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31/12/2020 | FRANCE | N°441716

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 31 décembre 2020, 441716


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'action et des comptes publics ont approuvé l'avenant n° 19 à la convention nationale du 4 avril 2012 organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie ;

2°) de mettre à la charge de

l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'action et des comptes publics ont approuvé l'avenant n° 19 à la convention nationale du 4 avril 2012 organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 ;

- la décision du 30 septembre 2020 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France ;

- le code de justice administrative, l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme A... B..., rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu du premier alinéa de l'article L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale, les rapports entre les organismes d'assurance maladie et l'ensemble des pharmaciens titulaires d'officine sont définis par une convention nationale conclue, pour une durée égale au plus à cinq ans, entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs des organisations syndicales représentatives des pharmaciens titulaires d'officine. Le même article prévoit également que la convention peut être renouvelée par tacite reconduction. Il résulte en outre des dispositions de cet article que la convention et ses avenants n'entrent en vigueur qu'après leur approbation par arrêté des ministres compétents, lesquels, dans la rédaction de ces dispositions issue de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, sont les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et sont réputés avoir approuvé la convention ou l'avenant s'ils n'ont pas fait connaître à ses signataires, dans le délai de vingt et un jours à compter de la réception du texte transmis par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, qu'ils s'opposent à cette approbation du fait de sa non-conformité aux lois et règlements en vigueur ou pour des motifs de santé publique ou de sécurité sanitaire ou lorsqu'il est porté atteinte au principe d'un égal accès aux soins.

2. L'Union nationale des caisses d'assurance maladie, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine et l'Union nationale des pharmacies de France ont conclu le 4 avril 2012, pour une durée de cinq ans, une convention nationale destinée à organiser les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie, approuvée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé, de l'agriculture, de l'économie et du budget du 4 mai 2012 et publiée au Journal officiel de la République française du 6 mai 2012. La reconduction tacite de cette convention a été approuvée par un arrêté des mêmes ministres du 5 mai 2017, publié le lendemain au Journal officiel. Le 19 novembre 2019, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine ont conclu un avenant n° 19 à cette convention. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont approuvé cet avenant, rendue publique par un avis publié au Journal officiel du 4 février 2020.

3. D'une part, l'approbation par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale d'une convention ou d'un avenant conclu en vertu de l'article L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale, nécessaire à son entrée en vigueur, a pour effet de conférer un caractère réglementaire à ses stipulations. D'autre part, les règlements ne peuvent, en principe, et sauf s'il en est disposé autrement par la loi, légalement disposer que pour l'avenir. Il en résulte que les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ne peuvent légalement approuver une convention ou un avenant conclu en vertu de l'article L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale qui prévoirait son application avant la date d'accomplissement des formalités de publicité nécessaire à son entrée en vigueur. A défaut, la décision d'approbation est illégale en tant qu'elle entraîne une application rétroactive de la convention ou de l'avenant.

4. L'article 1er de l'avenant n° 19 à la convention du 4 avril 2012 organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie modifie l'annexe II.4 de cette convention en prévoyant que l'honoraire pour une dispensation donnant lieu à l'exécution d'une prescription comportant au moins cinq lignes différentes de spécialités pharmaceutiques remboursables et facturées à l'assurance maladie en une seule délivrance, auparavant fixé à 0,51 euros, est fixé à 0,31 euros à compter du 1er janvier 2020. Or cet avenant et l'avis rendant publique la décision implicite par laquelle les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale l'ont approuvé ont été publiés au Journal officiel de la République française du 4 février 2020, ce qui permettait son entrée en vigueur, au plus tôt, conformément à l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration, le 5 février 2020. Il résulte dès lors de ce qui a été dit au point 3 que la décision des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale est entachée de rétroactivité illégale en tant qu'elle approuve les stipulations de l'article 1er de l'avenant n° 19.

5. L'autre moyen de la requête, seul susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée en son entier, ayant été écarté par la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 30 septembre 2020, la fédération requérante est fondée à demander l'annulation de cette décision en tant seulement qu'elle entraîne l'application des stipulations de l'article 1er de l'avenant n° 19 du 1er janvier au 4 février 2020.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme au même titre à la charge de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite d'approbation de l'avenant n° 19, conclu le 19 novembre 2019, à la convention nationale du 4 avril 2012 organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie est annulée en tant qu'elle entraîne l'application des stipulations de son article 1er du 1er janvier au 4 février 2020.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, au ministre des solidarités et de la santé, à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et à l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine

Copie en sera adressée à l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 441716
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2020, n° 441716
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric Buge
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:441716.20201231
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