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29/12/2020 | FRANCE | N°435530

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 29 décembre 2020, 435530


Vu la procédure suivante :

La société Panjamar a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Limoges de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 12 juillet 2019 par laquelle l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine a préempté deux parcelles situées 24, rue Victor Duruy à Limoges, cadastrées section EM n° 354 et n° 357. Par une ordonnance n° 1901715 du 11 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a suspendu l'exécution de c

ette décision.

Par un pourvoi, enregistré le 24 octobre 2019 au secrétaria...

Vu la procédure suivante :

La société Panjamar a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Limoges de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 12 juillet 2019 par laquelle l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine a préempté deux parcelles situées 24, rue Victor Duruy à Limoges, cadastrées section EM n° 354 et n° 357. Par une ordonnance n° 1901715 du 11 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a suspendu l'exécution de cette décision.

Par un pourvoi, enregistré le 24 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande de suspension présentée par la société Panjamar ;

3°) de mettre à la charge de la société Panjamar la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thibaut Félix, auditeur,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Panjamar s'est portée acquéreur auprès de la société TRE MBD III de deux parcelles d'une superficie totale de 3 336 mètres carrés, situées 24 rue Victor Duruy à Limoges, cadastrées section EM n° 354 et n° 357, pour un montant de 340 000 euros. A la suite de la réception le 11 avril 2019 de la déclaration d'intention d'aliéner ces parcelles, la commune de Limoges a demandé à l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine d'acquérir ces parcelles par voie de préemption. Le directeur territorial de l'établissement a adressé au notaire chargé de la transaction et à la société venderesse une demande de pièces complémentaires et de visite des biens. L'établissement public foncier a ensuite exercé son droit de préemption sur les parcelles en cause par une décision de son directeur général du 12 juillet 2019, dont la société Panjamar a demandé au juge administratif, par deux requêtes distinctes, l'annulation pour excès de pouvoir et la suspension de l'exécution. Par une ordonnance du 11 octobre 2019, contre laquelle l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a suspendu l'exécution de cette décision.

Sur le pourvoi :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

3. L'article L. 213-2 du code de l'urbanisme prévoit que : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée (...). Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble (...). / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / (...) / Le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien dans des conditions fixées par décret. / (...) ". Et aux termes de l'article D. 213-13-1 du même code : " La demande de la visite du bien prévue à l'article L. 213-2 est faite par écrit. / Elle est notifiée par le titulaire du droit de préemption au propriétaire ou à son mandataire ainsi qu'au notaire mentionnés dans la déclaration prévue au même article, dans les conditions fixées à l'article R. 213-25. / Le délai mentionné au troisième alinéa de l'article L. 213-2 reprend à compter de la visite du bien ou à compter du refus exprès ou tacite de la visite du bien par le propriétaire ". Il résulte de ces dispositions que le délai de deux mois ouvert au titulaire du droit de préemption est suspendu lorsque celui-ci formule une demande unique de documents complémentaires ou une demande de visite des lieux.

4. Le juge des référés a regardé comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption contestée le moyen tiré de ce que cette décision aurait été prise après l'expiration du délai de deux mois ouvert par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme pour exercer le droit de préemption, la demande de visite du bien formée par le directeur territorial de l'établissement public foncier n'ayant pu interrompre ce délai dès lors que ce directeur n'avait pas compétence pour présenter une telle demande. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que si le courrier adressé à cette fin au propriétaire du bien et au notaire chargé de la vente était signé du directeur territorial, la décision avait été, en tout état de cause, validée avant l'envoi de ce courrier, à l'occasion du comité d'engagement du 3 juin 2019, par le directeur général de l'établissement public foncier, compétent, en vertu de l'article R. 321-10 du code de l'urbanisme et du règlement intérieur adopté par le conseil d'administration de l'établissement le 26 octobre 2017, pour exercer les droits de préemption dont l'établissement est délégataire. Par suite, l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine est fondé à soutenir que le juge des référés a commis une erreur de droit et à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance attaquée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande de suspension :

6. A l'appui de sa demande de suspension de l'exécution de la décision de préemption du 12 juillet 2019, la société Panjamar soutient, en premier lieu, que le directeur général de l'établissement public foncier n'était pas compétent pour prendre cette décision, faute de délégation du conseil d'administration de l'établissement public régulièrement publiée, en deuxième lieu, que cette décision était tardive, le délai de deux mois prévu par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme n'ayant été suspendu ni par la demande de visite effectuée le 29 mai 2019 par le directeur territorial de l'établissement public qui ne disposait pas d'une délégation à cette fin, ni par sa demande de pièces complémentaires effectuée à la même date, faute de validation préalable par le comité d'engagement de l'établissement public, en troisième lieu, que la décision n'a pas été approuvée par le préfet avant l'expiration du délai de préemption ou, à supposer que la convention opérationnelle d'action foncière du 31 octobre 2018 entre la ville de Limoges et l'établissement public pour la requalification de friches urbaines en bord de Vienne ait été approuvée par le préfet, que cette décision n'a pas été transmise au préfet en temps utile pour devenir exécutoire avant l'expiration du même délai, en quatrième lieu, que la délibération du conseil municipal de Limoges du 27 septembre 2007 instituant le droit de préemption et celle du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Limoges Métropole du 14 février 2019 déléguant ce droit à l'établissement public n'ont pas fait l'objet des formalités de publicité requises, en cinquième lieu, que la réalité du projet de réalisation d'une aire de stationnement n'est pas établie et, en dernier lieu, que ce projet ne présente pas d'intérêt général suffisant.

7. Aucun de ces moyens n'apparaît, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision de préemption de l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine du 12 juillet 2019.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Panjamar une somme de 1 500 euros à verser à l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées sur le même fondement par la société Panjamar contre l'établissement public foncier Nouvelle-Aquitaine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Limoges du 11 octobre 2019 est annulée.

Article 2 : La demande de suspension présentée par la société Panjamar devant le juge des référés du tribunal administratif de Limoges, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Panjamar versera à l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine et à la société Panjamar.

Copie en sera adressée à la société TRE MBD III.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 435530
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2020, n° 435530
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thibaut Félix
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:435530.20201229
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