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21/01/2021 | FRANCE | N°428146

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 21 janvier 2021, 428146


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) d'annuler la décision du 22 mai 2018 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à son statut de réfugié. Par une décision n° 18029949 du 18 décembre 2018, la CNDA a annulé la décision de l'OFPRA et a maintenu M. A... dans sa qualité de réfugié.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 février et 15 mai 2019 et le 4 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil

d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat d'annuler cette décision.

Vu les autres...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) d'annuler la décision du 22 mai 2018 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à son statut de réfugié. Par une décision n° 18029949 du 18 décembre 2018, la CNDA a annulé la décision de l'OFPRA et a maintenu M. A... dans sa qualité de réfugié.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 février et 15 mai 2019 et le 4 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat d'annuler cette décision.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- la résolution 428 (V) du 14 décembre 1950 de l'assemblée générale des Nations Unies relative au statut du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'OFPRA et à la SCP Zribi et Texier, avocat de Constantin A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) que M. A..., ressortissant roumain, né le 19 février 1955 à Constanta, a été placé le 27 juillet 1989 à Belgrade sous le mandat du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), en application des articles 6 et 7 du statut du HCR adopté par l'assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1950. Entré en France le 2 mai 2014, après avoir sollicité en vain le statut de réfugié au Canada, aux Etats-Unis et en Allemagne, M. A... a présenté une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 6 novembre 2014. Par lettre du 31 octobre 2016, l'OFPRA a saisi le HCR d'une demande de réexamen de sa situation au regard des changements intervenus depuis 1989 en Roumanie. Par lettre du 12 octobre 2017, le HCR a informé l'OFPRA qu'il maintenait la protection accordée en 1989 à M. A..., compte tenu de raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures justifiant le maintien de la protection internationale en application du 5° de la section C de l'article 1er de la convention de Genève. Par décision du 28 février 2018, l'OFPRA a accordé le statut de réfugié à M. A... sur le fondement de l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, dès le 1er mars 2018, l'OFPRA a engagé une procédure tendant à mettre fin à ce statut, qui l'a conduit à retirer à

M. A... le bénéfice du statut de réfugié par une décision du 22 mai 2018, motivée par les changements intervenus depuis 1989 en Roumanie et par l'absence de raisons impérieuses susceptibles de faire obstacle à la cessation du statut de réfugié. M. A... a formé un recours contre cette décision devant la CNDA qui, par une décision du 18 décembre 2018, a annulé la décision de l'OFPRA du 22 mai 2018 et maintenu M. A... dans le statut de réfugié. L'OFPRA se pourvoit en cassation contre cette décision.

2. Le décès de M. A... le 16 avril 2020 a été porté à la connaissance du Conseil d'Etat par un mémoire enregistré le 30 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat. Contrairement à ce qui est soutenu par son avocat et eu égard au caractère recognitif de la reconnaissance de la qualité de réfugié, le décès de l'intéressé ne prive pas le présent litige de tout objet. Dès lors, il y a lieu de statuer sur le pourvoi de l'OFPRA.

3. L'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La qualité de réfugié est reconnue [...] à toute personne sur laquelle le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu'adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ou qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève susmentionnée. ". Aux termes de l'article L. 721-2 du même code, l'OFPRA " reconnaît la qualité de réfugié " et " exerce la protection juridique et administrative des réfugiés ".

4. Par ailleurs, le premier alinéa de l'article L. 711-4 du même code dispose que : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut mettre fin, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque la personne concernée relève de l'une des clauses de cessation prévues à la section C de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951, précitée. Pour l'application des 5 et 6 de la même section C, le changement dans les circonstances ayant justifié la reconnaissance de la qualité de réfugié doit être suffisamment significatif et durable pour que les craintes du réfugié d'être persécuté ne puissent plus être considérées comme fondées ". Aux termes de la section C de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés : " Cette convention cessera, dans les cas ci-après, d'être applicable à toute personne visée par les dispositions de la section A ci-dessus : (...) 5°) Si les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d'exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ; Etant entendu, toutefois, que les dispositions du présent paragraphe ne s'appliqueront pas à tout réfugié visé au paragraphe 1 de la section A du présent article qui peut invoquer, pour refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures ".

5. Les dispositions de l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 1 imposent à l'OFPRA de reconnaître la qualité de réfugié à toute personne placée sous le mandat du HCR en application des articles 6 et 7 de son statut. Cependant, lorsque l'OFPRA a accordé le statut de réfugié à une telle personne, elles ne font pas obstacle à ce qu'il décide ultérieurement de mettre fin à ce statut en application des dispositions de l'article L. 711-4 citées au point 2, sans que l'intéressé puisse alors utilement se prévaloir du mandat du HCR. L'OFPRA ne peut toutefois procéder ainsi que si des éléments nouveaux intervenus ou révélés postérieurement à sa décision d'octroi du statut le justifient.

6. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que, pour faire droit à la demande de M. A... et annuler la décision de l'OFPRA mettant fin à son statut de réfugié, la CNDA a relevé qu'il se trouvait sous le mandat du HCR, qui lui avait reconnu la qualité de réfugié en juillet 1989 et avait maintenu sa protection en octobre 2017, pour en déduire que la qualité de réfugié devait lui être reconnue en application de l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 3. En statuant ainsi, alors que, à la date de la décision litigieuse, l'OFPRA avait fait application de ces dispositions pour octroyer le statut de réfugié à M. A... par une décision du 28 février 2018 et qu'il lui incombait de rechercher si des éléments nouveaux intervenus ou révélés postérieurement à cette décision devaient conduire à considérer que les conditions de cessation prévues au premier alinéa de l'article L. 711-4 cité au point 4 étaient en l'espèce réunies, la CNDA a entaché sa décision d'une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi ni sur la substitution de motifs demandée par M. A..., que l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 18 décembre 2018 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. B... A....


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 428146
Date de la décision : 21/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- PERSONNE SOUS MANDAT DU HCR - 1) OBLIGATION DE LUI RECONNAÎTRE LA QUALITÉ DE RÉFUGIÉ - EXISTENCE - 2) POSSIBILITÉ DE METTRE FIN AU STATUT ULTÉRIEUREMENT - EXISTENCE - SI DES ÉLÉMENTS INTERVENUS OU RÉVÉLÉS DEPUIS LA DÉCISION D'OCTROI LE JUSTIFIENT.

095-03-01-02-02 1) L'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) impose à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de reconnaître la qualité de réfugié à toute personne placée sous le mandat du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en application des articles 6 et 7 de son statut.... ,,2) Cependant, lorsque l'OFPRA a accordé le statut de réfugié à une telle personne, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'il décide ultérieurement de mettre fin à ce statut en application de l'article L. 711-4, sans que l'intéressé puisse alors utilement se prévaloir du mandat du HCR. L'OFPRA ne peut toutefois procéder ainsi que si des éléments nouveaux intervenus ou révélés postérieurement à sa décision d'octroi du statut le justifient.

- PERSONNE SOUS MANDAT DU HCR - 1) OBLIGATION DE LUI RECONNAÎTRE LA QUALITÉ DE RÉFUGIÉ - EXISTENCE - 2) POSSIBILITÉ DE METTRE FIN AU STATUT ULTÉRIEUREMENT - EXISTENCE - SI DES ÉLÉMENTS INTERVENUS OU RÉVÉLÉS DEPUIS LA DÉCISION D'OCTROI LE JUSTIFIENT.

095-04 1) L'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) impose à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de reconnaître la qualité de réfugié à toute personne placée sous le mandat du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en application des articles 6 et 7 de son statut.... ,,2) Cependant, lorsque l'OFPRA a accordé le statut de réfugié à une telle personne, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'il décide ultérieurement de mettre fin à ce statut en application de l'article L. 711-4, sans que l'intéressé puisse alors utilement se prévaloir du mandat du HCR. L'OFPRA ne peut toutefois procéder ainsi que si des éléments nouveaux intervenus ou révélés postérieurement à sa décision d'octroi du statut le justifient.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 jan. 2021, n° 428146
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arno Klarsfeld
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:428146.20210121
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