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29/12/2020 | FRANCE | N°433559

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 29 décembre 2020, 433559


Vu la procédure suivante :

Mme B... C... et MM. Francis, D..., Marc et Patrick C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier de Digne-les-Bains à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des conditions de prise en charge de Mme C... lors de la naissance de son fils D.... La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hautes-Alpes a également demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 675 848,39 euros au titre des débours et la somme de 1 015 euros au titre de l'indemnit

é forfaitaire de gestion. Par un jugement n°s 1204503, 150019...

Vu la procédure suivante :

Mme B... C... et MM. Francis, D..., Marc et Patrick C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier de Digne-les-Bains à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des conditions de prise en charge de Mme C... lors de la naissance de son fils D.... La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hautes-Alpes a également demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 675 848,39 euros au titre des débours et la somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Par un jugement n°s 1204503, 1500191 du 12 octobre 2015, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Digne-les-Bains à verser à M. D... C... la somme de 718 330,96 euros ainsi qu'une rente de 300 euros par jour, à ses parents la somme de 15 000 euros chacun, à M. A... C... la somme de 6 000 euros, et à M. E... C... la somme de 4 000 euros. Il a en outre condamné le centre hospitalier à verser la somme de 675 848,39 euros à la CPAM des Hautes-Alpes.

Par un arrêt n° 15MA04865 - 15MA04901 du 13 juin 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. et Mme C... et autres et du centre hospitalier de Digne-les-Bains, porté à 1 335 713,92 euros la somme que l'établissement a été condamné à verser à M. D... C... et a ramené à 269 570,62 euros la somme qu'il a été condamné à verser à la CPAM des Hautes-Alpes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 août et 12 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CPAM des Hautes-Alpes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 4 et 5 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Digne-les-Bains et de la société hospitalière d'assurance mutualisée la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donné après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Digne-les-Bains.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 15 février 2001, le tribunal administratif de Marseille a reconnu le centre hospitalier de Digne-les-Bains responsable de la faute commise lors de la naissance de M. C... en 1992 et l'a condamné à verser à ce dernier une rente annuelle jusqu'à sa majorité et à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-de-Haute-Provence, auprès de laquelle M. C... était alors affilié, la somme de 515 788,15 francs. Par un arrêt du 18 novembre 2004, la cour administrative d'appel de Marseille a porté à 620 747,80 francs (94 632,39 euros) la somme que le centre hospitalier était condamné à verser à cette caisse primaire. A la suite de l'évaluation définitive des préjudices subis par la victime devenue majeure, le tribunal administratif de Marseille, saisi par M. C... d'un nouveau recours indemnitaire, a, par un jugement du 12 octobre 2015, condamné le centre hospitalier de Digne-les-Bains à indemniser la CPAM des Hautes-Alpes, à laquelle M. C... était affilié lors de l'introduction de sa nouvelle demande, à hauteur de 675 848,39 euros. La CPAM des Hautes-Alpes se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 juin 2019 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a, sur appel du centre hospitalier, ramené à 269 570,62 euros la somme que ce dernier a été condamné à lui verser.

2. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article R. 376-1 du code de la sécurité sociale qu'elles habilitent un organisme de sécurité sociale ayant engagé une action sur le fondement de l'article L. 376-1 du même code à poursuivre le remboursement, non seulement des prestations servies par lui, mais aussi de celles servies par tout organisme relevant du même régime de sécurité sociale et couvrant le même risque, auquel la victime du dommage s'est trouvée ultérieurement affiliée du fait, notamment, d'un changement de résidence.

3. Il s'ensuit qu'en jugeant, ainsi qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué, que la CPAM des Hautes-Alpes, qui avait engagé, dans le litige introduit par M. C... qui était alors affilié auprès d'elle en qualité de résident dans ce département, l'action prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ne pouvait rechercher le remboursement des prestations servies, au même titre, par la CPAM des Bouches-du-Rhône, alors que les sommes en question avaient été versées par cette caisse en raison de ce que M. C... y avait été affilié, à compter du 16 juillet 2013, en conséquence de sa nouvelle résidence dans les Bouches-du-Rhône, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

4. La caisse primaire requérante est par suite fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions tendant au remboursement des frais de soins exposés par la CPAM des Bouches-du-Rhône pour la prise en charge de M. C..., pour la période postérieure au 16 juillet 2013.

5. En second lieu, il résulte des termes de l'arrêt, devenu irrévocable, du 18 novembre 2004 de la cour administrative d'appel de Marseille, que le centre hospitalier de Digne-les-Bains a été condamné à rembourser à la CPAM des Hautes Alpes, d'une part les frais d'hospitalisation exposés par elle au titre de la prise en charge de M. C... jusqu'à la date de sa majorité, le 10 octobre 2010 et, d'autre part, d'autres frais médicaux exposés pour la prise en charge de M. C..., estimés à 16 001 euros à la date de son arrêt.

6. Par suite, si l'autorité de la chose jugée par cet arrêt du 18 novembre 2004 faisait obstacle à ce qu'il soit fait droit à la nouvelle demande de la CPAM des Hautes Alpes tendant au remboursement des frais exposés par elle au titre de l'hospitalisation de M. C... jusqu'au 10 octobre 2010, la cour administrative d'appel ne pouvait, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, juger que l'autorité de la chose jugée par ce même arrêt du 18 novembre 2004 faisait également obstacle au remboursement des autres frais médicaux exposés par la caisse postérieurement à la date de cet arrêt, soit entre le 19 novembre 2004 et le 10 octobre 2010.

7. La caisse primaire requérante est, par suite, également fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions tendant au remboursement des frais médicaux, distincts des frais d'hospitalisation, exposés pour les soins reçus par M. C..., en conséquence de l'acte fautif commis lors de sa naissance au centre hospitalier de Digne-les-Bains, entre le 19 novembre 2004 et le 10 octobre 2010.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Digne-les-Bains et de la société hospitalière d'assurances mutuelles une somme de 1 500 euros chacun à verser à la CPAM des Hautes-Alpes, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 13 juin 2019 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la CPAM des Hautes-Alpes tendant, d'une part, à l'indemnisation des frais médicaux autres que d'hospitalisation exposés pour la période du 18 novembre 2004 au 10 octobre 2010 et, d'autre part, à l'indemnisation de l'ensemble de ses débours pour la période postérieure au 16 juillet 2013.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Le centre hospitalier de Digne-les-Bains et la société hospitalière d'assurances mutuelles verseront la somme de 1 500 euros chacun à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, au centre hospitalier de Digne-les-Bains et à la société hospitalière d'assurances mutuelles.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 433559
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2020, n° 433559
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pearl Nguyên Duy
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:433559.20201229
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