La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2021 | FRANCE | N°445488

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 15 février 2021, 445488


Vu la procédure suivante :

La société Omega + a demandé au tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du contrat conclu le 20 août 2020 entre la commune de Toulon et la société Arts et Loisirs Gestion relatif à l'exploitation de la salle de spectacles du Zenith.

Par une ordonnance n° 2002464 du 5 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a suspendu l'exécution de ce contrat.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire

en réplique enregistrés les 20 octobre et 4 novembre 2020 et le 28 janvier 2021 au...

Vu la procédure suivante :

La société Omega + a demandé au tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du contrat conclu le 20 août 2020 entre la commune de Toulon et la société Arts et Loisirs Gestion relatif à l'exploitation de la salle de spectacles du Zenith.

Par une ordonnance n° 2002464 du 5 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a suspendu l'exécution de ce contrat.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 20 octobre et 4 novembre 2020 et le 28 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Toulon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Omega + ;

3°) de mettre à la charge de la société Omega + la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Guillarme, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme B... A..., rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Toulon, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Omega + et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Art et Loisirs Gestion ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulon que, par un contrat conclu le 20 août 2020, la commune de Toulon a concédé à la société Arts et Loisirs Gestion (ALG) l'exploitation de la salle de spectacles du Zénith de Toulon pour une durée de cinq ans. Par une ordonnance du 5 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative par la société Omega +, candidate évincée à l'attribution de ce contrat, a suspendu l'exécution de celui-ci. La commune de Toulon et la société ALG, dont le " mémoire en intervention en demande " doit être regardé comme un pourvoi en cassation dès lors qu'elle avait la qualité de partie en première instance, demandent l'annulation de cette ordonnance.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Lorsque le tribunal administratif est saisi d'une demande contestant la validité d'un contrat, le juge des référés peut être saisi, sur ce fondement, d'une demande tendant à la suspension de son exécution, qu'il peut ordonner lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de ce contrat et à conduire à la cessation de son exécution ou à son annulation, eu égard aux intérêts en présence.

3. En premier lieu, d'une part, la seule circonstance que la société évincée n'avait qu'une chance de se voir attribuer le contrat ne faisait pas, par elle-même, obstacle à ce que l'attribution de celui-ci à une autre société fût regardée comme portant une atteinte grave et immédiate à ses intérêts. La commune de Toulon n'est donc pas fondée à soutenir que le juge des référés, dont l'ordonnance est suffisamment motivée et n'est entachée d'aucune contradiction de motifs, aurait commis une erreur de droit sur ce point. D'autre part, en constatant qu'il ressortait des pièces du dossier que le chiffre d'affaires de la société Omega + était intégralement assuré par l'exploitation des salles de spectacles dont elle assurait précédemment la gestion et que son avenir à court terme était fragilisé par la perte de ce contrat et en en déduisant que l'attribution du contrat litigieux à une autre société portait une atteinte grave et immédiate à ses intérêts, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas dénaturé les pièces du dossier.

4. En deuxième lieu, le juge des référés, dont l'ordonnance est suffisamment motivée, a souverainement constaté, sans dénaturation des pièces du dossier, qu'il résultait de l'instruction et non, comme le soutient la commune requérante, du seul rapport d'analyse des offres, que la commune avait accordé une part prépondérante, parmi les éléments d'appréciation des offres au regard du critère relatif aux " conditions économiques et financières ", à l'estimation du montant du chiffre d'affaires pendant toute la durée de la délégation et que cet élément d'appréciation reposait sur les seules déclarations des candidats, sans engagement contractuel de leur part et sans possibilité pour la commune d'en contrôler l'exactitude. Il a pu, sans commettre d'erreur de droit, en déduire qu'était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la validité du contrat le moyen tiré de ce que la commune avait, ce faisant, manqué à ses obligations de transparence et de mise en concurrence.

5. En troisième lieu, le juge des référés, dont l'ordonnance est suffisamment motivée, n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier ni commis d'erreur de droit en relevant que l'appréciation de la rentabilité de chaque offre était partiellement conditionnée par le régime fiscal applicable à la subvention que la commune était susceptible d'accorder au futur délégataire et en estimant que l'imprécision des informations fournies par la commune sur ce point avait contribué à fausser l'évaluation des offres sur le critère relatif aux " conditions économiques et financières " et à créer une rupture d'égalité entre les candidats.

6. En quatrième lieu, en jugeant que deux des moyens étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du contrat, le juge des référés les a implicitement mais nécessairement regardés comme opérants. La commune de Toulon n'est donc pas fondée à soutenir qu'il aurait irrégulièrement omis de se prononcer sur ce point.

7. En cinquième lieu, le juge des référés n'a pas entaché son ordonnance d'irrégularité en ne répondant pas au moyen tiré de ce que l'irrégularité de l'offre de la société Omega + faisait obstacle à ce qu'elle soulève des moyens relatifs à la régularité de la procédure d'attribution du contrat, qui était inopérant.

8. En sixième et dernier lieu, le juge des référés a pu, sans dénaturer les pièces du dossier, estimer qu'aucun motif d'intérêt général ne s'opposait à ce qu'il prononce la suspension de l'exécution du contrat litigieux.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la commune de Toulon et de la société ALG doivent être rejetés, y compris leurs conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Toulon la somme de 3 000 euros à verser à la société Oméga +, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les pourvois de la commune de Toulon et de la société Arts et Loisirs Gestion sont rejetés.

Article 2 : La commune de Toulon versera à la société Omega + une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Toulon et à la société Omega +.

Copie en sera adressée à la société Arts et Loisirs Gestion.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 445488
Date de la décision : 15/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2021, n° 445488
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Guillarme
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445488.20210215
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award