Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 10 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 12 juillet 2019, confirmée le 10 décembre 2019, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le fichier des personnes recherchées (FPR), en tant que serait concernée la sûreté de l'Etat ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à la communication et à l'effacement des données le concernant figurant illégalement dans ce fichier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision du Conseil d'Etat ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;
- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;
- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. B... et son conseil et, d'autre part, le ministre de l'intérieur et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;
Et après avoir entendu en séance :
- le rapport de M. Philippe Josse, conseiller d'Etat,
- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en oeuvre de ces traitements ; le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.
2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre du droit d'accès aux traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figure notamment au nombre de ces traitements le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé fichier des personnes recherchées (FPR), pour les seules données intéressant la sûreté de l'Etat mentionnées au 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 susvisé.
3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en oeuvre du droit d'accès mentionné au point 2, " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. /Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en oeuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. /Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a saisi le ministre de l'intérieur d'une demande d'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le FPR et intéressant la sûreté de l'Etat. Par décision du 12 juillet 2019 le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les données demandées. M. B... demande l'annulation de ce refus, d'enjoindre au ministre de procéder à l'effacement des données en question et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
5. Le ministre de l'intérieur a communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments relatifs à la situation de l'intéressé.
6. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.
7. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre, au vu des observations de la CNIL. Cet examen s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent, qui respectent les stipulations des articles 6, 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'a révélé aucune illégalité. Il suit de là que les conclusions de M. B..., qui ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision qu'il attaque serait incorrectement motivée, doivent être rejetées, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.