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24/12/2020 | FRANCE | N°443317

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 24 décembre 2020, 443317


Vu la procédure suivante :

M. D...-E... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Puttelange-aux-Lacs (Moselle). Par un jugement n° 2002751 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa protestation.

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 20 août, 15 octobre et 30 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au

Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les opératio...

Vu la procédure suivante :

M. D...-E... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Puttelange-aux-Lacs (Moselle). Par un jugement n° 2002751 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa protestation.

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 20 août, 15 octobre et 30 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les opérations électorales ;

3°) de condamner M. A... B... aux entiers dépens, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de procédure civile ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du scrutin organisé le 15 mars 2020 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Puttelange-aux-Lacs, la liste " Ensemble pour l'avenir de Puttelange ", conduite par M. A... B..., a obtenu, avec 60,45 % des suffrages exprimés, dix-neuf sièges au conseil municipal et deux au conseil communautaire, tandis que la liste " Une ville un avenir ", conduite par M. D...-A... C..., a obtenu, avec 39,54 % des suffrages exprimés, quatre sièges au conseil municipal et un au conseil communautaire. M. C... relève appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales du 15 mars 2020.

Sur le grief relatif à la méconnaissance de l'article L. 52-1 du code électoral :

2. Aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : " Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ".

3. Si M. C... soutient que, le 14 février 2020, la liste conduite par M. B... a distribué dans les boîtes aux lettres des électeurs un bulletin similaire au bulletin d'information de la commune, il résulte toutefois de l'instruction que ce document constituait un bilan de mandat, réalisé et diffusé, à ses frais, par le maire sortant en qualité de candidat aux élections municipales. Ce document qui, compte tenu de son aspect et de son contenu, n'était pas susceptible d'être confondu par les électeurs avec le bulletin d'information communal, ne saurait avoir été susceptible d'entrainer une confusion dans l'esprit des électeurs. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la diffusion de ce document a constitué une irrégularité de nature à altérer la sincérité du scrutin.

Sur les autres griefs :

4. D'une part, aux termes de l'article R. 119 du code électoral : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai (...) ".

5. D'autre part, l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a habilité le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances " toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi (...) 2° (...) b) Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d'un droit, fin d'un agrément ou d'une autorisation ou cessation d'une mesure, à l'exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, le 3° du II de l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif a prévu que : " Les réclamations et les recours mentionnés à l'article R. 119 du code électoral peuvent être formés contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020 au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour, fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020 dans les conditions définies au premier alinéa du III de l'article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 susvisée ou, par dérogation, aux dates prévues au deuxième ou troisième alinéa du même III du même article ". L'article 1er du décret du 14 mai 2020 définissant la date d'entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dont le conseil municipal a été entièrement renouvelé dès le premier tour des élections municipales et communautaires organisé le 15 mars 2020 prévoit que : " (...) les conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dans lesquelles le conseil municipal a été élu au complet lors du scrutin organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction le 18 mai 2020 ".

6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, combinées avec celles du second alinéa de l'article 642 du code de procédure civile selon lesquelles " Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ", que les réclamations contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pouvaient être formées au plus tard le lundi 25 mai 2020 à dix-huit heures.

7. Dans le délai de protestation prévu à l'article R. 119 du code électoral ainsi prorogé par les dispositions précitées, M. C... s'était borné à soulever le grief relatif à la distribution dans les boites aux lettres des électeurs d'un bulletin similaire au bulletin d'information de la commune constituant une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la collectivité en méconnaissance de l'article L. 52-1 du code de justice, qui vient d'être examiné. Le grief soulevé en première instance et repris devant le Conseil d'Etat concernant la réalisation, antérieurement aux opérations électorales, par le maire sortant, de travaux et d'achats en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral, a été présenté devant le tribunal administratif par un mémoire enregistré postérieurement à l'expiration de ce délai le 25 mai 2020. Par suite, ce nouveau grief était irrecevable. Il en va également ainsi s'agissant des griefs présentés pour la première fois en appel tirés, d'une part, de la distribution de divers tracts durant la campagne électorale, et, d'autre part de l'usage des locaux communaux par la liste conduite par M. B..., et enfin, de la promotion du maire sortant sur la page Facebook de la commune.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa protestation. Il en est de même, par voie de conséquence et conformément à l'article R. 773-3 du code de justice administrative, des conclusions présentées au titre de l'article R. 761-1 du même code.

9. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros que demande M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D...-E... C..., à M. A... B..., premier dénommé pour l'ensemble des défendeurs, au ministre de l'intérieur et au préfet de la Moselle.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 443317
Date de la décision : 24/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 déc. 2020, n° 443317
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:443317.20201224
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