M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 29 août 2017 par laquelle le service des retraites de l'Etat a refusé de réviser sa pension de retraite et la décision du 4 octobre 2017 par laquelle il a rejeté son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre au même service de procéder au réexamen de son dossier.
Par un jugement n° 1704548 du 21 janvier 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi, enregistré le 19 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... s'est vu concéder, par des arrêtés des 8 et 29 octobre 2012, une pension militaire de retraite liquidée sur la base du 8ème échelon du grade d'adjudant-chef de la gendarmerie. L'intéressé a conclu le 19 décembre 2012 un engagement à servir dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie jusqu'au 30 novembre 2017. Par une décision du 20 octobre 2015, M. C... a été promu au grade de major de réserve à compter du 1er décembre 2015. Par une décision du 29 août 2017, le service des retraites de l'Etat a rejeté la demande de M. C... tendant à obtenir la révision de sa pension de retraite au titre de ce changement de grade. Par une décision du 4 octobre 2017, il a rejeté le recours gracieux de M. C... contre la décision du 29 août précédent. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 janvier 2020 qui, saisi par M. C..., a annulé les deux décisions précitées et enjoint à l'administration de procéder à la révision de pension sollicitée.
2. Aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Aux fins de liquidation de la pension, le montant de celle-ci est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 13 par le traitement ou la solde soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite (...) ".
3. Par ailleurs, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 79 du même code : " Les militaires autorisés à contracter un engagement voient suspendre pendant la durée de ce dernier la pension dont ils pourraient être titulaires. Elle est éventuellement révisée au moment de la radiation définitive des contrôles, compte tenu des nouveaux services accomplis ". Aux termes de l'article L. 80 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 79, le versement de la pension des retraités militaires présents sous les drapeaux en temps de paix pour une durée continue, égale ou supérieure à un mois, est suspendu pendant toute la durée de cette présence. / Les services accomplis par les militaires de réserve rappelés ou maintenus en activité en vertu des articles 76 (2e alinéa), 77, 82 (2e alinéa), à l'exception du cas de convocation pour les périodes d'exercice et 84 (4e alinéa) du code du service national entrent en compte pour la constitution des droits à pension et la liquidation de celle-ci. Pour les retraités militaires, la pension déjà acquise est éventuellement révisée pour tenir compte des nouveaux services lorsque ceux-ci ont une durée continue, égale ou supérieure à un mois ". Il résulte de ces dernières dispositions que les retraités militaires qui ont contracté un engagement de servir dans la réserve opérationnelle peuvent demander, avant le terme de cet engagement, une révision de leur pension déjà acquise lorsque leurs services dans la réserve ont une durée continue égale ou supérieure à un mois. Ils peuvent, lors de cette révision, demander la prise en compte de l'indice afférent au nouveau grade qu'ils ont atteint dans la réserve à condition d'avoir accompli au moins six mois de services effectifs, continus ou non, dans ce grade, conformément aux dispositions de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour juger que M. C... était fondé à demander la révision de sa pension de retraite afin que soit pris en compte l'indice afférent au nouveau grade qu'il avait acquis dans la réserve opérationnelle, le tribunal administratif s'est borné à constater que la nomination de l'intéressé dans son nouveau grade était intervenue plus de six mois avant la fin de la période de réserve d'une durée continue de plus d'un mois. En omettant de vérifier, comme le lui demandait pourtant le ministre en défense, si l'intéressé avait accompli au moins six mois de services effectifs, continus ou non, dans son nouveau grade au sein de la réserve opérationnelle, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de l'instruction que si M. C... a effectué une durée de service continue égale à un mois en juillet 2016, il n'a en revanche effectué, entre le 1er décembre 2015, date d'effet de sa nomination au grade de major, et le 30 juillet 2016, que cent dix jours de services effectifs, soit une durée inférieure à la période de six mois requise par les dispositions de l'article L. 15 du même code. Par suite, l'administration devait refuser la demande de révision de sa pension aux fins de prise en compte de l'indice afférent au grade de major. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que les signataires des décisions contestées ne disposaient pas d'une délégation de signature régulière manque en fait.
7. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Bordeaux ne peut qu'être rejetée.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 21 janvier 2020 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. C... présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics, à la ministre des armées et à M. E... C....