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30/12/2020 | FRANCE | N°427512

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 30 décembre 2020, 427512


La société Groupe Services France (GSF) a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 22 juillet 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 06-01-07 des Alpes-Maritimes a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... D..., et d'autre part, la décision implicite née du silence gardé par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur son recours hiérarchique. Par un jugement n° 1601389 du 2 janvier 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

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rrêt n°18MA01177 du 30 novembre 2018, la cour administrative d'ap...

La société Groupe Services France (GSF) a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 22 juillet 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 06-01-07 des Alpes-Maritimes a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... D..., et d'autre part, la décision implicite née du silence gardé par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur son recours hiérarchique. Par un jugement n° 1601389 du 2 janvier 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°18MA01177 du 30 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société GSF contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 30 janvier, 26 avril et 27 septembre 2019, la société GSF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt attaqué ;

2)° réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... C..., auditrice,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Groupe Services France (GSF) et à la SCP Munier-Apaire, avocat de M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces soumises aux juges du fond qu'en 2015, la société Groupe Services France (GSF) a engagé une procédure de licenciement pour faute à l'encontre de son comptable, M. D..., lequel a la qualité de salarié protégé, en lui reprochant, sur le fondement d'un constat d'huissier, de travailler pour son compte personnel et au profit de tiers pendant son temps de travail, d'envoyer des courriels personnels durant son temps de travail et d'avoir installé sur son ordinateur professionnel un logiciel comptable non autorisé. Par décision du 22 juillet 2015, l'inspectrice du travail, estimant que les faits étaient en partie non établis et en partie insuffisamment graves pour justifier un licenciement, a refusé d'autoriser ce licenciement. Saisi du recours hiérarchique de la société GSF, le ministre chargé du travail a, par décision du 25 janvier 2016, annulé la décision de l'inspectrice du travail et pris une nouvelle décision refusant d'accorder l'autorisation de licenciement demandée au motif qu'une partie des faits reprochés n'étaient pas établis ou ne revêtaient pas un caractère fautif et que les derniers faits reprochés à M. D... et reconnus par l'intéressé, à savoir l'installation, sur son ordinateur professionnel, d'un logiciel fourni par le comité d'entreprise, sans autorisation du service informatique, n'étaient pas suffisamment graves pour justifier le licenciement. Saisi par la société GSF, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de la décision du ministre par un jugement du 2 janvier 2018. La cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Groupe Services France par un arrêt du 30 novembre 2018. La société GSF se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Il ressort de l'examen de la minute de l'arrêt attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de ce que la minute ne comporterait pas l'ensemble des signatures exigées par l'article R.741-7 du code de justice administrative manque en fait.

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

4. En premier lieu, en estimant, au vu des pièces produites par l'employeur et à l'issue de l'instruction contradictoire conduite par l'autorité administrative, qu'un doute subsistait sur la réalité des faits reprochés à M. D... par son employeur, tirés de ce qu'il accomplissait durant son temps de travail des activités comptables pour des tiers, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis.

5. En deuxième lieu, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, la cour a relevé qu'en trois ans, M. D... n'avait envoyé que quinze courriels à des fins non professionnelles depuis son ordinateur professionnel et pendant son temps de travail et qu'il existait une tolérance de l'employeur sur la possibilité d'adresser des courriels personnels pendant son temps de travail dès lors que ces envois restaient d'un nombre raisonnable. En en déduisant que le fait, pour M. D..., d'avoir adressé ces courriels durant son temps de travail n'était pas constitutif d'une faute, la cour n'a pas inexactement apprécié les faits de l'espèce.

6. En dernier lieu, en jugeant que M. D..., en installant sur son ordinateur professionnel, sans autorisation du service informatique, un logiciel fourni par le comité d'entreprise alors qu'il disposait d'un ordinateur portable pour l'exercice de ses fonctions de trésorier de ce comité, avait méconnu la charte informatique annexée au règlement intérieur de l'entreprise, mais que cette faute n'était pas suffisamment grave pour justifier son licenciement, alors, d'ailleurs, que la société GSF n'invoquait pas que ce fait aurait eu des conséquences pour l'entreprise, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société GSF, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejeté. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société GSF une somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Groupe Services France est rejeté.

Article 2 : La société Groupe Services France versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Groupe Services France et à M. B... D....

Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 427512
Date de la décision : 30/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2020, n° 427512
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Yaël Treille
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; CABINET MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:427512.20201230
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