Vu la procédure suivante :
M. B... A... et le groupement foncier agricole (GFA) Domaine de Calon ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté interministériel du 29 octobre 2012 portant homologation du classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ", d'annuler cet arrêté, en tant que le Château Corbin Michotte ne figure pas dans la liste établissant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ", d'ordonner à l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) ou à l'Etat de produire différentes pièces et échantillons relatifs à l'organisation et au déroulement des opérations de classement.
Par un jugement n° 1300016 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n° 16BX00657 du 12 avril 2019, la cour administrative de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A... et le GFA Domaine de Calon contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 juin et le 10 juillet 2019 et le 28 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... et le GFA Domaine de Calon demandent au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 2011-1779 du 5 décembre 2011 ;
- l'arrêté du 6 juin 2011 relatif au règlement concernant le classement des " premiers grands crus classés " et des " grands crus classés " de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru " ;
- le code de justice administrative et de décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat du groupement foncier agricole (GFA) Domaine de Calon et de M. A..., à la SARL Didier, Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat du Conseil des vins de Saint-Emilion (CVSE) ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 janvier 2021, présentée par le Conseil des vins de Saint-Emilion ;
Considérant ce qui suit :
1. Le Conseil des vins de Saint-Emilion a intérêt au maintien de la décision attaquée. Son intervention, régulièrement présentée, est, dès lors, recevable.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A..., gérant de l'exploitation Château Corbin Michotte, et le GFA Domaine de Calon, propriétaire de cette exploitation, ont déposé auprès de l'INAO un dossier de candidature afin de bénéficier de la mention " grand cru classé " de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ". A l'issue d'un premier examen de leur candidature par la commission de classement des crus classés de l'appellation, l'INAO les a informés, le 7 juin 2012, que celle-ci n'avait pas été retenue. M. A... et le GFA Domaine de Calon, ont sollicité, le 14 juin 2012, un nouvel examen de leur dossier de candidature. A l'issue de ce second examen, la commission de classement a de nouveau écarté leur candidature et a proposé au comité national de l'INAO, le 5 septembre 2012, une liste de soixante-quatre crus admis à la mention " grand cru classé ", sur laquelle ne figurait pas Château Corbin Michotte. Après son approbation par le comité national de l'INAO, cette liste a été homologuée par un arrêté du 29 octobre 2012 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation et du ministre de l'économie et des finances. M. A... et GFA Domaine de Calon ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté et d'ordonner à l'INAO ou à l'Etat de produire des pièces et échantillons relatifs à l'organisation et au déroulement des opérations de classement. Par un jugement du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. M. A... et le GFA Domaine de Calon se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 12 avril 2019 de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre ce jugement.
3. Aux termes de l'article XII du cahier des charges annexé au décret du 5 décembre 2011 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru " : " L'utilisation des mentions " grand cru classé " ou " premier grand cru classé " est réservée aux exploitations viticoles ayant fait l'objet d'un classement officiel homologué par arrêté conjoint du ministre de l'agriculture et du ministre chargé de la consommation, sur proposition de l'Institut national de l'origine et de la qualité (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 6 juin 2011 relatif au règlement concernant le classement des " premiers grands crus classés " et des " grands crus classés " de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru " : " Une commission de sept membres dite " commission de classement des crus classés de l'appellation Saint-Emilion grand cru " est nommée par le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux-de-vie de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), ou par délégation par sa commission permanente. Les membres composant cette commission sont soit des membres du comité national, soit des personnalités extérieures choisies en fonction de leur compétence. Cette commission est chargée d'organiser les travaux liés au classement et de proposer au comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux-de-vie la liste des grands crus classés et des premiers grands crus classés en vue de son approbation par ledit comité, et avant homologation par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de la consommation (...) ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Les critères et pondérations retenus par la commission pour fixer la note des candidats sont les suivants : (...) Pour la mention " grand cru classé " : 1. Niveau de qualité et constance des vins appréciés par dégustation des échantillons (50 % de la note finale) ; 2. Notoriété appréciée au regard de la valorisation nationale ou internationale du vin de l'exploitation, de la mise en valeur du site, de la promotion et des modes de distribution (20 % de la note finale) ; 3. Caractérisation de l'exploitation appréciée à partir de l'assiette foncière, de l'homogénéité de ou des entités culturales et de l'analyse topographique et géo-pédologique (20 % de la note finale) ; 4. Conduite de l'exploitation tant sur le plan viticole que sur celui de l'oenologie appréciée en tenant compte de l'encépagement, de la structuration et de la conduite du vignoble, de la traçabilité parcellaire en vinification et des conditions de vinification et d'élevage (10 % de la note finale) ; Tout candidat dont la note finale est supérieure ou égale à 14 sur 20 est proposé au classement " grand cru classé (...) ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " Les propositions de la commission de classement visée à l'article 2 sont adressées aux candidats par les services de l'INAO. Les candidats disposent d'un délai de quinze jours à compter de la notification pour solliciter un nouvel examen de leur dossier, sans toutefois que les vins ne soient dégustés une nouvelle fois. Ils peuvent, à leur demande, être entendus par la commission. / La commission de classement statue dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la réception de la demande de réexamen. / Les propositions finales de la commission de classement sont soumises au comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux-de-vie, en vue de leur approbation. / La liste des grands crus classés et des premiers grands crus classés approuvée par ledit comité est transmise aux ministres chargés de l'agriculture et de la consommation en vue de son homologation par arrêté ". Il résulte de ces dispositions que les décisions relatives aux demandes de classement, qui sont des décisions individuelles, sont prises par la commission, le cas échéant après réexamen, lorsqu'il n'est pas fait droit aux demandes des candidats, et par l'arrêté du ministre de l'agriculture et du ministre chargé de la consommation homologuant la liste définitive approuvée par le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des eaux-de-vie de l'INAO, pour les candidats retenus. Le délai de recours contre ces décisions court, pour un demandeur qui conteste la décision rejetant sa candidature, à compter de la notification de la décision de la commission et, pour les tiers qui contestent des décisions de classement, à compter de la publication de l'arrêté d'homologation.
4. Pour faire droit aux fins de non-recevoir soulevées devant elle par l'INAO, la cour a jugé, d'une part, que les conclusions présentées par les requérants dans leur requête introductive d'instance enregistrée le 4 janvier 2013 au greffe du le tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2012 étaient irrecevables, dès lors que cet arrêté ne comprenait que les décisions individuelles figurant sur la liste homologuée des crus classés de l'appellation d'origine contrôle " Saint-Emilion grand cru ", contre lesquelles ils ne justifiaient d'aucun intérêt à agir et, d'autre part, que leurs conclusions, présentées devant le même tribunal administratif dans un mémoire du 8 février 2013, tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2012 en tant que le Château Corbin Michotte ne figurait pas dans le classement homologué des crus de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru " étaient tardives, dès lors qu'elles étaient distinctes de leurs conclusions initiales et avaient été présentées plus de deux mois après la publication de cet arrêté. Toutefois, il ressort des pièces de la procédure devant la cour que, eu égard aux moyens qu'ils soulevaient, les requérants devaient être regardés comme contestant le refus de retenir leur candidature et que leurs conclusions devaient être regardées comme dirigées contre la décision de la commission du 5 septembre 2012. Dès lors, en jugeant leur requête devant le tribunal administratif tardive, sans rechercher à quelle date cette décision leur avait été, le cas échéant, notifiée, la cour a commis une erreur de droit. M. A... et le GFA Domaine de Calon sont fondés, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de leur pourvoi, à demander l'annulation, dans cette mesure, de l'arrêt attaqué.
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat ni de INAO la somme que demandent M. A... et le GFA Domaine de Calon au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention du Conseil des vins de Saint-Emilion est admise.
Article 2 : L'arrêt du 12 avril 2019 de la cour administrative de Bordeaux est annulé en tant qu'il juge irrecevables les conclusions présentées par M. A... et le GFA Domaine de Calon tendant à l'annulation de la décision refusant le classement de leur exploitation aux fins d'être autorisée à utiliser la mention " grand cru classé ".
Article 3 : L'affaire est, dans la mesure de l'annulation ainsi prononcée, renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... et le GFA Domaine de Calon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au groupement foncier agricole (GFA) Domaine de Calon, au ministre de l'économie des finances et de la relance, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à l'Institut national de l'origine et de la qualité et au Conseil des vins de Saint-Emilion.