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11/12/2020 | FRANCE | N°427136

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 11 décembre 2020, 427136


Vu la procédure suivante :

La société Ipelia a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1600898/1 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA01992 du 15 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Ipelia, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris, rejeté la demande présentée pa

r cette société et le surplus des conclusions de son appel.

Par un pourvoi sommai...

Vu la procédure suivante :

La société Ipelia a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1600898/1 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA01992 du 15 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Ipelia, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris, rejeté la demande présentée par cette société et le surplus des conclusions de son appel.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 janvier et 16 avril 2019 ainsi que le 4 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ipelia demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 décembre 2016 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Ipelia ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er décembre 2020, présentée par la société Ipelia ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en 2011, la société Ipelia, ayant retenu un coefficient de taxation unique de un, a déduit intégralement la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé une " commission de succès " et des honoraires, qu'elle avait versés, cette même année, à une banque d'affaire et à un cabinet d'avocat, à la suite de factures établies, l'année précédente, à raison de prestations exposées à l'occasion de la cession, cette année-là, des titres de sa filiale Vizelia. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause cette déduction et la société Ipelia a demandé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à ce titre ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. La société se pourvoit en cassation contre l'un arrêt du 15 novembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts : " I.- Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II.- Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. / III. 1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / (...) 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée ; / (...) V.-1. L'assujetti peut, par année civile, retenir : / 1° Pour l'ensemble de ses biens et services utilisés concurremment à des opérations imposables et à des opérations non imposables, un coefficient d'assujettissement unique, sous réserve d'en justifier ; / 2° Pour l'ensemble de ses biens et services, un coefficient de taxation unique calculé dans les conditions du 3 du III (...) ".

3. D'une part, l'année de référence, au titre de laquelle sont pris en compte les chiffres d'affaire visés par les dispositions précitées du 1° du III de l'article 206 de l'annexe II au code précité, est celle au cours de laquelle prend naissance le droit à déduction relatif au bien ou au service auquel s'applique le coefficient de taxation ou, le cas échéant, le coefficient de taxation unique.

4. Par suite et dès lors que le droit à déduction de la taxe ayant grevé des prestations de service prend naissance, en application des dispositions combinées du 2 du I de l'article 271 du code général des impôts et du 2 de l'article 269 du même code, lors de l'encaissement de leur rémunération, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en appliquant le coefficient de taxation unique de l'année 2011, au cours de laquelle, ainsi qu'il a été dit au point 1, la rémunération des prestations litigieuses a été versée et non celui de l'année 2010, dont la société s'était également prévalue devant elle et au cours de laquelle ces prestations ont été utilisées, ne peut qu'être écarté.

5. D'autre part, il résulte des dispositions citées au point 2, interprétées à la lumière de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, qu'à la différence du coefficient d'ajustement unique qui ne s'applique qu'aux biens et services utilisés concurremment à des opérations imposables et à des opérations non imposables de l'assujetti qui l'a retenu, le coefficient de taxation unique s'applique à l'ensemble des biens et services utilisés par celui-ci et pas seulement aux biens et services qui sont utilisés concurremment à des opérations imposables ouvrant droit à déduction et des opérations imposables n'y ouvrant pas droit. En revanche, le coefficient de taxation unique ne peut, au même titre que le coefficient de taxation, être retenu que par les redevables dits partiels qui, au titre de l'année civile, ont réalisé, parmi leurs opérations imposables, des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'y ouvrant pas droit.

6. Par suite, en jugeant que le coefficient de taxation unique n'est applicable qu'aux assujettis utilisant des biens et services concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, la cour a commis une erreur de droit. Toutefois, après avoir relevé la circonstance non contestée en cassation qu'en 2011, la société avait uniquement perçu un chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à 103 574 euros et des produits financiers d'un montant de 189 216 euros n'entrant pas dans le champ d'application de cette taxe, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, en déduire que, faute d'avoir accompli des opérations imposables ouvrant droit à déduction et des opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, elle ne pouvait, au titre de cette année, revendiquer le bénéfice des dispositions précitées du 2° du 1 du V de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 que lorsqu'une société holding, se livrant à une activité économique à raison de laquelle elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, envisage de céder tout ou partie des titres de la participation qu'elle détient dans une filiale et expose à cette fin des dépenses en vue de préparer cette cession, elle est en droit, sous réserve de produire des pièces justificatives, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses, qui sont réputées faire partie de ses frais généraux et se rattacher aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant de cette activité économique. Lorsque cette cession est intervenue, que cette opération soit en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans son champ mais exonérée, l'administration est fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé de telles dépenses quand, compte tenu des éléments portés à sa connaissance et au vu des pièces qu'il appartient le cas échéant à la société qui les détient de produire, elle établit que cette opération a revêtu un caractère patrimonial dès lors que le produit de cette cession a été distribué, quelles que soient les modalités de cette distribution, ou que, en l'absence d'éléments contraires produits par le contribuable, ces dépenses ont été incorporées dans le prix de cession des titres.

9. Dès lors que la cour a estimé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, qu'en l'absence d'éléments contraires produits par la société Ipelia, les dépenses litigieuses devaient être regardées, ainsi que le soutenait l'administration, comme ayant été incorporées dans le prix de cession des titres de sa filiale, dont il est constant qu'il n'a pas été soumis à la taxe, le motif par lequel la cour a ajouté que la société avait précisé elle-même que l'opération revêtait un caractère patrimonial, était surabondant et le moyen tiré par la société Ipelia de ce que ce motif est entaché d'une méconnaissance de la portée de ses écritures, est inopérant.

10. En troisième et dernier lieu, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine exempte de dénaturation en écartant l'argumentation subsidiaire de la société requérante selon laquelle les dépenses litigieuses n'étaient pas seulement destinées à permettre la cession des titres de sa filiale mais lui ont également permis de continuer de facturer des prestations d'assistance à celle-ci.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Ipelia n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Ipelia est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Ipelia et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 427136
Date de la décision : 11/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. LIQUIDATION DE LA TAXE. DÉDUCTIONS. CONDITIONS DE LA DÉDUCTION. - COEFFICIENT DE TAXATION UNIQUE (V DE L'ART. 206 DE L'ANNEXE 2 DU CGI) - CHAMP D'APPLICATION - 1) ENSEMBLE DES BIENS ET SERVICES UTILISÉS PAR L'ASSUJETTI [RJ1] - 2) REDEVABLES AYANT RÉALISÉ DES OPÉRATIONS TAXABLES ET DES OPÉRATIONS EXONÉRÉES.

19-06-02-08-03-02 1) Il résulte de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, interprété à la lumière de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, qu'à la différence du coefficient d'ajustement unique qui ne s'applique qu'aux biens et services utilisés concurremment à des opérations imposables et à des opérations non imposables de l'assujetti qui l'a retenu, le coefficient de taxation unique s'applique à l'ensemble des biens et services utilisés par celui-ci et pas seulement aux biens et services qui sont utilisés concurremment à des opérations imposables ouvrant droit à déduction et des opérations imposables n'y ouvrant pas droit.,,,2) En revanche, le coefficient de taxation unique ne peut, au même titre que le coefficient de taxation, être retenu que par les redevables dits partiels qui, au titre de l'année civile, ont réalisé, parmi leurs opérations imposables, des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'y ouvrant pas droit.


Références :

[RJ1]

Rappr. CJUE, 14 décembre 2016, Mercedes Benz Italia SpA, aff. C-378/15.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 déc. 2020, n° 427136
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Isidoro
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:427136.20201211
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