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29/12/2020 | FRANCE | N°434257

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 29 décembre 2020, 434257


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants. Par un jugement n° 1600738 du 6 février 2018, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18NC01075 du 4 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a accordé à M. A... la décharge des pénalités pour manquement délibéré et

rejeté le surplus des conclusions de l'appel qu'il avait formé contre ce jugement. ...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants. Par un jugement n° 1600738 du 6 février 2018, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18NC01075 du 4 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a accordé à M. A... la décharge des pénalités pour manquement délibéré et rejeté le surplus des conclusions de l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 4 septembre, 29 novembre 2019 et 18 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention fiscale conclue entre la France et Singapour le 9 septembre 1974 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les gains nets retirés des cessions à titre onéreux de valeurs mobilières sont soumis à l'impôt sur le revenu en vertu des dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts. Toutefois, aux termes de l'article 150-0 B du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les dispositions de l'article 150-0 A ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre (...) d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés. / (...) Ces dispositions s'appliquent (...) aux opérations, autres que les opérations d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, pour lesquelles le dépositaire des titres échangés est établi (...) dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ". Aux termes du 9 de l'article 150-0 D du même code : " En cas de vente ultérieure ou de rachat mentionné au 6 du II de l'article 150-0 A de titres reçus à l'occasion d'une opération mentionnée à l'article 150-0 B (...) le gain net est calculé à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres échangés, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée lors de l'échange. ". Il résulte de ces dispositions que les règles d'imposition des gains nets retirés des cessions à titre onéreux de valeurs mobilières ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d'un apport de titres à une société établie dans un Etat ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Le bénéfice de ce sursis d'imposition prend fin l'année de la cession des titres reçus lors de l'échange.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... détenait 1 625 parts dans la société Coelis, dont le siège social était situé à Strasbourg. Le 29 juin 2006, il les a apportées à la société Travel Meta Search (TMS), dont le siège social est situé à Singapour. En contrepartie de cet apport, il a reçu 7 865 000 parts de la société TMS. La convention fiscale franco-singapourienne comprenant une clause d'assistance administrative à son article 27, la plus-value résultant de cette opération a été placée en sursis d'imposition conformément aux dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts. Le 11 mai 2010, M. A... a cédé les parts qu'il détenait dans la société TMS, devenue la société Sprice, à la société Travelport, ce qui a mis fin au sursis d'imposition. A l'issue d'un contrôle sur pièces, estimant que M. et Mme A... n'avaient, à tort, pas déclaré la plus-value résultant de la cession des parts de la société Sprice à la société Travelport, l'administration a mis à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales au titre de l'année 2010, assorties des intérêts de retard et de la pénalité pour manquement délibéré. Après en avoir vainement demandé la décharge, M. A... a porté le litige devant le tribunal administratif de Strasbourg, qui a rejeté sa demande par un jugement du 6 février 2018. Il se pourvoit en cassation contre l'article 3 de l'arrêt du 4 juillet 2019 par lequel, après avoir prononcé la décharge de la pénalité pour manquement délibéré mise à sa charge, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté le surplus des conclusions de l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.

3. Dans sa rédaction applicable au litige, l'article 14 de la convention fiscale franco-singapourienne du 9 septembre 1974 stipule que : " 1. Les gains provenant de l'aliénation de biens immobiliers (...) sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés. 2. Les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers faisant partie de l'actif d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant (...) sont imposables dans l'autre Etat (...) 3. Les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 ne sont imposables que dans l'Etat contractant dont le cédant est un résident (...) ". Aux termes de l'article 4 de cette même convention, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui est résident d'un Etat contractant pour l'application de l'impôt dudit Etat. 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent. Lorsqu'elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans chacun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; (...) ".

4. Il résulte de ces stipulations que les gains réalisés par une personne entrant dans leur champ d'application, autres que ceux résultant de l'aliénation de biens immobiliers ou de biens mobiliers faisant partie de l'actif d'un établissement stable, sont imposables dans l'Etat de résidence du cédant. Lorsqu'une telle personne est, en application de la loi fiscale de chacun de ces deux Etats, à la fois résidente de France et de Singapour, elle est imposable dans celui de ces Etats où elle dispose, en outre, d'un foyer d'habitation permanent ou bien, si elle dispose d'un tel foyer dans chacun des Etats contractants, dans celui où elle a également le centre de ses intérêts vitaux. Il résulte également de ces stipulations que toute résidence dont une personne dispose de manière durable est pour elle, au sens de la convention, un foyer d'habitation permanent.

5. En se fondant, pour juger que M. A... disposait en France d'un foyer d'habitation permanent au sens des stipulations précitées, sur ce qu'il était hébergé chez sa soeur lorsqu'il se rendait en France après avoir cédé le logement qu'il y possédait, sur ce qu'il avait reçu du courrier à l'adresse de cette dernière le 27 avril 2010 et sur ce qu'il avait fait état d'une adresse à Strasbourg pour introduire une requête à fin de divorce le 8 mars 2011, alors que ces seuls éléments ne permettaient pas de conclure que l'intéressé avait eu en France la disposition durable d'un logement, la cour administrative d'appel a méconnu les stipulations de l'article 4 de de la convention fiscale franco-singapourienne du 9 septembre 1974. Dans ces conditions, M. A... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 4 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. B... A....


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 434257
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2020, n° 434257
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Herondart
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:434257.20201229
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