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24/12/2020 | FRANCE | N°436859

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 24 décembre 2020, 436859


Vu la procédure suivante :

La société Fast Food Océan Indien a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 mai 2014 par lequel le maire de Saint-Louis (La Réunion) a délivré un permis de construire à la société Saint-Louisienne Immobilière en vue de la construction d'un local commercial sur un terrain situé 1, rue de l'Etang, dans la zone " Bel Air " de cette commune, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1401270 du 23 février 2017, le tribunal administratif de La Réuni

on a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 17PA21666 du 12 décembr...

Vu la procédure suivante :

La société Fast Food Océan Indien a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 mai 2014 par lequel le maire de Saint-Louis (La Réunion) a délivré un permis de construire à la société Saint-Louisienne Immobilière en vue de la construction d'un local commercial sur un terrain situé 1, rue de l'Etang, dans la zone " Bel Air " de cette commune, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1401270 du 23 février 2017, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 17PA21666 du 12 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et rejeté la demande de la société Fast Food Océan Indien.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 décembre 2019, 12 mars 2020 et 23 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Fast Food Océan Indien demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Saint-Louisienne Immobilière ;

3°) de mettre à la charge de la société Saint-Louisienne Immobilière la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société Fast Food Ocean Indien et à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la société Saint-Louisienne immobiliere ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 23 février 2017, le tribunal administratif de La Réunion a, à la demande de la société Fast Food Océan Indien, annulé l'arrêté du 27 mai 2014 par lequel le maire de Saint-Louis (La Réunion) a délivré un permis de construire à la société Saint-Louisienne Immobilière en vue de la construction d'un local commercial sur un terrain situé 1, rue de l'Etang, dans la zone " Bel Air " de cette commune. La société Fast Food Océan Indien se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel formé par la société Saint-Louisienne Immobilière, a annulé ce jugement et rejeté sa demande comme irrecevable, au motif qu'elle n'avait pas intérêt à demander l'annulation de l'arrêté du 27 mai 2014 et que sa demande de première instance était tardive.

2. L'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter l'intérêt de la société Fast Food Océan Indien à demander l'annulation de l'arrêté du 27 mai 2014 par lequel un permis de construire a été délivré à la société Saint-Louisienne Immobilière, la cour administrative d'appel de Paris a relevé que le terrain d'assiette du projet était en friche et s'inscrivait dans une zone destinée à accueillir des activités économiques et commerciales et à être aménagée pour juger qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la réalisation du projet aurait des effets tels sur les flux de circulation dans cette zone commerciale et sur la vue dont bénéficie l'établissement de la société qu'ils seraient de nature à affecter par eux-mêmes les conditions d'exploitation de cet établissement. En statuant ainsi au vu des effets attendus de l'aménagement de la zone, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit.

4. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 1, la cour s'est également fondée, pour rejeter sa demande comme irrecevable, sur le motif tiré de la tardiveté du recours gracieux formé par la société Fast Food Océan indien le 12 août 2014, en jugeant que le délai de recours avait commencé à courir à compter de l'affichage du permis de construire sur le terrain le 8 juin 2014.

5. L'article R. 600-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) / Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage ". Aux termes de l'article A. 424-16 de ce code : " Le panneau prévu à l'article A. 424-1 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté (...) ".

6. En imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur le permis, les caractéristiques de la construction projetée et le lieu de consultation du dossier, les dispositions citées au point précédent ont pour objet de permettre aux tiers d'apprécier l'importance et la consistance du projet et de les mettre à même de consulter le dossier du permis. Il s'ensuit que, si les mentions prévues par l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme doivent, en principe, figurer sur le panneau d'affichage, une erreur ou omission entachant l'une d'entre elles ne conduit à faire obstacle au déclenchement du délai de recours que dans le cas où cette erreur est de nature à empêcher les tiers d'apprécier, à la seule lecture du panneau d'affichage, l'importance et la consistance du projet ou d'affecter leur capacité à identifier, à la seule lecture de ce panneau, le permis et l'administration à laquelle il convient de s'adresser pour consulter le dossier.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le panneau d'affichage du permis de construire litigieux, qui mentionnait que le dossier de permis de construire pouvait être consulté à la mairie de Saint-Louis, renseignait les tiers sur l'administration à laquelle s'adresser. Dès lors, en jugeant que l'erreur dans l'adresse de la mairie n'avait pas été de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de recours, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit. Par ailleurs, c'est au terme d'une appréciation souveraine exempte de dénaturation qu'elle a relevé, par une motivation suffisante, qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis qu'en dépit d'une erreur dans la superficie du terrain d'assiette du projet, les autres mentions du panneau permettaient d'apprécier l'importance et la consistance du projet, si bien que l'affichage sur le terrain de ce panneau avait fait courir le délai de recours contentieux contre l'arrêté litigieux du 27 mai 2014.

8. Le motif tiré de la tardiveté du recours gracieux introduit par la société requérante contre le permis litigieux, par lequel la cour administrative d'appel a constaté l'irrecevabilité de la demande présentée par cette société, justifiait, à lui seul, le dispositif de rejet de cette demande. Si la cour a, à tort ainsi qu'il a été dit au point 3, également fondé sa décision sur un autre motif, tiré du défaut d'intérêt de la société requérante à demander l'annulation du permis litigieux, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'un tel motif ne peut qu'être regardé comme surabondant et ne saurait dès lors entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Fast Food Océan Indien n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 12 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Paris. Son pourvoi ne peut dès lors qu'être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de la société Fast Food Océan Indien le paiement à la société Saint-Louisienne Immobilière de la somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Fast Food Océan Indien est rejeté.

Article 2 : La société Fast Food Océan Indien versera à la société Saint-Louisienne Immobilière la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Fast Food Océan Indien, à la société Saint-Louisienne Immobilière et au maire de Saint-Louis (La Réunion).


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 436859
Date de la décision : 24/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 déc. 2020, n° 436859
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christelle Thomas
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:436859.20201224
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