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30/12/2020 | FRANCE | N°427511

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 30 décembre 2020, 427511


La société Groupe Services France (GSF) a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 12 janvier 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle ouest n°1 des Alpes-Maritimes a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... D..., et d'autre part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur son recours hiérarchique. Par un jugement n° 1503308 du 2 janvier 2018, le tribunal administratif a rejeté sa de

mande.

Par un arrêt n° 18MA01176 du 30 novembre 2018, la cour...

La société Groupe Services France (GSF) a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 12 janvier 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle ouest n°1 des Alpes-Maritimes a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... D..., et d'autre part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur son recours hiérarchique. Par un jugement n° 1503308 du 2 janvier 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA01176 du 30 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société GSF contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 30 janvier, 26 avril et 27 septembre 2019, la société GSF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt attaqué ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... C..., auditrice,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Groupe Services France et à la SCP Munier-Apaire, avocat de M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces soumises aux juges du fond qu'en 2014, la société Groupe Services France (GSF) a engagé une procédure de licenciement pour faute à l'encontre de son comptable, M. D..., lequel a la qualité de salarié protégé, en lui reprochant d'avoir, avec le matériel de l'entreprise, établi une fausse facture d'un montant de 999 euros au nom du comité d'entreprise de la société, afin de permettre à un tiers d'obtenir, auprès de la compagnie d'assurance de ce dernier, un remboursement d'ordinateur volé. Par une décision du 12 janvier 2015, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser ce licenciement, en raison de l'insuffisante gravité des faits. La société GSF a saisi par recours hiérarchique le ministre chargé du travail, lequel a implicitement rejeté ce recours. Le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande d'annulation des deux décisions présentée par la société GSF par un jugement du 2 janvier 2018. La cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Groupe Services France contre ce jugement. La société GSF se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. En premier lieu, il ressort de l'examen de la minute de l'arrêt attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de ce que la minute ne comporterait pas l'ensemble des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a relevé que si M. D... a participé pendant ses heures de travail en compagnie d'une autre salarié à la confection d'une fausse facture avec le matériel informatique de l'entreprise au profit d'un tiers et ainsi méconnu les règles de la charte informatique annexée au règlement intérieur de l'entreprise, il justifiait toutefois au moment des faits d'une ancienneté importante au sein de l'entreprise sans avoir jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire, le faux document, établi à partir d'un original détenu par le comité d'entreprise et non par la société GSF, a été utilisé dans le cadre de la vie privée de l'intéressé sans qu'il en tire aucun avantage financier personnel et le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grasse a classé sans suite la plainte déposée par la société contre lui. En déduisant de ces éléments, qu'elle a souverainement appréciés sans entacher son arrêt de dénaturation des pièces du dossier, que l'inspectrice du travail n'avait pas fait, dans les circonstances de l'espèce, une inexacte application des dispositions du code du travail en estimant que la faute commise par M. D... n'était pas suffisamment grave pour justifier son licenciement, sans que l'autorité administrative prenne en compte des comportements de l'intéressé révélés postérieurement à sa décision, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché son arrêt d'inexacte qualification juridique des faits.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société GSF, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejeté. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société GSF une somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1 : Le pourvoi de la société Groupe Services France est rejeté.

Article 2 : La société Groupe Services France versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Groupe Services France et à M. B... D....

Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 427511
Date de la décision : 30/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2020, n° 427511
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Yaël Treille
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; CABINET MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:427511.20201230
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