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09/12/2020 | FRANCE | N°429063

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 09 décembre 2020, 429063


Vu la procédure suivante :

La fondation de l'Armée du salut a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 septembre 2013 par lequel le président du conseil général de Seine-et-Marne a décidé la fermeture définitive de l'établissement " Le Domaine de Morfondé " ainsi que l'arrêté du 5 septembre 2014 fixant à 1 301 958,59 euros le montant des sommes à reverser au département. Par un jugement n° 1309166, 1409713 du 7 décembre 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 17PA00458

du 22 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé...

Vu la procédure suivante :

La fondation de l'Armée du salut a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 septembre 2013 par lequel le président du conseil général de Seine-et-Marne a décidé la fermeture définitive de l'établissement " Le Domaine de Morfondé " ainsi que l'arrêté du 5 septembre 2014 fixant à 1 301 958,59 euros le montant des sommes à reverser au département. Par un jugement n° 1309166, 1409713 du 7 décembre 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 17PA00458 du 22 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la fondation de l'Armée du salut contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 mars et 24 juin 2019 et le 22 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la fondation de l'Armée du salut demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du département de Seine-et-Marne la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- l'ordonnance n° 2018-22 du 17 janvier 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société fondation de l'Armée du salut et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat du département de Seine-et-Marne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 26 septembre 2013, le président du conseil général de Seine-et-Marne a prononcé la fermeture définitive de l'établissement le " Domaine de Morfondé ", qui prenait en charge des mineurs et des jeunes majeurs au titre de l'aide sociale à l'enfance. Puis, par un arrêté du 5 septembre 2014, le président du conseil général a ordonné à la fondation de l'Armée du salut, gestionnaire de l'établissement, le reversement au département de la somme de 1 301 958,59 euros, en application de l'article L. 313-19 du code de l'action sociale et des familles. Par un jugement du 7 décembre 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté les demandes de la fondation de l'Armée du salut tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés. La fondation se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 janvier 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " I. - Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services (...) énumérés ci-après : / 1° Les établissements ou services prenant en charge habituellement, y compris au titre de la prévention, des mineurs et des majeurs de moins de vingt et un ans relevant des articles L. 221-1, L. 222-3 et L. 222-5 [c'est-à-dire de l'aide sociale à l'enfance]; / (...) II. _ Les conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement des établissements et services relevant des catégories mentionnées au présent article (...) sont définies par décret (...). / Les établissements et services mentionnés au 1° du même I s'organisent de manière à garantir la sécurité de chacun des mineurs ou des majeurs de moins de vingt et un ans qui y sont accueillis. / (...) ".

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté de fermeture en litige : " Les projets (...) de création, de transformation et d'extension d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux relevant de l'article L. 312-1 (...) sont autorisés par les autorités compétentes en vertu de l'article L. 313-3 ". Cet article dispose, dans sa rédaction applicable à la même date, que : " L'autorisation est délivrée : / a) Par le président du conseil général, pour les établissements et services mentionnés aux 1° (...) du I (...) de l'article L. 312-1 lorsque les prestations qu'ils dispensent sont susceptibles d'être prises en charge par l'aide sociale départementale ou lorsque leurs interventions relèvent d'une compétence dévolue par la loi au département (...) ". Aux termes de l'article L. 313-16 du même code, dans sa rédaction applicable : " L'autorité qui a délivré l'autorisation ou, le cas échéant, le représentant de l'Etat dans le département dans les conditions prévues au présent article prononce la fermeture, totale ou partielle, provisoire ou définitive, d'un service ou établissement (...) : / 1° Lorsque les conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement prévues au II de l'article L. 312-1 ne sont pas respectées ; 2° Lorsque sont constatées dans l'établissement ou le service et du fait de celui-ci des infractions aux lois et règlements susceptibles d'entraîner la mise en cause de la responsabilité civile de l'établissement ou du service ou de la responsabilité pénale de ses dirigeants ou de la personne morale gestionnaire (...) ".

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 331-5 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date : " Sans préjudice de l'application des dispositions prévues à l'article L. 313-16 si la santé, la sécurité ou le bien-être moral ou physique des personnes hébergées sont menacés ou compromis par les conditions d'installation, d'organisation ou de fonctionnement de l'établissement, le représentant de l'Etat enjoint aux responsables de celui-ci de remédier aux insuffisances, inconvénients ou abus dans le délai qu'il leur fixe à cet effet. / S'il n'a pas été satisfait à l'injonction dans ce délai, le représentant de l'Etat ordonne la fermeture totale ou partielle, définitive ou provisoire, de l'établissement. / En cas d'urgence ou lorsque le responsable de l'établissement refuse de se soumettre au contrôle prévu à l'article L. 331-3, le représentant de l'Etat peut, sans injonction préalable, prononcer par arrêté motivé et à titre provisoire une mesure de fermeture immédiate (...) ". Ces dispositions ont été abrogées par l'ordonnance du 17 janvier 2018 relative au contrôle de la mise en oeuvre des dispositions du code de l'action sociale et des familles et de l'article L. 412-2 du code du tourisme et aux suites de ce contrôle. La même ordonnance a modifié l'article L. 313-16 du code de l'action sociale et des familles qui prévoit désormais que : " I.- Lorsque la santé, la sécurité, ou le bien-être physique ou moral des personnes accueillies ou accompagnées sont menacés ou compromis, et s'il n'y a pas été remédié dans le délai fixé par l'injonction prévue à l' article L. 313-14 ou pendant la durée de l'administration provisoire, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation peut décider la suspension ou la cessation de tout ou partie des activités de l'établissement, du service ou du lieu de vie et d'accueil dans les conditions prévues aux articles L. 313-17 et L. 313-18 (...) ".

5. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 qu'en l'absence de décret définissant, en application du II de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, les conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement applicables à une catégorie de services ou d'établissements mentionnée au I du même article, la fermeture d'un service ou d'un établissement relevant de cette catégorie ne pouvait être prononcée, à la date de l'arrêté de fermeture en litige, sur le fondement du 1° de l'article L. 313-16 du même code mais relevait, le cas échéant, des dispositions mentionnées au point 4, dont la mise en oeuvre incombait, à cette date, au seul représentant de l'Etat. Par suite, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que l'absence de décret fixant les conditions techniques minimales prévu au II de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ne faisait pas obstacle à ce que fût prise par le président du conseil général une mesure de fermeture de l'établissement sur le fondement du 1° de l'article L. 313-16 de ce code.

6. Il résulte de ce qui précède que la fondation Armée du salut est fondée à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de son pourvoi.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de Seine-et-Marne la somme que demande la fondation de l'Armée du salut au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la fondation de l'Armée du salut, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 22 janvier 2019 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la fondation de l'Armée du salut et au département de Seine-et-Marne.

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 429063
Date de la décision : 09/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 déc. 2020, n° 429063
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:429063.20201209
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