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11/02/2021 | FRANCE | N°444972

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 11 février 2021, 444972


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 30 septembre, le 30 novembre 2020 et le 13 janvier 2021, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,

M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du

30 juillet 2020 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités de la République de Corée.

Il soutient que :

- le décret attaqué est entaché d'un vice de forme en ce qu'il ne comporte ni la signature du Premier ministre, ni celle du garde des sc

eaux, ministre de la justice ;

- en cas d'exécution de ce décret, les conditions dans lesqu...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 30 septembre, le 30 novembre 2020 et le 13 janvier 2021, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,

M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du

30 juillet 2020 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités de la République de Corée.

Il soutient que :

- le décret attaqué est entaché d'un vice de forme en ce qu'il ne comporte ni la signature du Premier ministre, ni celle du garde des sceaux, ministre de la justice ;

- en cas d'exécution de ce décret, les conditions dans lesquelles il viendrait à être détenu et jugé ne pourraient, compte tenu de divers problèmes structurels auxquels le système judiciaire sud-coréen est confronté, que méconnaître ses droits à ne pas être détenu arbitrairement et à bénéficier d'une procédure impartiale et équitable, à la présomption d'innocence et ses droits de la défense, garantis notamment par les stipulations des articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

fondamentales ;

- sa remise aux autorités sud-coréennes porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- son incarcération probable méconnaîtrait, compte tenu des conditions de détention en Corée du Sud et des risques liées à la pandémie de Covid-19, l'interdiction des peines et traitements inhumains et dégradants, énoncée notamment par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son droit au respect de son intégrité physique et mentale, garanti par l'article 3 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que les stipulations de l'article 5(f) de la convention d'extradition entre la France et la République de Corée, aux termes desquelles l'extradition peut être refusée si la remise de la personne réclamée est susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé ;

- le décret attaqué méconnaît l'article 18 de la convention européenne d'extradition et le principe qu'exprime en particulier l'article 716-4 du code de procédure pénale selon lequel le temps passé sous écrou extraditionnel doit être déduit de la peine prononcée, compte tenu de la faculté pour le juge coréen de ne pas prendre en compte cette détention.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

- le pacte international sur les droits civiles et politiques ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du

18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme C... D..., rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Par le décret attaqué du 30 juillet 2020, le Premier ministre a accordé aux autorités de la République de Corée l'extradition de M. A... B..., ressortissant néerlandais, sur le fondement d'un mandat d'arrêt décerné le 18 juillet par un juge du tribunal du district sud de Séoul pour des faits qualifiés d'escroquerie.

Sur la légalité externe :

2. Il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par le secrétaire général du Gouvernement, que, contrairement à ce qui est soutenu, le décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice. L'ampliation notifiée à l'intéressé n'avait pas à être revêtue de ces signatures.

Sur la légalité interne :

3. En application de son article 28, la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 s'est substituée, en ce qui concerne les rapports entre la France et la République de Corée, à la suite de l'adhésion de la République de Corée à cette convention le 29 septembre 2011 et de son entrée en vigueur à l'égard de la République de Corée le 29 décembre 2011, à la convention entre la République française et la République de Corée relative à l'extradition du 6 juin 2006. L'appréciation de la légalité du décret attaqué ne peut donc être faite au regard des stipulations de cette convention bilatérale ayant cessé de produire effet, mais doit l'être au regard de celles de la convention européenne d'extradition.

4. En premier lieu, si M. B... soutient qu'en cas d'exécution du décret attaqué, les conditions dans lesquelles il viendrait à être détenu et jugé ne pourraient que méconnaître ses droits à ne pas être détenu arbitrairement et à bénéficier d'une procédure impartiale et équitable, à la présomption d'innocence ainsi que ses droits de la défense, garantis notamment par les articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ses allégations ne se fondent en tout état de cause que sur des éléments de portée générale sur divers problèmes structurels auxquels le système judiciaire sud-coréen serait confronté, sans que soient apportés des éléments circonstanciés de nature à établir qu'il risquerait d'être personnellement privé de ces droits. Il ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 et 10 de la déclaration universelle des droits de l'homme, qui n'est pas entrée en vigueur en France.

5. En deuxième lieu, si une décision d'extradition est susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition qui est de permettre dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées à l'étranger pour de tels crimes ou délits. En l'espèce, la circonstance que l'intéressé déclare être domicilié en France et y exercer une activité professionnelle n'est pas de nature à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'exécution de son extradition. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, si M. B... fait valoir que, en cas d'extradition, son incarcération probable méconnaîtrait, compte tenu des conditions de détention en Corée du Sud et des risques liées à la pandémie de Covid-19, l'interdiction des peines et traitements inhumains et dégradants, énoncée notamment par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit au respect de son intégrité physique et mentale, garanti par l'article 3 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il n'apporte en tout état de cause aucun élément de nature à établir que son état de santé ferait obstacle à son extradition ni que d'autres circonstances particulières l'exposeraient à de telles atteintes.

7. En dernier lieu, la prise en compte ultérieure, le cas échéant, par les autorités compétentes de la République de Corée, de la durée de son placement, en France, sous écrou extraditionnel relève exclusivement desdites autorités, dans le silence de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, et en l'absence d'une règle ou d'un principe qui l'imposerait.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 30 juillet 2020 accordant son extradition aux autorités de la République de Corée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 444972
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 fév. 2021, n° 444972
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Mathieu
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:444972.20210211
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