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28/01/2021 | FRANCE | N°443737

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 28 janvier 2021, 443737


Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de la désignation des membres du conseil municipal de Faulquemont. Par un jugement n° 2002229 du 31 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa protestation.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 4 septembre 2020 et le 14 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;>
2°) d'annuler les opérations électorales du premier tour des élections municipale...

Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de la désignation des membres du conseil municipal de Faulquemont. Par un jugement n° 2002229 du 31 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa protestation.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 4 septembre 2020 et le 14 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les opérations électorales du premier tour des élections municipales du 15 mars 2020 à Faulquemont ;

3°) de déclarer M. A... D... inéligible;

4°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Faulquemont, commune de plus de 1 000 habitants, les 29 sièges de conseillers municipaux ont été pourvus. 25 ont été attribués à des candidats de la liste " Energie collective pour Faulquemont " conduite par M. A... D..., le maire sortant, qui a obtenu 992 voix, tandis que les 4 autres sièges ont été attribués à la liste " Réunis pour demain " menée par M. C... B..., qui a obtenu 397 voix. M. B... relève appel du jugement du 31 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales du 15 mars 2020.

Sur les conclusions à fins d'annulation des opérations électorales :

2. En premier lieu, M. B... soutient qu'en communiquant tardivement, le 26 janvier 2020, les détails d'un projet communal de construction d'un quartier destiné aux séniors, la liste conduite par M. D..., maire sortant, aurait procédé à des manoeuvres frauduleuses de nature à altérer la sincérité du scrutin. Toutefois, il résulte de l'instruction, d'une part, que le conseil municipal avait déjà été informé du projet de construction de ce quartier, d'autre part, que l'annonce des détails du projet dans la presse est intervenue avant le début de la campagne officielle fixée le 2 mars 2020, de sorte que M. B... disposait du temps nécessaire pour y répondre dans le cadre de la campagne. Par suite, cette annonce, qui n'avait pas de caractère tardif et qui, en tout état de cause, n'était pas révélatrice d'une manoeuvre n'a pas porté atteinte à la sincérité du scrutin ni rompu l'égalité entre les candidats.

3. En deuxième lieu, la seule circonstance que le site internet de campagne de M. D... a été réalisé par l'agence de communication qui réalise des prestations pour la commune ne saurait avoir une influence sur la sincérité du scrutin litigieux.

4. En troisième lieu, l'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Dans ce contexte, le Premier ministre a adressé à l'ensemble des maires le 7 mars 2020 une lettre présentant les mesures destinées à assurer le bon déroulement des élections municipales et communautaires prévues les 15 et 22 mars 2020. Ces mesures ont été précisées par une circulaire du ministre de l'intérieur du 9 mars 2020 relative à l'organisation des élections municipales des 15 et 22 mars 2020 en situation d'épidémie de coronavirus covid-19, formulant des recommandations relatives à l'aménagement des bureaux de vote et au respect des consignes sanitaires, et par une instruction de ce ministre, du même jour, destinée à faciliter l'exercice du droit de vote par procuration. Après consultation par le Gouvernement du conseil scientifique mis en place pour lui donner les informations scientifiques utiles à l'adoption des mesures nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19, les 12 et 14 mars 2020, le premier tour des élections municipales a eu lieu comme prévu le 15 mars 2020. A l'issue du scrutin, les conseils municipaux ont été intégralement renouvelés dans 30 143 communes ou secteurs. Le taux d'abstention a atteint 55,34 % des inscrits, contre 36,45 % au premier tour des élections municipales de 2014.

5. Au vu de la situation sanitaire, l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a reporté le second tour des élections, initialement fixé au 22 mars 2020, au plus tard en juin 2020 et prévu que : " Dans tous les cas, l'élection régulière des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d'arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise, conformément à l'article 3 de la Constitution ". Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de valider rétroactivement les opérations électorales du premier tour ayant donné lieu à l'attribution de sièges et ne font ainsi pas obstacle à ce que ces opérations soient contestées devant le juge de l'élection.

6. Aux termes de l'article L. 262 du code électoral, applicable aux communes de mille habitants et plus : " Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu'il y a plus de quatre sièges à pourvoir et à l'entier inférieur lorsqu'il y a moins de quatre sièges à pourvoir. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa ci-après. / Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un deuxième tour (...) ". Aux termes de l'article L. 273-8 du même code : " Les sièges de conseiller communautaire sont répartis entre les listes par application aux suffrages exprimés lors de cette élection des règles prévues à l'article L. 262 (...) ".

7. Ni par ces dispositions, ni par celles de la loi du 23 mars 2020 susvisée, le législateur n'a entendu subordonner à un taux de participation minimal la répartition des sièges au conseil municipal à l'issue du premier tour de scrutin dans les communes de mille habitants et plus, lorsqu'une liste a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés. Le niveau de l'abstention n'est ainsi, par lui-même, pas de nature à remettre en cause les résultats du scrutin, s'il n'a pas altéré, dans les circonstances de l'espèce, sa sincérité.

8. En l'espèce, M. B... fait seulement valoir que le taux d'abstention s'est élevé à 60,6 % dans la commune de Faulquemont, sans invoquer aucune autre circonstance relative au déroulement de la campagne électorale ou du scrutin dans la commune qui montrerait, en particulier, qu'il aurait été porté atteinte au libre exercice du droit de vote ou à l'égalité entre les candidats. Dans ces conditions, le niveau de l'abstention constatée ne peut être regardé comme ayant altéré la sincérité du scrutin.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 118-4 du code électoral :

9. Aux termes de l'article L. 118-4 du code électoral : " Saisi d'une contestation formée contre l'élection, le juge de l'élection peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin (...) ". Il résulte de ces dispositions que, régulièrement saisi d'un grief tiré de l'existence de manoeuvres, le juge de l'élection peut, le cas échéant d'office, et après avoir, dans cette hypothèse, recueilli les observations des candidats concernés, prononcer une telle sanction si les manoeuvres constatées présentent un caractère frauduleux, et s'il est établi qu'elles ont été accomplies par les candidats concernés et ont eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin.

10. Dès lors qu'il n'est pas établi que M. D... aurait accompli des manoeuvres, les conclusions tendant à ce qu'il soit déclaré inéligible sur le fondement des dispositions de l'article L. 118-4 du code électoral ne peuvent qu'être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à ce titre à la charge de M. D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme sur ce fondement à la charge de M. B....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... B..., à M. A... D..., premier défendeur dénommé, au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 443737
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jan. 2021, n° 443737
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yohann Bouquerel
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:443737.20210128
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