en délibéré enregistrée le 27 septembre 2019 ne contenait aucun élément de droit ou de fait dont la société n'aurait pas été en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui aurait été susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Tel n'est notamment pas le cas d'un constat d'huissier établi le 16 septembre 2019 comportant une description des bâtiments de la société conforme à celle figurant déjà au dossier. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit, méconnu son office et méconnu les droits de la défense en ne rouvrant pas l'instruction doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'État (...) ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

10. Pour juger que la valeur locative foncière des locaux en litige devait être déterminée en application de l'article 1499 du code général des impôts, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que l'activité de fabrication de briques, tuiles et terres cuites que la société requérante y exerçait nécessitait d'importants outillages, tels que chariots élévateurs et engins de chantier, afin d'extraire la terre des carrières et de réaliser les divers processus de compression de la matière première, taille, séchage et cuisson des briques. En statuant ainsi, le tribunal administratif n'a, contrairement à ce qui est soutenu par la société requérante, pas dénaturé les pièces du dossier, qui ne comportait aucun élément précis relatif à la part de la production de la société relevant d'une activité d'artisanat et pour laquelle le travail manuel aurait été prépondérant.

11. En deuxième lieu, le tribunal administratif n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis en estimant que, bien que situées sur une parcelle cadastrale distincte et non contiguë de celles sur lesquelles se trouvaient les autres bâtiments, les constructions abritant les bureaux de la société n'étaient pas physiquement distinctes du reste de l'établissement industriel et concourraient à l'activité exercée sur le site. Elle a pu légalement en déduire que leur valeur locative devait être déterminée par application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts.

12. En troisième lieu, aux termes du I de l'article 1400 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 1403 et 1404, toute propriété bâtie ou non bâtie doit être imposée au nom du propriétaire actuel (...) ". Aux termes de l'article 555 du code civil : " Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever (...) ".

13. En application de ces dernières dispositions, l'accession du propriétaire du terrain à la propriété des constructions qui y sont réalisées par son locataire n'intervient, sauf stipulations contraires du bail, qu'à l'expiration de celui-ci. Le tribunal administratif, après avoir relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, d'une part, qu'aux termes du bail conclu en 2010 entre la société et son gérant, M. A..., les constructions édifiées par celle-ci sur le terrain appartenant à ce dernier demeuraient la propriété du preneur jusqu'à l'expiration de ce bail en 2030 et, d'autre part, que ces constructions avaient été inscrites à l'actif immobilisé de la société, a pu en déduire sans erreur de droit que l'administration fiscale avait, à bon droit, inclus la valeur locative des constructions en litige dans l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties de la société.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les pourvois de la société Briqueterie A... doivent être rejetés.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les pourvois de la société Briqueterie A... sont rejetés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Briqueterie A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 437536
Date de la décision : 31/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2021, n° 437536
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:437536.20210331
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