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19/03/2021 | FRANCE | N°441252

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 19 mars 2021, 441252


Vu la procédure suivante :

Mme D... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de prononcer, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la convention du 26 février 2020 par laquelle la maire de Paris a autorisé M. C... A... à occuper pendant cinq ans un emplacement sur la place du Trocadéro, à Paris (16ème arrondissement), afin d'y exploiter, dans un kiosque fixe, un commerce alimentaire. Par une ordonnance n° 2007001 rendue publique le 2 juin 2020, ce juge a rejeté cette demande.


Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en r...

Vu la procédure suivante :

Mme D... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de prononcer, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la convention du 26 février 2020 par laquelle la maire de Paris a autorisé M. C... A... à occuper pendant cinq ans un emplacement sur la place du Trocadéro, à Paris (16ème arrondissement), afin d'y exploiter, dans un kiosque fixe, un commerce alimentaire. Par une ordonnance n° 2007001 rendue publique le 2 juin 2020, ce juge a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 juin, 2 juillet et 3 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de Mme B... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que, par arrêté du 11 janvier 2018, la maire de Paris avait autorisé Mme B... à occuper du 1er janvier au 30 novembre 2018 une parcelle du domaine public communal située dans le 16ème arrondissement, en vue d'exploiter une activité de vente de produits alimentaires et de boissons non alcoolisées. En avril 2018, la Ville de Paris a lancé un appel à propositions portant notamment sur l'attribution de l'emplacement occupé par Mme B.... Par un courrier du 23 novembre 2018, la Ville de Paris a informé cette dernière, qui s'était portée candidate pour l'attribution de cet emplacement, que son offre n'avait pas été retenue. Sollicitée par Mme B... quant aux motifs du rejet de son offre, la Ville de Paris lui a indiqué, par une lettre du 26 décembre 2018, que son offre était moins diversifiée et de moins bonne qualité que celle du candidat retenu, M. C... A..., et qu'elle avait été classée en 5ème position parmi les 13 candidatures reçues. Saisie par la Ville de Paris d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, par une ordonnance n° 1907634 du 27 août 2019, enjoint à Mme B... d'évacuer sans délai cet emplacement et, à défaut d'exécution immédiate, autorisé la Ville de Paris à faire évacuer l'emplacement litigieux aux frais et risques de l'intéressée. Le 26 février 2020, la Ville de Paris a signé une convention temporaire d'occupation du domaine public avec M. A... pour une durée de 5 ans à compter de sa date d'installation. Dans la présente instance, Mme B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance, rendue publique le 2 juin 2020, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de cette convention.

2. Aux termes de l'article R. 742-2 du code de justice administrative : " Les ordonnances mentionnent le nom des parties, l'analyse des conclusions ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elles font application. / Elles font apparaître la date à laquelle elles ont été signées. (...) "

3. Si l'ordonnance attaquée indique qu'elle a été " rendue publique par mise à disposition au greffe le 2 juin 2020 ", elle ne fait, en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus, pas apparaitre la date à laquelle elle a été signée par le juge des référés du tribunal administratif de Paris. Il en résulte que cette ordonnance est entachée d'une irrégularité qui en justifie l'annulation, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mme B....

5. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (...) "

6. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.

7. Il résulte de l'instruction que la suspension de la convention d'occupation temporaire du domaine public conclue par la Ville de Paris le 26 février 2020 avec M. A... ne pourrait avoir pour effet d'autoriser la requérante à occuper régulièrement la parcelle litigieuse. Par ailleurs, cette dernière, qui occupe l'emplacement litigieux sans droit ni titre depuis le 28 février 2019, conserve la possibilité d'exercer son activité ailleurs et n'a jamais donné suite aux propositions de la Ville de Paris de lui permettre d'exercer son activité sur un autre emplacement. Enfin, la poursuite de son exploitation se ferait au détriment de M. A... et il n'est pas établi, contrairement à ce qui est soutenu, que le montant de la redevance acquittée par ce dernier traduise l'existence d'une libéralité de la Ville de Paris envers l'intéressé. Dans ces conditions, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme satisfaite.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de la convention conclue le 26 février 2020 entre la Ville de Paris et M. A.... Les conclusions présentées par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris rendue publique le 2 juin 2020 est annulée.

Article 2 : La demande de Mme D... B....

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme D... B... et à la Ville de Paris.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 441252
Date de la décision : 19/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mar. 2021, n° 441252
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassagnabère
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:441252.20210319
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