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30/03/2021 | FRANCE | N°442608

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 30 mars 2021, 442608


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme J... A... E... et Mme G... I... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 13 mars 2020 par lequel le Premier ministre a rapporté le décret du 20 juin 2016 en ce qu'il avait accordé la nationalité française à Mme A... E... et mentionnait Mme I... comme bénéficiant de l'effet collectif attaché à cette naturalisation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'articl

e L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le décret ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme J... A... E... et Mme G... I... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 13 mars 2020 par lequel le Premier ministre a rapporté le décret du 20 juin 2016 en ce qu'il avait accordé la nationalité française à Mme A... E... et mentionnait Mme I... comme bénéficiant de l'effet collectif attaché à cette naturalisation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le décret est entaché d'un vice de forme tenant à l'absence de date et de signature ;

- le délai de deux ans imparti par les dispositions de l'article 27-2 du code civil n'a pas été respecté ;

- le décret repose sur une application inexacte de l'article 27-2 du code civil en estimant que Mme A... E... a volontairement bénéficié de la reconnaissance de paternité de son enfant dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ;

- le décret est entaché d'un détournement de procédure dès lors qu'il ne pouvait être fondé que sur le fait que Mme A... E... ne remplissait par les conditions légales nécessaires pour l'obtention de la nationalité française au jour de la demande ;

- le décret porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... E... en ce qu'il la place en situation d'apatridie.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil, dans leur rédaction applicable au présent litige : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai d'un an à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... E..., ressortissante camerounaise, a souscrit le 27 août 2014 une déclaration d'acquisition de la nationalité française dans laquelle elle indiquait être la mère d'un enfant, né le 27 septembre 2004, Brayan E..., de nationalité française en raison de la reconnaissance de paternité de M. B... D..., de nationalité française. Au vu de ses déclarations, l'intéressée a été naturalisée par décret du 20 juin 2016, ainsi que sa fille, Mme I..., à raison de l'effet collectif attaché à cette naturalisation. Toutefois, par courriel reçu le 23 mars 2018, le préfet de police de Paris a informé le ministre chargé des naturalisations de ce que, par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 5 juillet 2016, la reconnaissance de paternité de M. D... envers l'enfant C... E... avait été annulée et que, par un arrêté du 22 mars 2018, il avait procédé au retrait pour fraude des cartes de séjour précédemment délivrées à Mme A... E.... Par décret du 13 mars 2020, le Premier ministre a rapporté le décret du 20 juin 2016 de naturalisation de Mme A... E... au motif qu'il n'avait été pris qu'à raison des manoeuvres frauduleuses de l'intéressée. Mme A... E... et Mme I... demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les ampliations du décret attaqué n'avaient pas à être revêtues de la date et de la signature de leur auteur.

4. En deuxième lieu, le délai de deux ans imparti par l'article 27-2 du code civil pour rapporter le décret de naturalisation a commencé à courir à compter de la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressée a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations. Il ressort des pièces du dossier que les services du ministre chargé des naturalisations n'ont été informés des éléments relatifs à l'annulation de la reconnaissance de paternité de l'enfant C... E... et au retrait des cartes de séjour de Mme A... E... que le 23 mars 2018. Le décret du 13 mars 2020 a ainsi été pris dans le délai de deux ans imparti par les dispositions de l'article 27-2 du code.

5. En troisième lieu, selon les dispositions de l'article 21-27 du code civil, nul ne peut acquérir la nationalité française si " son séjour en France est irrégulier au regard des lois et conventions relatives au séjour des étrangers en France ". Par suite, ainsi que l'énonce le décret attaqué, la circonstance que l'intéressée ait bénéficié d'un titre de séjour en France en tant que parent d'un enfant français sur le fondement d'une déclaration de paternité frauduleuse, était de nature à modifier l'appréciation qui a été portée par l'autorité administrative sur la condition de séjour régulier du séjour prévue à l'article 21-27 du code civil.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, par un jugement du 5 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Paris a fait droit à la requête de M. F... H..., de nationalité camerounaise, tendant à obtenir l'annulation de la reconnaissance de paternité de M. D..., de nationalité française, souscrite au bénéfice de l'enfant C... E.... Par un arrêté du 22 mars 2018, le préfet de police de Paris a retiré pour fraude les décisions délivrant à Mme A... E... des titres de séjour. Il résulte de cette décision, dont il n'est pas soutenu qu'elle a été contestée, que l'intéressée ne remplissait pas la condition de séjour régulier exigée par l'article 21-27 du code civil. Dès lors, en rapportant sa naturalisation, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, le ministre de l'intérieur n'a pas méconnu les dispositions de l'article 27-2 du code civil.

7. En dernier lieu, si Mme A... E... soutient, en invoquant la loi camerounaise, que l'exécution du décret contesté porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, en ce qu'elle aurait perdu la nationalité camerounaise en conséquence du décret du 20 juin 2016 lui ayant conféré la nationalité française, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle aurait effectivement perdu sa nationalité d'origine ou ne pourrait la réintégrer.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... E... et Mme I... ne sont pas fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 13 mars 2020 par lequel le Premier ministre a rapporté le décret du 20 juin 2016. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A... E... et Mme I... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme J... A... E..., Mme G... I... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 442608
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2021, n° 442608
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Stéphanie Vera
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:442608.20210330
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