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16/12/2020 | FRANCE | N°432169

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 16 décembre 2020, 432169


Vu la procédure suivante :

I. Sous le n° 432169, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juillet et 2 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée " Montagne-Saint-Emilion " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Sous le n° 432170, par une requête sommair

e et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juillet et 2 octobre 2019 au secrétar...

Vu la procédure suivante :

I. Sous le n° 432169, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juillet et 2 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée " Montagne-Saint-Emilion " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Sous le n° 432170, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juillet et 2 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée " Bordeaux " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

III. Sous le n° 432171, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juillet et 2 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée " Bordeaux supérieur " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

IV. Sous le n° 432173, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juillet et 2 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée " Crémant de Bordeaux " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. D... et à la SARL Didier, Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que par quatre décrets des 6 décembre 2011 et 28 septembre 2015, le Premier ministre a homologué les cahiers des charges des appellations d'origine contrôlée (AOC) " Montagne-Saint-Emilion ", " Bordeaux ", " Bordeaux supérieur " et " Crémant de Bordeaux ", qui prévoient notamment la délimitation d'une aire parcellaire de production comportant les vignes d'où sont exclusivement issus les vins de ces appellations. Le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et boissons alcoolisés et des boissons spiritueuses de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a approuvé une proposition de modification de l'aire parcellaire délimitée de chacune de ces AOC par une délibération du 14 février 2019, s'agissant de l'AOC " Montagne-Saint-Emilion ", des délibérations des 20 juin 2018, 15 novembre 2018 et 14 février 2019, s'agissant des AOC " Bordeaux " et " Bordeaux supérieur ", et enfin des 20 juin 2018 et 14 février 2019, s'agissant de l'AOC " Crémant de Bordeaux ". Par quatre arrêtés des 10 et 24 avril 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics ont homologué un nouveau cahier des charges des AOC " Montagne-Saint-Emilion ", " Bordeaux ", " Bordeaux supérieur " et " Crémant de Bordeaux " et abrogé les décrets des 6 décembre 2011 et 28 septembre 2015. M. D... demande l'annulation de ces arrêtés, en tant qu'ils excluent de l'aire parcellaire délimitée des AOC " Montagne-Saint-Emilion ", " Bordeaux ", " Bordeaux supérieur " et " Crémant de Bordeaux " ses parcelles cadastrées n° B 209, B 210 et B 350 situées sur le territoire de la commune de Montagne (Gironde).

2. Les requêtes de M. D... présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

3. Il ressort des pièces du dossier, que la parcelle cadastrée n° B350 appartenait, avant les arrêtés contestés, et a continué à appartenir depuis ceux-ci, aux aires parcellaires des AOC précitées. Par suite, les conclusions contestant l'absence de classement de cette parcelle sont, ainsi que le soutient le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, irrecevables et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur la légalité externe :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) / 2° Les chefs de service, directeurs-adjoints, sous-directeurs, (...) / (...) ". Par une décision du 2 juillet 2018 portant délégation de signature (direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises), publiée au Journal officiel de la République française du 5 juillet 2018, la directrice générale de la performance économique et environnementale a donné délégation, à l'effet de signer, au nom du ministre chargé de l'agriculture, à l'exclusion des décrets, tous actes, arrêtés et décisions à M. C... A..., ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts, dans la limite des attributions de la sous-direction filières agroalimentaires. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'un des signataires des arrêtés attaqués doit être écarté.

5. En deuxième lieu, M. D... reproche au comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des eaux-de-vie de l'INAO d'avoir approuvé la modification de l'aire parcellaire délimitée des AOC " Montagne-Saint-Emilion ", " Bordeaux ", " Bordeaux supérieur " et " Crémant de Bordeaux " sans disposer du dossier requis, en méconnaissance du point 2.2.4. de la directive de l'INAO n° INAO-DIR-2015-03, du 31 mars 2015, relative à la délimitation de l'aire géographique d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique, ou de révision de l'aire géographique d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique enregistrée. Dès lors, toutefois, que ce dossier a été mis à la disposition du comité national lors de sa séance du 14 février 2019, ainsi que le fait valoir l'INAO sans être contredit, le moyen manque en fait.

6. En troisième lieu, M. D... soutient, sous le n° 432169, que la commission d'experts délimitation n'a pas motivé son avis sur la base des critères de délimitation approuvés par le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des eaux-de-vie de l'INAO, en méconnaissance du point 2.2.3. de la directive mentionnée au point précédent. Toutefois, la commission a rappelé dans son rapport les critères de délimitation approuvés par ce comité national le 2 juin 1989, sur lesquels elle s'est fondée pour rendre son avis. Le moyen manque donc également en fait. Par ailleurs, si, sous les n° 432170, 432171 et 432173, M. D... soutient qu'il n'a pas été destinataire d'avis quant à l'inclusion de ses parcelles dans les aires parcellaires des AOC " Bordeaux ", " Bordeaux supérieur " et " Crémant de Bordeaux ", l'INAO a indiqué, sans être contredit, d'une part, qu'il n'avait pas formulé de demandes tendant à une telle inclusion et, d'autre part, que si l'avis de la commission vise non seulement l'AOC " Montagne-Saint-Emilion " mais aussi ces trois AOC, c'est parce que les critères de délimitation des quatre AOC sont identiques et que leurs aires parcellaires sont strictement superposées.

Sur la légalité interne :

7. Il ressort des pièces du dossier que la commission d'experts délimitation de l'INAO a proposé de ne pas inclure les parcelles de M. D... n° B 209 et B 210 dans l'aire parcellaire des quatre AOC en litige au motif que ces parcelles, aux sols sablo-argileux, sont situées en fond de vallon et présentent un profil concave, avec un mauvais écoulement des eaux et une grande abondance de prêles. Par ailleurs, selon la commission d'experts de l'INAO, la présence à l'est, le long du fossé bordant les parcelles, d'un masque végétal important composé d'une flore de milieu hydromorphe avec une ombre portée très importante sur les parcelles favorisent les risques de gel, des dégâts du gel ayant d'ailleurs déjà été observés sur ces parcelles, contrairement aux parcelles incluses dans l'aire parcellaire à proximité. Au regard de ces caractéristiques, que n'infirme pas le rapport d'expertise fourni à l'INAO par M. D..., c'est sans erreur d'appréciation que les parcelles en cause n'ont pas été incluses dans les arrêtés contestés comme ne répondant pas aux exigences des cahiers des charges des quatre AOC.

8. Il résulte de tout de ce qui précède que les requêtes de M. D... doivent être rejetées.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme totale de 3 000 euros à verser à l'INAO au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'INAO, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de M. D... sont rejetées.

Article 2 : M. D... versera à l'INAO la somme totale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... D..., au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, au ministre de l'économie, des finances et de la relance, ainsi qu'à l'Institut national de l'origine et de la qualité.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 432169
Date de la décision : 16/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2020, n° 432169
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SARL DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:432169.20201216
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