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05/03/2021 | FRANCE | N°445561

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 05 mars 2021, 445561


Vu la procédure suivante :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les opérations électorales qui se sont tenues le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Schnersheim (Bas-Rhin).

Par un jugement n° 2002246 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa protestation.

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 octobre et 23 novembre 2020 et le 2 février 2021 au secrétariat du contentieux du Cons

eil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°...

Vu la procédure suivante :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les opérations électorales qui se sont tenues le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Schnersheim (Bas-Rhin).

Par un jugement n° 2002246 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa protestation.

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 octobre et 23 novembre 2020 et le 2 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les opérations électorales ;

3°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- la décision n° 2020-849 QPC du Conseil constitutionnel du 17 juin 2020 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament, Robillot, avocat de M. A... et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de Mme D... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 février 2021, présentée par M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du premier tour des élections municipales et communautaires de la commune de Schnersheim (Bas-Rhin) qui s'est déroulé le 15 mars 2020, la liste " Trois identités, une même force ", conduite par Mme D..., a obtenu 409 voix (50,18 % des suffrages exprimés). Cette liste ayant obtenu une voix de plus que la majorité absolue, 15 des 19 sièges que compte le conseil municipal de cette commune lui ont été attribués, en application des dispositions de l'article L. 262 du code électoral. Quatre candidats figurant sur la liste " Trois villages une ambition ", conduite par M. A..., qui a obtenu 406 voix (49,81 % des suffrages exprimés), ont également été élus conseillers municipaux. Par un jugement du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la protestation par laquelle M. A... demandait l'annulation des opérations électorales du 15 mars 2020.

2 En premier lieu, l'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Dans ce contexte, le Premier ministre a adressé à l'ensemble des maires le 7 mars 2020 une lettre présentant les mesures destinées à assurer le bon déroulement des élections municipales et communautaires prévues les 15 et 22 mars 2020. Ces mesures ont été précisées par une circulaire du ministre de l'intérieur du 9 mars 2020 relative à l'organisation des élections municipales des 15 et 22 mars 2020 en situation d'épidémie de coronavirus covid-19, formulant des recommandations relatives à l'aménagement des bureaux de vote et au respect des consignes sanitaires, et par une instruction de ce ministre, du même jour, destinée à faciliter l'exercice du droit de vote par procuration. Après consultation par le Gouvernement du conseil scientifique mis en place pour lui donner les informations scientifiques utiles à l'adoption des mesures nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19, les 12 et 14 mars 2020, le premier tour des élections municipales a eu lieu comme prévu le 15 mars 2020. A l'issue du scrutin, les conseils municipaux ont été intégralement renouvelés dans 30 143 communes ou secteurs. Le taux d'abstention a atteint 55,34 % des inscrits, contre 36,45 % au premier tour des élections municipales de 2014.

3. Au vu de la situation sanitaire, l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a reporté le second tour des élections, initialement fixé au 22 mars 2020, au plus tard en juin 2020 et prévu que : " Dans tous les cas, l'élection régulière des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d'arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise, conformément à l'article 3 de la Constitution ". Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de valider rétroactivement les opérations électorales du premier tour ayant donné lieu à l'attribution de sièges et ne font ainsi pas obstacle à ce que ces opérations soient contestées devant le juge de l'élection.

4. Aux termes de l'article L. 262 du code électoral, applicable aux communes de mille habitants et plus : " Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu'il y a plus de quatre sièges à pourvoir et à l'entier inférieur lorsqu'il y a moins de quatre sièges à pourvoir. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa ci-après. / Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un deuxième tour (...) ".

5. Ni par ces dispositions, ni par celles de la loi du 23 mars 2020 le législateur n'a subordonné à un taux de participation minimal la répartition des sièges au conseil municipal à l'issue du premier tour de scrutin dans les communes de mille habitants et plus, lorsqu'une liste a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés. Le niveau de l'abstention n'est ainsi, par lui-même, pas de nature à remettre en cause les résultats du scrutin, s'il n'a pas altéré, dans les circonstances de l'espèce, sa sincérité.

6. Si M. A... fait valoir que de telles circonstances existent en l'espèce, dès lors que certains électeurs qui lui étaient favorables ont renoncé à voter par crainte de l'épidémie de coronavirus, ou parce qu'ils ont été eux-mêmes atteints par le covid-19, et qu'ils ont produit des attestations en ce sens, ces témoignages ne peuvent, eu égard au caractère secret du scrutin, établir que la liste " Trois villages une ambition " aurait été particulièrement affectée par les conséquences de la pandémie de coronavirus sur l'expression des électeurs. La circonstance que Mme D... n'ait pas produit d'attestations d'électeurs alléguant n'avoir pu voter pour la liste qu'elle conduisait est sans incidence et n'est, en particulier, pas de nature à renverser la charge de la preuve. Dans ces conditions, et alors au surplus que le taux d'abstention pour les élections municipales et communautaires dans la commune de Schnersheim a diminué entre 2014 et 2020, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de certains électeurs de ne pas voter en raison du contexte épidémique aurait affecté la sincérité du scrutin.

7. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que des membres ou sympathisants de la liste " Trois identités, une même force " auraient échangé avec des électeurs à l'entrée des bureaux de vote, mais seulement que le conjoint d'une candidate discutait avec d'autres habitants près du bureau de Schnersheim, le jour du vote, en fin d'après-midi. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que les colistiers et sympathisants de cette liste auraient été présents en surnombre dans les bureaux de vote de Schnersheim et d'Avenheim, mais uniquement, d'une part, que des membres de cette liste ont occupé les fonctions de président et d'assesseur de ces bureaux en application des dispositions des articles R. 43 et R. 44 du code électoral et, d'autre part, qu'une colistière de Mme D... était présente dans le bureau de vote d'Avenheim en fin de journée, sans toutefois qu'aucune pression sur les électeurs ne lui soit imputée. Enfin, s'il ressort des témoignages produits par M. A... que les présidentes des bureaux de vote de Schnersheim et Avenheim, respectivement sympathisante et tête de cette liste, ont accueilli les électeurs à l'entrée du bureau, il résulte de l'instruction que les démarches des présidentes des bureaux de vote visaient à garantir les conditions sanitaires d'accueil des électeurs. Par suite de telles circonstances, qui ne sont pas constitutives de manoeuvres, n'ont pas été de nature à affecter la sincérité du scrutin.

8. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 445561
Date de la décision : 05/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mar. 2021, n° 445561
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexis Goin
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445561.20210305
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