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03/02/2021 | FRANCE | N°441592

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 03 février 2021, 441592


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 février 2019 par laquelle l'autorité militaire de premier niveau lui a infligé quinze jours d'arrêts et la décision du 23 avril 2019 par laquelle le chef d'état-major de l'armée de terre a rejeté son recours hiérarchique contre cette sanction.

Par une ordonnance n° 1901447 du 2 juillet 2020, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 3ème chambre du tribunal admin

istratif de Châlons-en-Champagne a transmis au Conseil d'Etat, en application d...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 février 2019 par laquelle l'autorité militaire de premier niveau lui a infligé quinze jours d'arrêts et la décision du 23 avril 2019 par laquelle le chef d'état-major de l'armée de terre a rejeté son recours hiérarchique contre cette sanction.

Par une ordonnance n° 1901447 du 2 juillet 2020, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de M. B....

Par cette requête et par un mémoire en réplique enregistré le 4 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les décisions des 27 février et 23 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yohann Bouquerel, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., chef de bataillon, alors chef de la cellule d'appui au commandement au 13ème régiment du génie, s'est vu infliger le 7 août 2018 par l'autorité militaire de premier niveau une sanction de quinze jours d'arrêts, en raison des fautes commises à l'occasion de la vente à des particuliers, en avril 2017, de deux carcasses de véhicules militaires abandonnés sur le camp de Valdahon en contrepartie d'un don au profit de l'amicale des sapeurs de Leclerc du 13ème régiment du génie. A la suite du recours hiérarchique formé par M. B... contre cette décision, le chef d'état-major de l'armée de terre l'a retirée en raison de l'existence de vices de forme, le 9 octobre 2018. Une sanction identique de quinze jours d'arrêts a été prise à l'encontre de M. B..., le 27 février 2019, à la suite d'une nouvelle procédure disciplinaire. Par une décision du 23 avril 2019, le recours hiérarchique formé par M. B... contre cette décision a été rejeté par le chef d'état-major de l'armée de terre. M. B... demande l'annulation de ces deux dernières décisions.

Sur la légalité externe des décisions :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la sanction litigieuse a été prise à la suite d'une enquête de commandement datée du 22 mai 2018, qui avait pour objet d'établir les faits et les responsabilités des militaires ayant pris part à la cession de deux épaves de char situés sur le camp de Valhadon où se trouve stationné le 13ème régiment du génie. La circonstance que la sanction disciplinaire du 7 août 2018, qui s'appuyait sur les conclusions de cette enquête, a été retirée ne faisait pas obstacle à ce que l'autorité militaire compétente se fonde sur la même enquête de commandement pour prendre une nouvelle sanction à l'encontre du requérant pour les mêmes faits, dès lors, d'une part, que le délai mentionné à l'article L. 4137-1 du code de la défense n'avait pas été dépassé, d'autre part, que les circonstances de fait et de droit n'avaient pas évolué entre la date d'établissement de l'enquête de commandement et la date d'édiction de la nouvelle sanction. A cet égard, la circonstance que le prix d'une des épaves aurait varié pendant cette période est sans incidence sur la régularité de la procédure disciplinaire litigieuse.

4. En deuxième lieu, la circonstance que l'autorité militaire qui a diligenté l'enquête de commandement est la même que celle à l'origine de la seconde demande de sanction n'est pas de nature à entacher d'impartialité la procédure suivie.

5. En troisième lieu, la circonstance que l'article 4 de la décision retirant la décision de sanction du 7 août 2018 chargeait le chef de corps du 13ème régiment du génie à Valdahon d'établir un nouveau bulletin de sanction pour les faits litigieux ne faisait pas obstacle à ce que la sanction du 27 février 2019 fût prise par le chef de corps du centre d'entraînement et de contrôle des postes de commandement du 3ème régiment d'artillerie (CECPC-3eRA), dès lors qu'il n'est pas contesté que le requérant appartenait à cette formation.

6. En quatrième lieu, la circonstance que la décision du 23 avril 2019 rejetant le recours hiérarchique de M. B... mentionne à tort, par l'effet d'une simple erreur de plume, la sanction du 7 août 2018, retirée par la décision du 9 octobre 2018, et non la sanction prise le 27 février 2019, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

7. Enfin, la circonstance que l'auteur de la décision de retrait du 9 août 2018 s'est abstenu de se prononcer sur les arguments de fond invoqués par M. B... à l'appui de son recours hiérarchique contre la sanction du 7 août 2018 est dépourvue de toute incidence sur la légalité des deux décisions en cause dans le présent litige.

Sur la légalité interne des décisions :

8. Aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : / 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 4137-2 du même code : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / a) L'avertissement ; / b) La consigne ; / c) La réprimande ; / d) Le blâme ; / e) Les arrêts ; / f) Le blâme du ministre ".

9. Aux termes de l'article L. 3211-17 du code général de la propriété des personnes publiques : " Lorsqu'ils ne sont plus utilisés par un service civil ou militaire de l'Etat ou un établissement public de l'Etat, les biens et droits mobiliers du domaine privé de l'Etat et de ses établissements publics peuvent être vendus dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 3211-35 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour leur vente, les biens et droits mobiliers du domaine privé de l'Etat, mentionnés à l'article L. 3211-17 qui ne sont pas utilisés par un service civil ou militaire de l'Etat sont remis à l'administration chargée des domaines./ L'obligation de remise ne s'applique pas (...) :/ 7° Aux matériels de guerre, armes, éléments d'armes, munitions, éléments de munitions, mentionnés à l'article L. 2331-1 du code de la défense, dont les spécificités justifient que la cession soit à la charge du ministère de la défense et qui sont inscrits sur une liste arrêtée conjointement par le ministre de la défense et le ministre chargé du domaine (...) ".

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a proposé à son chef de corps au 13ème régiment du génie, en février 2017, la cession de deux carcasses de chars militaires abandonnés sur le camp de Valdahon en contrepartie d'un don au profit de l'amicale des sapeurs de Leclerc, et qu'il a conduit l'extraction et la transaction relatives à ces chars, en avril 2017, sans se renseigner sur les procédures applicables à cette cession, en particulier sur la détermination des autorités compétentes, mentionnées au point 9, pour procéder à des cessions de biens du domaine privé de l'Etat. Il s'est également abstenu de procéder à une évaluation de la valeur réelle de ces matériels et de rencontrer les deux acheteurs des épaves de char pour se renseigner sur leurs intentions concernant les carcasses qu'ils souhaitaient acquérir. En méconnaissant ces procédures qu'il ne pouvait ignorer et en s'abstenant de procéder aux vérifications élémentaires dans l'exécution d'une opération de cession de matériels de l'armée, le requérant a fait preuve d'un manque de discernement et de rigueur incompatible avec les devoirs d'un officier affecté à des missions d'assistance auprès du chef de corps du 13ème régiment du génie. La circonstance que les épaves en cause n'étaient répertoriées sur aucun document de l'armée et que l'intéressé avait informé sa hiérarchie de la cession projetée est sans incidence sur l'appréciation portée sur les agissements de M. B.... En estimant que de tels faits constituaient des fautes de nature à justifier une sanction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne les a pas inexactement qualifiés.

11. D'autre part, eu égard aux responsabilités du chef de bataillon B..., qui était chef de la cellule d'appui au commandement du 13ème régiment du génie, et alors même que sa manière de service donnerait pleinement satisfaction et qu'il n'est pas contesté que l'intéressé n'a pas agi de façon mal intentionnée mais a fait preuve de négligence, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, compte tenu de la nature des faits reprochés, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant, au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, une sanction du premier groupe de quinze jours d'arrêts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions attaquées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 441592
Date de la décision : 03/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 2021, n° 441592
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yohann Bouquerel
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:441592.20210203
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